Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 22/11/2012
M. Bertrand Auban attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité du rétablissement du tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Gaudens.
La réforme de la carte judiciaire du précédent gouvernement a fait la preuve de sa non-pertinence tant budgétaire qu'en termes de service public de la justice.
Le rapport général n° 91 (2007-2008) de la commission des finances du Sénat s'était interrogé spécifiquement sur l'opportunité de la suppression du TGI de Saint-Gaudens.
Le rapporteur public chargé de dire le droit devant le Conseil d'État en février 2010 a relevé dans cette suppression des "erreurs manifestes d'appréciation" selon les critères qualificatifs, géographique et fonctionnels ;
enfin selon le rapport général n° 107 (2011-2012) de la commission des finances du Sénat, cette réforme a coûté au minimum 367 millions d'euros en lieu et place des économies prétendues et du maintien de l'efficacité de la justice.
En Haute-Garonne le bilan est particulièrement accablant. Un justiciable du sud du département se trouve désormais à 152 km de l'accès à la justice à Toulouse depuis le 1er janvier 2011. Compte-tenu de la voirie de montagne, puis des encombrements quotidiens à l'accès de Toulouse, ce justiciable doit accomplir au bas mot quatre heures de trajet routier pour avoir accès à un TGI de Toulouse lui-même terriblement surchargé.
En conséquence, faute de temps et de moyens financiers, les victimes renoncent parfois à se déplacer, ce qui équivaut à une disparition de la réponse judiciaire pour plus de 110 000 Commingeois.
Ce désert judiciaire est d'autant plus choquant qu'il avait été annoncé et dénoncé à l'avance par toutes les parties intéressées au service public de la justice : les autorités judiciaires, les professions juridiques, magistrats, avocats, auxiliaires de justice, les élus locaux et nationaux toutes tendances confondues. Le président du conseil régional, le président du conseil général, tous les parlementaires du département, l'immense majorité des maires du ressort s'étaient tous prononcés contre cette suppression et pour un renforcement de la structure judiciaire existante.
C'est pourquoi il lui demande que le Gouvernement remédie à cette inégalité injustifiable d'accès au service public de la justice pour tous les citoyens haut-garonnais en rétablissant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, à l'instar de ce qui a été fait à juste titre en d'autres endroits.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/06/2013
Si la réforme de la carte judiciaire était nécessaire, elle a été conduite dans la précipitation et pratiquement sans concertation. Elle a accentué les inégalités entre justiciables et a distendu les liens entretenus avec l'institution judiciaire. Les gouvernements précédents ont cru pallier la disparition de ces juridictions par la mise en place de maisons de justice et du droit (MJD). Alors que les premières MJD étaient implantées dans des quartiers où l'accès au droit était difficile, ces MJD, dites de « nouvelle génération » l'ont été principalement dans des territoires ruraux. Elles ne disposent généralement pas de greffiers, nécessaires pourtant à leur fonctionnement, et sont orientées autour d'un contact visio-justice. La mission d'information de la commission des lois du Sénat qui a rendu un rapport d'évaluation de cette réforme en juillet 2012 confirme ces constats. Afin d'apporter les correctifs nécessaires, la garde des sceaux a décidé le 23 novembre dernier de constituer une mission pour réexaminer la situation de huit tribunaux de grande instance supprimés dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, à savoir Saumur, Dôle, Tulle, Belley, Millau, Guingamp, Marmande et Saint-Gaudens. Le critère objectif ayant conduit au choix de ces juridictions était celui évoqué dans les conclusions du rapporteur public au Conseil d'État lors de l'examen du décret du 30 octobre 2008 fixant la liste des juridictions supprimées. Cette mission a été confiée à M. Serge Daël, conseiller d'État honoraire, président de la commission d'accès aux documents administratifs, assisté de M. Michael Janas, président du tribunal de grande instance d'Angoulême et de Mme Marie-Reine Bacry, consultante experte, spécialiste de l'immobilier judiciaire. Ils se sont déplacés dans les huit communes et ont rencontré les élus et les acteurs du monde judiciaire locaux. Le rapport de la mission a été remis à la garde des sceaux le 19 février dernier. Depuis cette date, les services de la chancellerie ont analysé ce rapport et, comme elle l'avait annoncé, la garde des sceaux a procédé à des concertations avec les élus de ces territoires et les organisations syndicales nationales des magistrats et des fonctionnaires. Le président du Conseil national des Barreaux et le président de la Conférence des bâtonniers ont aussi été entendus sur cette question. La garde des sceaux rendra ses arbitrages très prochainement. Plus largement, elle a par ailleurs initié une réflexion de fond sur l'organisation judiciaire en confiant à un premier président de cour d'appel et à la direction des services judiciaires le soin d'animer un groupe de travail sur les « juridictions du XXIème siècle ». Les conclusions de ce groupe de travail sont attendues pour l'automne 2013.
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