Question de Mme SCHURCH Mireille (Allier - CRC) publiée le 29/11/2012

Mme Mireille Schurch attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur plusieurs dispositions législatives contribuant à renforcer les moyens d'actions de son ministère.

Le candidat François Hollande a présenté dans son programme une mesure visant à dissuader les entreprises des licenciements boursiers. Elle lui demande quand il compte soumettre cette proposition au conseil des ministres et aux assemblées.

Lors d'un déplacement à Florange fin février, M. François Hollande a souhaité la mise en place d'une loi prévoyant que lorsqu'une firme ne veut plus d'une unité de production, elle soit obligée de la céder à un repreneur afin qu'elle ne soit pas démantelée. Elle lui demande quand il compte soumettre cette proposition au conseil des ministres et aux assemblées.

Enfin il est proposé dans le programme de M. François Hollande d'offrir aux salariés la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas de licenciements manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise. Il serait opportun d'aller au-delà et d'étendre l'obligation d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise, ce qui permettrait de mieux aborder les périodes de restructuration, si elles s'avèrent inévitables, mais surtout de prévenir d'éventuelles difficultés. Elle lui demande quand il compte soumettre une telle proposition au conseil des ministres et aux assemblées.

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 30/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2013

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'urgence qu'il y a à renforcer les outils législatifs à la disposition du ministère du redressement productif. La situation actuelle de trois entreprises du département de l'Allier permettra d'illustrer mon propos.

L'usine JPM est installée à Avermes, près de Moulins, depuis 1963. En 1997, elle a été rachetée par le groupe Assa Abloy, leader mondial de la fabrication et de la vente de serrures, portes et équipements de sécurité. Elle employait alors 425 personnes.

Ce groupe est en bonne santé : son résultat d'exploitation est en hausse régulière et le bénéfice par action a doublé depuis 2004. À l'occasion de la présentation du rapport annuel, en avril 2012, le président du groupe confirme ces bons résultats et présente des projets d'expansion, dont l'acquisition d'une usine à Leling, en Chine. Deux mois plus tard, le groupe Assa Abloy annonce la fermeture totale de l'usine d'Avermes pour 2013.

Nous sommes bien là en présence, madame la ministre, d'une stratégie de délocalisation, minutieusement élaborée depuis quelques années. Les salariés d'Avermes l'ont d'ailleurs dénoncée à maintes reprises, à l'occasion de précédentes vagues de licenciements, puis lors du déménagement de certaines machines-outils. Ils demandent aujourd'hui qu'une loi puisse interdire la fermeture des sites rentables.

Ma première question, qui rejoint les attentes de très nombreux salariés victimes de tels licenciements, est donc la suivante : quand le ministre du redressement productif compte-t-il soumettre au conseil des ministres puis aux assemblées le projet de loi dit « Florange », relatif à la mise en place d'un dispositif de cession obligatoire des sites rentables ? Sur cette question, il y a vraiment urgence !

Les deux autres exemples que j'évoquerai présentent bien des similitudes avec le premier.

La fonderie d'aluminium de Vaux, proche de Montluçon, a été reprise en janvier 2011 par le groupe américain DMI. Ce groupe s'est alors engagé devant le tribunal de commerce à renforcer le carnet de commandes par l'apport de nouveaux clients importants. Cet engagement n'a pas été tenu ; bien au contraire, la fonderie a vu sa capacité de production s'amenuiser, certaines fabrications étant transférées à l'un des sites américains du groupe. Le comité d'entreprise a dénoncé à plusieurs reprises ces dérives, qui conduisent à placer, une nouvelle fois, la fonderie en redressement judiciaire.

Autre exemple, Transcom France, filiale du groupe suédois Transcom Worldwide, a repris en 2006 les 100 salariés du centre de télémarketing de Montluçon. Elle a obtenu une aide du conseil régional d'Auvergne, en promettant de développer l'activité pour parvenir, en un an, à l'occupation complète des 250 postes de travail installés par la chambre de commerce et d'industrie. Or le centre de Montluçon n'a jamais employé plus de 160 salariés. Qui pis est, faute d'avoir suffisamment diversifié sa clientèle, l'ensemble de la filiale française a dû être placée en redressement judiciaire après l'arrêt de quelques contrats importants.

Dans les deux cas que je viens de décrire, les comités d'entreprise ont avancé des propositions alternatives. Leur parole n'a, hélas, pas été prise en considération. Ils dénoncent aujourd'hui l'abandon de sites qui pourraient être rendus rentables, pour peu que l'on s'en donne les moyens.

Vous connaissez, madame la ministre, l'excellence de l'expertise des instances représentatives du personnel. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire d'étendre l'obligation de consultation du comité d'entreprise à la stratégie de l'entreprise, ce qui permettrait d'aborder dans de meilleures conditions les périodes de restructuration, si elles s'avèrent inévitables, et, surtout, de prévenir d'éventuelles difficultés ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, la mise en place d'un dispositif permettant la reprise des sites rentables figurait bien parmi les propositions du Président de la République.

Comme annoncé dès juillet dernier et conformément à sa volonté de privilégier le dialogue social, le Gouvernement a mis ce point à l'ordre du jour de la négociation sur la sécurisation de l'emploi que les partenaires sociaux ont engagée à l'automne. Le document d'orientation précisait que la négociation pourrait permettre « d'apporter une réponse aux situations dans lesquelles une entreprise qui envisage de fermer un site refuserait de considérer favorablement l'offre valable d'un repreneur assurant la pérennité de tout ou partie des emplois. Sur ce point, le Gouvernement entend proposer une modification de la loi et, à défaut d'une intégration dans leur accord, les partenaires sociaux sont invités à faire connaître leur(s) position(s) et proposition(s), en particulier concernant l'articulation avec le reste de la procédure de licenciement économique. »

Vous le savez, les partenaires sociaux ont abouti, le 11 janvier dernier, à un accord interprofessionnel, dont l'article 12 répond à cette préoccupation :

« Lorsque l'entreprise envisage, indépendamment de tout projet de cession, sa fermeture, celle d'un établissement, d'un site ou d'une filiale, il convient d'envisager la recherche de repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture.

« Le comité d'entreprise est informé et consulté sur cette recherche. Il peut se faire assister par un expert-comptable de son choix pour analyser le processus de reprise, sa méthodologie et son ciblage, pour apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et pour analyser les projets de reprise.

« Lorsqu'un repreneur potentiel formalise son intention de reprise, le comité d'entreprise en est informé, dans le respect de son obligation de discrétion, par le cédant. Il peut émettre un avis sur l'offre de reprise après examen de celle-ci par l'expert, qu'il a désigné le cas échéant. »

Ce sont là des droits nouveaux pour les salariés, instaurant une recherche de repreneurs, à laquelle le comité d'entreprise et son expert seront associés. Ces avancées seront transcrites dans la loi, dans le cadre de l'élaboration du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, qui reprendra l'accord national interprofessionnel du 11 janvier et sera présenté au conseil des ministres le 6 mars prochain.

Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a indiqué qu'une proposition de loi serait déposée pour compléter ce dispositif et prévoir les conséquences d'un refus d'un employeur de céder un site, alors même qu'une offre crédible aurait été faite. Cette proposition de loi serait débattue selon un calendrier similaire. Le Gouvernement est bien évidemment prêt à apporter tout le concours nécessaire à ce travail. La représentation nationale participera donc à l'enrichissement du dispositif, qui contribuera à dissuader les pratiques abusives.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions portant aussi bien sur le contenu du futur texte que sur le calendrier de son examen. Les salariés y seront attentifs.

Je souhaite également attirer l'attention du ministre du redressement productif sur la situation très particulière de Transcom France, dont le dossier est géré directement par ses services. Il s'agit, en effet, d'un groupe comptant environ 500 salariés.

Le site de Montluçon était excédentaire jusqu'en septembre 2012, date à laquelle il a certes été décidé de lui transférer une part de l'activité de recouvrement jusqu'alors délocalisée en Tunisie, mais à un tarif tunisien, c'est-à-dire trop faible pour qu'il soit possible d'équilibrer les comptes de l'entreprise.

Pourtant, le retour de cette activité démontre qu'il est tout à fait possible de faire vivre cette entreprise, pour peu que l'on agisse contre la délocalisation de centres d'appels, souvent au Maghreb, et le dumping social qui la sous-tend. Il est donc urgent de présenter des mesures de soutien à la filière. C'est pourquoi j'invite le ministre du redressement productif à se rendre à Montluçon pour prendre la mesure de cette situation quelque peu dramatique.

Je profite de la tribune qui m'est offerte pour souligner la qualité du travail effectué par le commissaire régional au redressement productif. Il tente aujourd'hui d'intervenir, avec le soutien du comité d'expansion économique de l'Allier, le plus en amont possible, notamment pour les PME et les TPE.

Néanmoins, face à des stratégies financières de groupes internationaux telles que celles que j'ai présentées, la puissance publique est bien démunie, au grand désarroi des salariés concernés. Or il est possible de doter l'importante mission de redressement productif de moyens législatifs à la hauteur des enjeux.

J'ai bien écouté votre réponse, madame la ministre, concernant notamment le calendrier. Les salariés attendaient cette décision. Je vous prie de bien vouloir relayer auprès du ministre du redressement productif mon invitation à se rendre à Montluçon.

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