Question de M. BOURQUIN Christian (Pyrénées-Orientales - RDSE) publiée le 29/11/2012
M. Christian Bourquin appelle l'attention de M. le ministre du redressement productif sur les conséquences du plan de restructuration annoncé par la direction du groupe Sanofi le 25 septembre dernier. Tout laisse craindre en effet que l'avenir de certains de ses sites de recherche et de développement, dont celui de Montpellier où sont employés plus de 200 salariés, soit condamné. Il s'interroge sur ce qui ressemble à une stratégie d'externalisation de la recherche d'un groupe industriel dont les activités demeurent, en dépit de la crise économique, florissantes - il affiche pour 2011 un chiffre d'affaires de 33,3 milliards d'euros - et qui, en outre, figure dans notre pays au premier rang parmi les bénéficiaires du crédit impôt recherche.
Il le remercie, en conséquence, de lui indiquer ce qu'il compte faire pour défendre les emplois menacés et de bien vouloir nommer un médiateur indépendant, de telle sorte que toutes les informations utiles concernant la stratégie industrielle du groupe Sanofi puissent être clairement exposées. En attendant que ce médiateur soit à même de rendre ses conclusions, il lui demande de bien vouloir imposer le gel du plan de licenciement en cours.
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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 06/02/2013
Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013
M. Christian Bourquin. Madame la ministre, en septembre dernier, l'annonce par le laboratoire Sanofi de la mise en place d'un plan de restructuration a suscité émotion et colère chez les salariés. Ces sentiments sont d'autant plus légitimes que le groupe pharmaceutique, en dépit de la crise économique et financière, affichait, pour la seule année 2012, un résultat net de près de 9 milliards d'euros.
Le groupe a également perçu, durant cette période, de 100 à 150 millions d'euros - les chiffres varient selon les sources, mais restent élevés - au titre du crédit d'impôt recherche. Il perçoit donc des aides de l'État, et ce dernier est dès lors en droit de lui demander des comptes.
Parmi les sites touchés par ce plan de restructuration figure le site de Montpellier. Ce dernier devrait voir ses activités de recherche délocalisées en région parisienne et à Lyon. Vous comprendrez que, président du conseil régional du Languedoc-Roussillon, je sois concerné tout particulièrement par les questions d'emplois et de développement économique sur ce territoire, et que j'observe avec la plus grande attention les choix stratégiques opérés actuellement au sein du groupe Sanofi. Ils ont en effet des conséquences sociales désastreuses immédiates, mais aussi des effets négatifs à plus long terme en matière de dynamique économique territoriale.
J'ai pu assister, le 18 décembre dernier, à des auditions spécifiques organisées par la commission des affaires sociales du Sénat. Ont alors été entendus M. Christian Lajoux, président de Sanofi en France, ainsi que des délégués syndicaux.
Les propos tenus par M. Lajoux ne m'ont vraiment pas rassuré ! Par expérience, je sais bien que, en matière de délocalisations et de plans de départs volontaires, les conditions normales du dialogue social sont très rarement réunies. Bien trop souvent aussi, des salariés sont « laissés sur le carreau ».
Je ne peux non plus me réjouir de voir des emplois supprimés à Montpellier, quand bien même on recourrait à un plan de départs volontaires et non à des licenciements purs et simples !
Quant aux engagements formels du groupe, ils sont limités dans le temps : aucun licenciement ne devrait intervenir jusqu'à la fin de l'année 2015... Mais que va-t-il se passer après cette date ?
Dans ces conditions, l'avenir immédiat des 1 064 salariés de Montpellier est critique, celui des employés de Sanofi en France reste sombre, tandis que celui du groupe Sanofi, selon les analystes financiers, demeure quant à lui florissant.
Madame la ministre, ma question est multiple : quelles assurances peuvent être données aux salariés de Sanofi à Montpellier en matière de respect du dialogue social ? Que compte faire le Gouvernement pour préserver l'activité de recherche pharmaceutique dans notre pays ?
Enfin, j'aimerais savoir, puisque nous sommes face à ce qui pourrait s'apparenter à un nouveau cas de licenciements boursiers abusifs, où en est la réflexion du Gouvernement sur le projet de loi en préparation visant à interdire ce type de licenciements.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur Bourquin, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre du redressement productif, retenu ce matin par le lancement du Conseil national de l'industrie.
Le groupe Sanofi, qui a réalisé plusieurs milliards d'euros de profits, a envisagé de fermer certains de ses centres de recherche, de licencier et de se séparer de collaborateurs qui lui ont été fidèles pendant des années, à Montpellier et à Toulouse.
Les élus locaux, les pouvoirs publics nationaux, nous-mêmes au ministère avons donc décidé de réagir avec vigueur, obtenant un reformatage d'ampleur des projets du groupe. Nous avons engagé avec la direction de Sanofi des discussions qui sont toujours en cours, et nous soulignons que ce n'est pas le moment d'oublier ce qui a permis les profits de Sanofi.
Lorsqu'une entreprise dégage 5 milliards d'euros de profits, comme c'est le cas de Sanofi, lorsqu'elle n'est pas en difficulté manifeste, elle a certes le droit de se réorganiser, mais son plan de réorganisation ne peut être accepté qu'à la condition que les syndicats soient d'accord. C'est pourquoi nous demandons à l'entreprise de négocier avec les syndicats et nous veillons à ce que ce soit bien le cas.
Monsieur le sénateur, pour Sanofi en France, on peut estimer à 82 % la part de son chiffre d'affaires médicaments, hors taxes, solvabilisée par l'assurance maladie, c'est-à-dire par les Français. Il est donc normal que la République demande à ce groupe d'assumer ses responsabilités à l'égard du peuple français, comme il le fait pour ses actionnaires.
Le changement voulu par le Président de la République consiste à remettre les choses à leur juste place. C'est pourquoi nous déployons notre dynamique et nous recueillons, je dois le dire, les premiers résultats.
Le PDG de Sanofi a rencontré les représentants du Gouvernement au mois de juillet, annonçant de 2 800 à 2 500 réductions de poste. L'entretien a été musclé.
Au mois d'août, à l'Élysée, nous étions parvenus à un plan de licenciements qui portait encore sur 1 390 postes. Le lendemain, la direction de Sanofi acceptait de sortir le site de Toulouse de son plan, et nous avons ainsi préservé 500 emplois supplémentaires.
Le plan de Sanofi pourrait donc se traduire par la suppression de 914 postes dans les secteurs de la recherche et les vaccins. Sanofi s'engage à ce que cela se fasse sans licenciement et uniquement sur la base du volontariat. C'est déjà un acquis considérable par rapport à ce qui était annoncé.
Le Gouvernement considère que la plus grande vigilance s'impose. Nous l'avons fait savoir à Sanofi et à ses dirigeants.
Le Gouvernement est particulièrement sensible à ce que Sanofi garde ses centres de décisions en France et maintienne sa part de recherche et développement française à hauteur de 50 % de ses dépenses globales de R&D. Il attache aussi une importance toute particulière à ce que Sanofi conserve l'ensemble de ses sites de production.
Monsieur le sénateur, la négociation avec les dirigeants du groupe Sanofi se poursuit. Nous restons mobilisés et très vigilants.
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Madame la ministre, je suis étonné et déçu que vous ne m'en disiez pas plus. Nous sommes confrontés à une situation délicate, grave, et l'observation de la stratégie du groupe Sanofi dans d'autres pays montre clairement que celui-ci sait adopter des comportements proches de comportements voyous !
Ainsi, récemment, au Canada, alors que le pays l'aidait plus que ne le fait la France, il a su tirer sa révérence très rapidement.
Aujourd'hui - et j'appelle votre attention sur ce point -, avec les financements et les ambitions que nous avons su accorder à ce groupe, avec la fabrication des nombreux médicaments qui lui a été confiée - et vous l'avez rappelé, madame la ministre, 82 % du chiffre d'affaires du groupe est lié aux financements de la sécurité sociale -, nous aurions me semble-t-il de quoi être beaucoup plus fermes quant aux engagements que nous exigeons. Je ne reviendrai pas sur la situation du site de Toulouse. Élu du Languedoc-Roussillon, de Montpellier, j'apprécierais beaucoup la fermeté du Gouvernement au regard de ces comportements inqualifiables.
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