Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 22/11/2012
Mme Catherine Procaccia interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la hausse de tarification des assurances automobiles pour les conductrices.
Statistiquement seul un tiers des accidents automobiles implique les conductrices qui sont davantage de simples accrochages de véhicules que des accidents corporels de personnes. Pour cette raison, les femmes bénéficiaient jusqu'à présent d'un prix préférentiel pour leurs assurances automobiles.
Une décision de la Cour de justice européenne a jugé cette pratique discriminatoire et contraint les assureurs français à appliquer le même tarif aux assurés, quel que soit leur sexe, et de mettre fin en décembre 2012 à une tarification qualifiée de discriminatoire. La Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) précise que les assureurs se doivent de respecter ces nouvelles règles qu'ils appliqueront. Selon certaines analyses, les conductrices pourraient voir augmenter leurs tarifs de 4 à 50 %, en fonction de leur âge. Ce sont particulièrement les jeunes conductrices nouvellement titulaires du permis qui vont subir la plus forte hausse de prix.
Malheureusement, un nombre croissant d'automobilistes roulent déjà sans être assurés en raison du coût de leur contrat, et elle aimerait savoir ce que compte faire le ministre pour éviter que ces nouvelles primes d'assurance amènent les jeunes femmes à venir grossir le stock des automobilistes qui conduisent sans assurance.
En outre, le respect de cette décision devrait théoriquement se traduire par une diminution du prix des tarifs pratiqués pour les hommes. Elle aimerait savoir si le ministre compte faire réaliser des contrôles afin de vérifier l'application de cette disposition afin qu'elle bénéficie bien à l'autre moitié des assurés. Elle souhaiterait connaître les moyens qui seront mis en œuvre.
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Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 24/07/2013
Réponse apportée en séance publique le 23/07/2013
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet qui est au cur de l'actualité de votre ministère puisqu'elle a trait à l'assurance, plus particulièrement à la hausse de la tarification des assurances automobiles pour les conductrices, consécutive à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne.
Chacun le sait, statistiquement, seul un tiers des accidents automobiles impliquent des conductrices et, la plupart du temps, ce sont de simples accrochages de véhicules et non des accidents corporels impliquant des personnes. Pour cette raison, les femmes bénéficiaient jusqu'à présent d'un tarif préférentiel sur les assurances automobiles.
Malheureusement, dans un souci d'égalitarisme excessif, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé cette pratique discriminatoire et contraint les assureurs français à appliquer le même tarif aux assurés, quel que soit leur sexe, donc de mettre fin en décembre 2012 à une tarification qu'elle a par conséquent qualifiée de discriminatoire.
La Fédération française des sociétés d'assurances avait précisé à la fin de l'année dernière que les assureurs respecteraient les nouvelles règles et qu'ils les appliqueraient dès la tarification de 2013.
Selon certaines analyses, des conductrices pourraient voir leur tarif augmenté de 4 % à 50 % en fonction de leur âge. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux jeunes conductrices puisque les jeunes conducteurs se voient toujours appliquer une tarification plus élevée compte tenu du risque plus élevé d'accidents auquel ils sont exposés.
Malheureusement, de plus en plus d'automobilistes, particulièrement les jeunes, roulent déjà sans être assurés en raison du coût de leur contrat. J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous comptez faire pour éviter que les nouvelles primes d'assurance n'amènent les femmes, particulièrement les jeunes femmes, à venir grossir le nombre des automobilistes qui conduisent sans assurance.
En outre, le respect de cette décision devrait théoriquement se traduire par une diminution des tarifs pratiqués pour les hommes, une compensation venant contrebalancer la hausse appliquée aux femmes. Comptez-vous faire réaliser des contrôles afin de vérifier l'application de cette disposition, de manière que, si les femmes en pâtissent, les hommes puissent en bénéficier ? Quels seront, monsieur le ministre, si vous pouvez me le dire, les moyens mis en uvre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la sénatrice, je voudrais vous apporter une réponse très précise sur cette question des distinctions qui étaient faites entre hommes et femmes pour la tarification des assurances, et faire un point assez complet sur la réalité de la fréquence des accidents et de la sinistralité, celle des hommes étant beaucoup plus importante que celle des femmes.
Les dernières statistiques disponibles relatives aux différences tarifaires entre hommes et femmes pour l'assurance automobile ont été communiquées par l'Association française de l'assurance, qui regroupe la fédération française des sociétés d'assurances, ou FFSA, et le groupement des entreprises mutuelles d'assurance, ou GEMA. Portant sur l'année 2011, elles indiquent que la population des assurés se féminise pour l'assurance automobile : alors que les femmes représentaient moins d'un quart des souscripteurs d'assurance automobile en 1989, elles représentaient en 2011 plus du tiers de l'ensemble des contrats.
Ces statistiques indiquent également qu'en 2011 la fréquence des accidents causés par des conductrices dépasse de 8 % celle des accidents imputables à des conducteurs. Cependant, même si les accidents causés par des conductrices sont un peu plus fréquents, ils sont moins graves, avec un coût moyen des sinistres moindre de 8 %.
Techniquement, ces deux effets se compensent de plus en plus et l'on constate une tendance à la convergence entre hommes et femmes des primes théoriques nécessaires à couvrir les dommages matériels et corporels subis lors de l'accident d'un véhicule. Ainsi, en 2011, les paramètres techniques étaient peu différents entre hommes et femmes pour les conducteurs ayant plus de cinq ans de permis.
Il demeure toutefois un écart de sinistralité entre hommes et femmes lorsqu'on se concentre sur la population des conducteurs débutants : pour les conducteurs ayant moins de deux ans de permis, le coût total des sinistres causés par les hommes est encore supérieur de 36 % à celui engendré par des femmes - le différentiel était de 88 % en 2009. Cette différence s'amenuise très significativement après deux ans de permis, avec une différence de 16 % entre deux et cinq ans de permis et, au-delà, un quasi-équilibre. Ainsi, les statistiques montrent qu'après cinq ans de permis le sexe du conducteur n'influe plus sur la tarification technique.
L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne « Test-Achats » du 1er mars 2011 impose l'égalité entre hommes et femmes en matière de tarifs et prestations d'assurance à compter du 21 décembre 2012. Cette jurisprudence a été transposée en droit français dans le délai requis par un arrêté du 18 décembre 2012, qui a tenu compte des lignes directrices de la Commission européenne de décembre 2011 explicitant cet arrêt, notamment en ce qui concerne la notion de discrimination entre hommes et femmes qu'il prohibait.
La Commission européenne a bien précisé que si les différenciations tarifaires selon le sexe sont prohibées en assurance à compter du 21 décembre 2012, les assureurs demeurent autorisés à utiliser d'autres facteurs de risques corrélés au sexe pour déterminer leurs tarifs, « dès lors qu'il s'agit bien de facteurs de risques réels ».
Pour les contrats conclus à compter du 21 décembre 2012, il en résulte que les assureurs, qui restent libres des tarifs qu'ils proposent, ne peuvent utiliser le sexe du conducteur comme facteur de tarification mais demeurent autorisés à recourir à d'autres critères de tarification selon les profils des assurés, en particulier des jeunes conducteurs, même indirectement corrélés au sexe, comme le type de véhicule, son ancienneté, la fréquence et la nature de son usage.
Plus généralement, l'évolution de la tarification en fonction du coefficient de réduction-majoration - le bonus-malus automobile - permet d'adapter le montant de la prime à la sinistralité effective du titulaire du contrat.
La direction du contrôle des pratiques commerciales de l'Autorité de contrôle prudentiel, chargée de veiller au respect des règles destinées à assurer la protection des clientèles, pourra veiller à ce que les tarifs pratiqués en assurance automobile soient conformes à la réglementation et ne discriminent pas une catégorie d'assurés.
Au-delà de la question particulière de la hausse des cotisations liées aux assurances automobiles pour les conductrices, je vous indique que, dans le cadre du projet de loi « consommation », nous avons prévu que la résiliation des contrats, au-delà de la première année, pourra se faire à la date choisie par l'assuré, de manière à rendre le marché des assurances obligatoires plus élastique - je pense à l'assurance multirisque habitation, mais aussi à l'assurance automobile. Cela permettra aux assurés en général, je l'espère, de bénéficier d'une baisse des primes grâce à une concurrence accrue sur ce secteur, et de voir en conséquence leur pouvoir d'achat augmenté, ces dépenses obligatoires représentant 5 % des dépenses mensuelles.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Merci, monsieur le ministre, de ces précisions et de ces éléments quelque peu rassurants, s'agissant du moins des jeunes conducteurs et des jeunes conductrices, même si je ne suis pas certaine que tout cela les amène à s'assurer davantage.
Vous avez évoqué le texte sur la consommation, qui va bientôt arriver au Sénat. Vous dites que les assurances représentent 5 % du budget des dépenses ; les statistiques dont je dispose mentionnent une part de 3 %. Par ailleurs, je ne crois pas que la résiliation soit la solution à une éventuelle discrimination. Mais c'est là un autre débat, que nous aurons, effectivement, dans l'hémicycle.
Les facteurs de risque que les assureurs peuvent introduire, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, me semblent plus proches des métiers de l'assurance et des statistiques que des principes généraux. Surtout, à vous écouter, me vient une inquiétude : si l'on ne peut plus faire de distinction entre les hommes et les femmes, il faudra revoir toutes les grilles de mortalité pour l'assurance vie, et, là aussi, ce sera un chantier considérable dans lequel les femmes seront perdantes.
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