Question de M. DILAIN Claude (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 07/12/2012

Question posée en séance publique le 06/12/2012

M. Claude Dilain. Monsieur le Premier ministre, le 11 février 1987, il y a vingt-cinq ans, Joseph Wresinski faisait adopter par le Conseil économique et social un rapport intitulé Grande pauvreté et précarité économique et sociale.

Dans son rapport pour 2011-2012, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale constate que plus de 11 millions de personnes en France sont touchées par la pauvreté ou l'exclusion et que la pauvreté sous toutes ses formes n'a cessé d'augmenter. Parmi les personnes les plus vulnérables se trouvent les familles monoparentales, les jeunes, les femmes âgées, sans oublier les enfants. Il souligne aussi que « disposer d'un emploi n'est plus une condition suffisante pour franchir le seuil de pauvreté », tant l'emploi s'est raréfié et précarisé.

La pauvreté augmente et se territorialise. En France, un individu peut être considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 964 euros. Or 33 % des habitants des banlieues sensibles vivent avec moins de 900 euros par mois. Le revenu fiscal moyen de la population des zones urbaines sensibles représente environ 60 % de celui de l'agglomération qui abrite le quartier.

Monsieur le Premier ministre, lors de la préparation de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale des 10 et 11 décembre prochain, vous avez affirmé que vous alliez dégager « une enveloppe de 50 millions d'euros [...] sur les budgets des ministères [qui] renforcera les crédits alloués à la veille sociale, l'hébergement d'urgence et la prise en charge des demandeurs d'asile ».

L'objectif de votre gouvernement est bien de réduire les inégalités et d'éviter que des hommes et des femmes ne tombent dans une précarité dramatique non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour notre pays.

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer, d'une part, les mesures que votre gouvernement compte prendre en urgence et, d'autre part, les actions que les ministres qui participeront aux ateliers de cette conférence avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale envisagent pour réduire ces situations sur le long terme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 07/12/2012

Réponse apportée en séance publique le 06/12/2012

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, comme je l'ai annoncé dans mon discours de politique générale, une conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale se tiendra lundi et mardi prochains. Elle sera l'occasion d'annoncer les axes structurants de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté, la précarité et les inégalités dans notre pays.

Vous avez eu raison de souligner l'urgence des situations.

Avant d'être des statistiques, ces hommes et ces femmes sont d'abord des visages, que vous connaissez bien. Ils sont parfois stigmatisés comme s'ils étaient coupables, alors que les hasards de la vie - pas toujours les hasards - ont pu provoquer ces chutes et conduire à l'extrême pauvreté.

Cette situation qui dure et perdure s'est aggravée durant ces dix dernières années de laisser-faire économique et social et s'est traduite par un bond inégalé des inégalités dans notre pays. Par conséquent, il faut faire face, il faut faire front.

Il fallait aussi agir dans l'urgence, je vous remercie de l'avoir rappelé, monsieur le sénateur. C'est pourquoi, dans les six premiers mois qui ont suivi sa formation, le Gouvernement a pris des mesures.

Ainsi, nous avons revalorisé de 25 % l'allocation de rentrée scolaire. Cette mesure touche directement les familles les plus modestes de notre pays. Que de critiques n'avons-nous pas entendues ! Nous faisions là un cadeau qui servirait à l'achat d'iPad ou d'autres produits technologiques. C'est méconnaître la situation difficile des familles. Cette décision a directement bénéficié aux enfants, en particulier aux enfants les plus pauvres. Nous avons eu raison de la prendre !

Nous avons également débloqué une enveloppe de 50 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence.

Nous avons engagé l'encadrement des loyers.

Nous avons encore supprimé la franchise pour l'aide médicale de l'État. Là aussi, que n'a-t-on entendu !

Je tiens à souligner, et la conférence que vous avez évoquée sera l'occasion de le rappeler solennellement, que l'on ne fera pas reculer la pauvreté et l'exclusion sociale en tenant des discours moralisateurs et stigmatisants. Comme si être pauvre était un choix de vie !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le demande à tous, quelle que soit votre sensibilité politique : arrêtez d'exploiter la misère et mobilisez-vous pour la combattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Pas d'effets de manches !

Un sénateur du groupe UMP. Ce n'est pas digne d'un Premier ministre !

M. Jean-Claude Lenoir. C'est de la fumée tout ça !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La combattre à long terme, c'est précisément l'objet de la conférence qui se tiendra la semaine prochaine. Elle a été préparée minutieusement. Sept groupes de travail dirigés par des personnalités incontestables ont travaillé tambour battant, dans un esprit de concertation exemplaire : associations, collectivités territoriales, partenaires sociaux et représentants des personnes en situation de précarité ont été étroitement associés à la préparation de ces travaux.

Je sais déjà que les rapports qui seront présentés sont de très grande qualité. Ils seront exigeants aussi, j'en suis conscient ; ils le seront pour le Gouvernement comme pour tous les acteurs de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Mais ils pourront constituer, comme ce fut le cas lors de la conférence sociale ou de la conférence environnementale, une véritable feuille de route qui servira de base aux décisions que je serai amené à annoncer à l'issue de ces journées. Quoi qu'il en soit, je laisse aux rapporteurs le soin de présenter les préconisations qui résultent de leurs travaux.

Marie-Arlette Carlotti, ici présente, mais aussi tous les autres ministres et moi-même sommes mobilisés pour trouver des solutions concrètes. Certaines pourront avoir un effet immédiat, d'autres s'inscriront dans le moyen terme et nécessiteront des réformes.

Je conclurai sur un point. J'ai parlé ces derniers temps de « nouveau modèle français » et de la nécessité de retrouver de la compétitivité pour nos entreprises, pour l'emploi.

M. Jean Bizet. Enfin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La compétitivité n'est pas qu'économique, elle est aussi sociale. C'est pourquoi ce nouveau modèle français n'aura de sens, ne sera mobilisateur, ne redonnera confiance que s'il s'appuie sur les valeurs qui fondent le pacte républicain. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Aujourd'hui, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur, une partie des Français ne croient plus à ces valeurs ni à ce pacte. (M. Claude Dilain opine.) Ils ont perdu confiance. Le défi que nous avons à relever, c'est de leur redonner toute leur place dans la République, quel que soit l'endroit où ils habitent : centres-villes, banlieues, périphéries urbaines ou quartiers plus éloignés, territoires ruraux.

Notre mission, c'est ce nouveau modèle français. Elle exige du travail. Elle réclame également du courage, de la détermination, et le Gouvernement n'en manque pas. Mais, pour cela, il a besoin de l'appui de la majorité parlementaire que je tiens ici à saluer et à remercier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Berson. Très bien !

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