Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 06/12/2012

Mme Aline Archimbaud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d'une mesure d'aménagement de peine sous écrou (semi-liberté, placement à l'extérieur ou sous surveillance électronique).

Ces détenus, contrairement aux personnes libérées définitivement ou bénéficiant d'une mesure de libération conditionnelle, n'ont pas le droit de récupérer à leur sortie les sommes contenues sur leur compte nominatif en prison. Ce compte est en effet divisé en trois parts : la part dévolue à l'indemnisation des parties civiles, la « part disponible » laissée à la disposition du détenu pendant l'incarcération, et le « pécule de libération », somme bloquée jusqu'à la levée d'écrou. Ce compte n'est liquidé qu'à la fin de l'exécution de la mesure d'aménagement, et avant ce moment, les personnes qui en bénéficient ne peuvent accéder à l'intégralité des fonds contenus sur la part disponible.
L'article D. 122 du code de procédure pénale donne d'ailleurs pouvoir au chef d'établissement pour déterminer le montant laissé à disposition de la personne pour faire face à ses besoins à l'extérieur : « le chef de l'établissement apprécie, au moment de la sortie des intéressés, l'importance de la somme qui doit leur être remise, par prélèvement sur leur part disponible ».

Or, selon les constats de l'Observatoire international des prisons (OIP), les sommes remises à la sortie des personnes bénéficiant d'aménagement de peine sous écrou sont souvent insuffisantes au vu de leurs besoins. Ainsi, par exemple, en avril dernier, une personne placée sous surveillance électronique est sortie de la prison d'Annœullin avec 30 euros en poche alors qu'elle disposait de 1 300 euros sur sa part disponible, acquis grâce à son travail en prison.
L'absence de ressources suffisantes pour « reprendre pied » à la sortie est dramatique.

La précarité de la condition de sortie est, en outre, souvent renforcée par un manque de préparation à la sortie. Comme l'a relevé le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son dernier rapport d'activité le renouvellement des pièces d'identité n'est pas systématiquement organisé. De nombreuses personnes détenues sortent dès lors sans justificatif d'identité. Or, il s'agit d'un préalable indispensable à de nombreuses démarches administratives : ouverture d'un compte bancaire, droit aux aides sociales, à la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C), etc. Sans compte bancaire, il est impossible par exemple de pouvoir contracter un abonnement mensuel de transport pour se rendre au Pôle emploi ou au travail.

Face à cette situation, elle lui demande si elle entend modifier l'article D. 122 du code de procédure pénale afin que les personnes sortant en aménagement de peine sous écrou puissent systématiquement bénéficier de l'intégralité des fonds contenus sur leur part disponible.

Elle suggère, par ailleurs, de leur permettre également de bénéficier des fonds contenus sur leur « pécule de libération », car il apparaît absurde et contre-productif en terme de prévention de la récidive d'attendre la fin de la mesure pour le leur remettre.

Enfin, elle souhaite connaître sa position concernant la recommandation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d'instaurer un recensement des documents d'identité des personnes détenues, avec mention de leur date de validité, afin que leur renouvellement soit systématiquement organisé en détention par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2013

Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je souhaitais attirer votre attention sur les conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d'une mesure d'aménagement de peine sous écrou - semi-liberté, placement à l'extérieur ou sous surveillance électronique.

Ces détenus, contrairement aux personnes libérées définitivement ou bénéficiant d'une mesure de libération conditionnelle, n'ont pas le droit de récupérer à leur sortie les sommes figurant sur leur compte nominatif en prison.

Ce compte est en effet divisé en trois parts : premièrement, la part dévolue à l'indemnisation des parties civiles ; deuxièmement, la « part disponible » laissée à la disposition du détenu pendant l'incarcération ; troisièmement, le « pécule de libération », somme bloquée jusqu'à la levée d'écrou.

Ce compte n'est liquidé qu'à la fin de l'exécution de la mesure d'aménagement, et les personnes qui en bénéficient ne peuvent accéder à l'intégralité des fonds de la part disponible avant ce terme.

L'article D. 122 du code de procédure pénale donne d'ailleurs pouvoir au chef d'établissement de déterminer le montant laissé à la disposition de la personne pour faire face à ses besoins à l'extérieur : « Le chef de l'établissement apprécie, au moment de la sortie des intéressés, l'importance de la somme qui doit leur être remise, par prélèvement sur leur part disponible [...] ».

Or, selon les constats de l'Observatoire international des prisons, les sommes remises à la sortie des personnes bénéficiant d'aménagements de peine sous écrou sont souvent insuffisantes au vu de leurs besoins.

Ainsi, par exemple, en avril dernier, une personne placée sous surveillance électronique est sortie de la prison d'Annœullin avec 30 euros en poche, alors qu'elle disposait de 1 300 euros sur sa part disponible, somme acquise grâce à son travail en prison.

L'absence de ressources suffisantes pour « reprendre pied » à la sortie est dramatique.

La précarité de la condition de sortie est, en outre, souvent renforcée par un manque de préparation à la sortie. Comme l'a relevé le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son dernier rapport d'activité, le renouvellement des pièces d'identité n'est pas systématiquement organisé. De nombreuses personnes détenues sortent dès lors sans justificatif d'identité. Or il s'agit d'un préalable indispensable à de nombreuses démarches administratives : sans compte bancaire, il est impossible, par exemple, de contracter un abonnement mensuel de transport pour se rendre à Pôle emploi ou au travail.

Face à cette situation, madame la garde des sceaux, entendez-vous modifier l'article D. 122 du code de procédure pénale afin que les personnes sortant en aménagement de peine sous écrou puissent systématiquement bénéficier de l'intégralité des fonds relevant de leur part disponible ? Je suggère par ailleurs de leur permettre également de bénéficier des fonds figurant sur leur « pécule de libération », car il apparaît absurde et contre-productif, en termes de prévention de la récidive, d'attendre la fin de la mesure pour le leur remettre.

Enfin, je souhaiterais connaître votre position, madame la garde des sceaux, concernant la recommandation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d'instaurer un recensement des documents d'identité des personnes détenues, avec mention de leur date de validité, afin que leur renouvellement soit systématiquement organisé en détention par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d'être présente pour répondre aux questions de nos collègues Aline Archimbaud et de Jean-Jacques Hyest, malgré un emploi de temps extrêmement chargé ce matin.

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser mon retard ce matin, dû à une réunion avec le Premier ministre prévue de longue date. Nous avons des difficultés à faire coïncider nos agendas, mais, compte tenu de la diversité et de la lourdeur des dossiers relatifs à la justice en ce moment, nous nous sommes permis de maintenir ce rendez-vous. Encore une fois, mille pardons pour ce retard.

Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur la possibilité, pour les personnes détenues bénéficiant d'une mesure d'aménagement de peine, de disposer, d'une part, de l'intégralité des fonds de leur part disponible, et éventuellement, d'autre part, de leur pécule de libération.

Aux termes de l'article 728-1 du code de procédure pénale, les valeurs pécuniaires des détenus, inscrites sur un compte nominatif ouvert à l'établissement pénitentiaire, sont réparties en trois parts : une première part sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d'aliments peuvent faire valoir leurs droits ; une deuxième, laissée à la disposition de la personne détenue ; enfin, le pécule de libération.

Pour ce qui est de la part disponible du compte de la personne détenue, l'article D. 122 du code précité prévoit que les personnes condamnées bénéficiant d'une mesure d'aménagement de peine sous écrou peuvent en disposer d'une partie.

Madame la sénatrice, je vous remercie de cette alerte. Ayant examiné la situation avec attention, je ne vois aucune raison de principe permettant de s'opposer à ce que la personne puisse disposer de l'intégralité de la part disponible de son compte. J'entends donc donner très prochainement des instructions pour que cette pratique soit effective, sous réserve des restrictions de l'article 22 de la loi pénitentiaire liées à la prévention de la récidive, notamment la protection de l'intérêt des victimes.

S'agissant du pécule de libération, je serai un peu plus prudente. J'ai demandé à l'administration pénitentiaire de me présenter une analyse précise des risques éventuels d'une modification du décret en vigueur. Je consulterai également d'autres personnalités sur le sujet avant de prendre une décision. Vous en serez avisée dès que mes idées seront arrêtées en la matière.

Le second problème que vous soulevez dans votre question, et qui concerne les documents d'identité, a été signalé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2011.

J'ai donné des instructions, par une circulaire du 23 octobre 2012, afin qu'une attention particulière soit portée à la demande et à la délivrance de la carte d'identité aux personnes détenues, ainsi qu'à son renouvellement. Par exemple, sur signalement possible du greffe de l'établissement, le service pénitentiaire d'insertion et de probation peut vérifier que, y compris en permission temporaire, les détenus disposent bien, s'ils le demandent, de leurs papiers d'identité.

Pour le reste, l'administration pénitentiaire a l'obligation d'être vigilante sur l'état de ces documents d'identité et de faire en sorte que les personnes détenues dont la libération est prévue dans un délai de six mois disposent bien d'une carte nationale d'identité en cours de validité ou, qu'à défaut, la procédure de renouvellement est en cours.

Par ailleurs, j'ai également donné des consignes concernant les passeports et les titres de séjour afin que le nécessaire soit fait pour que les détenus puissent en disposer.

Madame la sénatrice, je vous remercie tout particulièrement d'avoir posé ces questions et je remercie de manière plus générale toutes celles et tous ceux ici qui, bien que de sensibilités diverses, avec constance se préoccupent de la situation au sein de nos établissements pénitentiaires et de l'effectivité des dispositions que nous prenons, toujours dans le souci d'améliorer la prévention de la récidive et de faire en sorte que les personnes détenues passent un temps utile en prison et parviennent à se réinsérer dans la société dans les meilleures conditions possibles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je tiens tout d'abord à vous remercier d'être présente ce matin, en dépit d'un emploi du temps que nous savons très chargé.

Je vous sais gré également de votre réponse et des décisions tout à fait encourageantes que vous avez déjà prises. Votre démarche va dans le sens de ma préoccupation, car je vous ai posé ces questions afin que la prévention de la récidive soit favorisée à l'aune des dispositions prises en faveur de la réinsertion, les deux étant fortement liées.

L'ancien gouvernement n'avait pas adopté une telle position : seule la prévention de la récidive était prise en compte et aucun objectif de réinsertion n'était fixé.

Cette question du pécule de sortie et des documents d'identité des détenus, comme l'accès à la formation et à l'emploi ou les moyens donnés aux services pénitentiaires d'insertion et de probation, entre autres, vont dans le même sens.

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