Question de Mme SCHURCH Mireille (Allier - CRC) publiée le 14/12/2012

Question posée en séance publique le 13/12/2012

Concerne le thème : L'hébergement d'urgence

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, année après année, au début des jours froids, se pose cette cruelle question : comment peut-on laisser dormir dans la rue des hommes, des femmes et des enfants ?

Aujourd'hui, lorsqu'ils appellent le 115, près de 80 % des sans-abri se voient refuser, faute de place, l'accès à ce droit essentiel, pourtant reconnu comme une liberté fondamentale, qu'est celui d'avoir un toit sous lequel dormir.

Parce qu'une telle situation heurte profondément notre pacte républicain, nous avons proposé, en conférence des présidents, que cette problématique fasse l'objet d'une séance de questions cribles thématiques, et nous avons été entendus.

Vous avez tenu, madame la ministre, la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Le Gouvernement a pris des engagements forts : celui de faire construire 8 000 nouvelles places d'hébergement, dont 4 000 places d'hébergement d'urgence, puis celui de recourir à la réquisition des logements vides. Nous saluons positivement ces efforts.

Le Premier ministre a aussi annoncé mardi que 50 millions d'euros supplémentaires seraient consacrés à l'hébergement, mais cela ne nous semble pas suffisant compte tenu des besoins criants, et vous le savez bien. La question financière reste donc ouverte et centrale, je dirais même ardue, d'autant plus qu'il faut également financer la réhabilitation des centres d'hébergement existants, afin qu'ils respectent enfin la dignité humaine.

Dès lors, pourquoi le Gouvernement a-t-il refusé la création d'une taxe sur les bureaux vacants qui aurait permis de contribuer au financement de ces mesures positives ? Comme vous sans doute, madame la ministre, nous le regrettons.

De plus, sachant que les associations estiment à 50 000 le nombre réel d'expulsions annuelles, pourquoi ne pas prendre la décision politique d'abonder le fonds d'indemnisation des propriétaires et d'interdire les expulsions sans relogement des personnes ne pouvant se maintenir dans les lieux par leurs propres moyens ?

Pour cela, il vous suffirait simplement, madame la ministre, d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi que nous avons déposée en ce sens au mois de septembre dernier… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

- page 5988


Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 14/12/2012

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2012

Mme Cécile Duflot, ministre. Madame la sénatrice, je tiens, avant de répondre à votre question, à saluer le travail exceptionnel qui a été fait en préparation de la conférence précitée. Nous avons choisi d'associer le plus grand nombre d'acteurs, les collectivités locales, les syndicats, ainsi, évidemment, que les acteurs de terrain.

À cet égard, Christophe Robert et Alain Régnier m'ont remis le 3 décembre dernier un rapport très riche, que vous devez sûrement connaître, dans lequel ils proposent de faire de 2013 une année de mobilisation particulière et de transformer en profondeur les modes d'accueil.

Il faut également travailler sur la question de la prévention des expulsions, sujet qui vous tient à cœur. Cette question figurera parmi les réformes que je vous proposerai dans le projet de loi qui vous sera soumis au printemps.

Le Premier ministre a lui aussi évoqué ce sujet et fait part de sa volonté de mettre en place une garantie universelle des loyers, laquelle permettrait d'identifier, dès les premiers mois, voire dès le premier mois, de loyer impayé, les locataires en difficulté et de sécuriser la suite de leur parcours. Ce dispositif permettrait également de rassurer les bailleurs et de remettre sur le marché des logements aujourd'hui vacants.

Les dispositions coercitives sont utiles, les dispositions incitatives également. Il faut donc donner des garanties aux bailleurs, afin de pouvoir loger les personnes fragiles.

Nous allons travailler sur tous ces sujets. Un plan pluriannuel sera annoncé le 22 janvier. Il reprendra l'ensemble des questions, du premier hébergement, en passant par l'accueil des personnes et des familles les plus fragiles, le logement et la prévention des expulsions. Vous avez raison, madame le sénateur, ce moment est décisif pour éviter la mise à la rue. Des filets de sécurité existent, mais on sait qu'une grande partie des personnes ou des familles ne font pas appel aux dispositifs existants, par méconnaissance, par crainte, par angoisse, ou tout simplement pour garder une certaine distance.

De nombreux mécanismes seront mis en œuvre dans le cadre de ce plan pluriannuel, et plus largement dans la loi. Ils permettront d'anticiper ces situations et d'y répondre de manière structurelle. Ce travail sera évidemment réalisé en lien étroit avec l'ensemble des parlementaires, et donc avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, je vous remercie de vos précisions.

Pour ma part, je souhaite attirer votre attention sur une population qui nécessite qu'on lui porte un intérêt particulier en matière d'hébergement d'urgence : les femmes victimes de violences conjugales.

C'est au terme d'un cheminement psychologique douloureux, souvent en période de crise aigüe, que ces femmes prennent la difficile décision de quitter leur conjoint violent. Aussi faut-il être en mesure de leur proposer très vite une solution d'hébergement.

Des collectivités territoriales ont pris des initiatives dans ce domaine, tel le dispositif « Un toit pour elle » en Seine-Saint-Denis ou celui qui a été mis en œuvre par des communes de la boucle nord des Hauts-de-Seine. Mais cela ne peut suffire. L'État doit prendre sa part.

Vous annoncez que sur les 4 000 places d'hébergement d'urgence qui seront créées pendant le quinquennat, près d'un tiers d'entre elles seront réservées aux femmes victimes de violences. Bien !

Permettez-moi néanmoins de faire deux remarques.

Les femmes victimes de violences, notamment parce qu'elles sont souvent accompagnées par des enfants, constituent un public spécifique. Il faut donc imaginer pour elles une solution d'hébergement d'urgence spécifique.

En outre, l'hébergement d'urgence ne doit constituer qu'une solution transitoire. Il est indispensable d'être en mesure de leur proposer très rapidement des formes d'hébergement pérennes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

- page 5989

Page mise à jour le