Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 23/11/2012
Question posée en séance publique le 22/11/2012
M. Jean-Marc Todeschini. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif. (M. Éric Doligé s'exclame.)
Elle concerne l'avenir des hauts-fourneaux de Florange, mais à travers cet avenir, monsieur le ministre, il y va aussi de l'avenir de notre industrie lourde, car, comme vous le savez, Florange est devenu un symbole de la désindustrialisation et de ses ravages pour la France entière.
Avec Petroplus, voilà deux noms qui incarnent aux yeux des salariés, mais aussi de nos concitoyens, le fait que, pour certains, seule la course aux profits des dirigeants et des actionnaires compte, au détriment des emplois et de notre industrie.
Au préalable, monsieur le ministre, pour avoir été en contact régulier avec vous, comme mon collègue député Michel Liebgott et ma collègue sénatrice Gisèle Printz, je voudrais saluer votre engagement et votre disponibilité sur le dossier de Florange afin d'aboutir à la meilleure solution possible pour l'avenir de notre sidérurgie et de notre industrie lourde.
À l'Assemblée nationale hier, monsieur le ministre, vous avez déclaré que deux offres de reprise du site d'ArcelorMittal Florange étaient faites, mais sur un périmètre plus large que celui que M. Mittal entend céder.
Un peu connaisseur du dossier, j'en déduis que les éventuels repreneurs ne souhaitent pas, à juste titre, la coupure de la filière chaude et de la filière froide, ce qui serait effectivement un non-sens industriel mais aussi économique.
Le rapport que vous a remis M. Faure faisait la démonstration que le site de Florange avait un avenir certain, avec une production d'acier de qualité et des principaux clients situés encore plus à l'est que la Lorraine, donc encore plus éloignés du site de Dunkerque. Dunkerque, là même où, malgré les déclarations du groupe ArcelorMittal, un haut-fourneau ne redémarrera pas dans l'immédiat.
En Lorraine, nous savons, monsieur le ministre, ce que valent les engagements de M. Mittal, surtout à Gandrange. Mais nous savons aussi ce que sont devenues les promesses du précédent Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, il ne serait pas acceptable qu'en présence de repreneurs sérieux M. Mittal puisse dicter sa loi sur l'avenir de notre industrie, de notre production d'acier.
Face à la mondialisation, je sais les efforts que fait le Gouvernement pour la compétitivité de notre industrie. Toutefois, n'est-il pas temps d'envoyer un message fort à l'Europe sur le sujet et, plus largement, d'envoyer un signal fort de la volonté politique du Gouvernement de sauvegarder l'industrie lourde et ses milliers d'emplois dans notre pays ?
Comment le Gouvernement peut-il, d'ici au 1er décembre prochain, amener M. Mittal à assumer ses responsabilités afin qu'il accepte de modifier le périmètre de cession ?
Si cela s'avère impossible, n'est-il pas temps d'écrire le changement et de se donner les moyens législatifs, face à la famille Mittal, de pérenniser la production d'acier français et les hauts-fourneaux de Florange et, pourquoi pas, s'il le fallait, d'aller vers une prise de contrôle publique de l'usine de Florange ?
Il y va de la crédibilité de l'action engagée par le Gouvernement, qui, courageusement, fait face sur tous les fronts.
Ce serait un signal fort, des perspectives claires pour définir une stratégie de rebond industriel.
Cela sera-t-il possible, monsieur le ministre ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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Réponse du Ministère du redressement productif publiée le 23/11/2012
Réponse apportée en séance publique le 22/11/2012
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur de la Moselle Jean-Marc Todeschini, j'ai en effet dit hier à l'Assemblée nationale que le Gouvernement et mon ministère ont reçu deux offres d'entrepreneurs, dans le détail desquelles je ne peux entrer en raison de la confidentialité que ces industriels ont demandée au gouvernement français.
Ce matin, la firme ArcelorMittal a déclaré n'avoir pas connaissance de ces offres. C'est tout à fait normal, car elles ont été exprimées auprès de l'autorité politique et non d'ArcelorMittal (M. Jean-Claude Gaudin s'exclame.) dans la mesure où elles concernent un périmètre plus large que celui qu'a octroyé à la reprise le groupe.
M. François Rebsamen. Dans sa grande générosité !
M. Arnaud Montebourg, ministre. C'est la première démonstration, d'ailleurs, du fait que le problème des hauts-fourneaux de Florange, ce n'est pas la défaillance des hauts-fourneaux de Florange, c'est celle de Mittal ! Je rappelle que Mittal est propriétaire de vingt-cinq hauts-fourneaux en Europe disposant de parts de marché quasi monopolistiques et que ArcelorMittal a décidé d'en fermer neuf. À Liège, aujourd'hui, se déroule le même scénario qu'à Florange. Alors qu'il nous avait été dit que Dunkerque ne risquait rien, le site fait actuellement l'objet de premières mesures de préparation à la fermeture.
Les gouvernements européens que j'ai pris la peine de rencontrer, au Luxembourg, en Belgique, en ont assez d'être menés par le bout du nez par ArcelorMittal. Nous retrouvons finalement ce qui s'est passé en 2006 lorsque a eu lieu une OPA hostile, sans aucun plan stratégique, sur la totalité de l'acier, lequel a appartenu à tous les citoyens européens.
Je rappelle que des gouvernements européens ont dû jadis nationaliser leur acier. Ce fut le cas en France sous Raymond Barre. Ce fut le cas également au Luxembourg et en Belgique. C'est grâce aux efforts considérables des contribuables de tous les États européens que cet acier a pu être performant, compétitif, et c'est une OPA hostile de la famille Mittal qui a finalement placé cet acier entre des mains disposant de centres de décisions qui n'ont rien à voir avec les intérêts nationaux de ces États européens.
J'ajoute que tous les engagements que j'ai fait exhumer par mes services pris à l'époque de l'OPA hostile vis-à-vis de la France par Mittal n'ont jamais été respectés. Dans une convention d'ancrage territorial signée en 2009, le groupe ArcelorMittal prévoyait « d'inscrire dans ses plans d'investissement la réfection de deux hauts-fourneaux [ ], dans une période de 2013 à 2015 ». Ce sont ceux-là mêmes qu'il est en train, aujourd'hui, de fermer ! (Marques de confirmation sur plusieurs travées du groupe CRC.)
En outre, le groupe ArcelorMittal fait un usage assez immodéré, aux yeux du gouvernement français mais aussi du gouvernement luxembourgeois, des quotas de CO2, notamment d'un certain nombre d'aides publiques.
Je précise également aux sénateurs qui m'écoutent, et j'espère que cette information ira au-delà de cette enceinte et qu'elle sera entendue ailleurs, que Mittal, aujourd'hui, est redevable aux yeux de l'administration fiscale française d'une dette fiscale que nous considérons comme astronomique. (Mme Catherine Procaccia s'exclame.)
M. Gérard Larcher. Combien ?
M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous pouvons aujourd'hui considérer que la question que vous posez, monsieur Todeschini, de l'éventualité d'un contrôle public, même temporaire, doit faire l'objet d'une étude sérieuse par le Gouvernement (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C'est ce à quoi nous nous sommes attelés depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
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