Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 30/11/2012

Question posée en séance publique le 29/11/2012

Concerne le thème : Réforme de la Politique agricole commune

M. Dominique Watrin. Hier, les sénateurs du groupe CRC s'opposaient au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro.

Aujourd'hui, dans les négociations sur le budget européen, la France se heurte de plein fouet à l'austérité organisée par ce pacte qu'elle a accepté. Comme vous le savez, monsieur le ministre, la réforme de la PAC est largement hypothéquée par l'accord sur le cadre financier pluriannuel européen pour la période 2014-2020. Dans ce contexte, nous partageons vos craintes sur l'avenir de cette politique fondatrice de l'Europe.

Cette crainte est d'ailleurs renforcée par le virage très libéral de la réforme de la politique agricole commune, qui ignore tant les exigences de solidarité que les exigences sociales.

C'est précisément sur la négation de ces dernières que je voudrais vous interroger.

D'une part, si les instances européennes proposent une conditionnalité des aides liée au nombre d'emplois sur une exploitation, la conditionnalité sociale n'existe pas. Comment lutter, monsieur le ministre, contre les pratiques innommables de sociétés d'intérim, véritables marchandes d'hommes, qui vantent les avantages de l'embauche de travailleurs d'autres pays de l'Union européenne, laquelle autorise dans ce cas une exemption de cotisations sociales. Quelles propositions portera la France pour mettre fin à ce dumping social néfaste à l'ensemble du secteur ?

D'autre part, nous sommes très inquiets quant à la survie de l'aide alimentaire, qui risque d'être la première victime de l'austérité. De quoi parle-t-on ? De moins de 500 millions d'euros, pour permettre à 18 millions de personnes de manger une fois tous les deux jours, alors que 400 milliards d'euros ont été mobilisés pour sécuriser les banques !

De plus, le nouveau fonds européen d'aide aux plus démunis sera cofinancé à hauteur de 15 % par les États ? Il est à craindre que cela ne se traduise, encore une fois, par une baisse significative des financements.

Quels engagements pouvez-vous donc prendre pour répondre aux associations et aux banques alimentaires qui viennent en aide, en Europe, à plus de 18 millions de personnes chaque année ? La France va-t-elle agir en faveur d'un maintien des dotations jusqu'alors attribuées ?

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 30/11/2012

Réponse apportée en séance publique le 29/11/2012

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez évoqué plusieurs sujets, monsieur le sénateur, au premier rang desquels la question des traités et de l'austérité, vue comme la solution mise en œuvre pour régler en partie le problème de la dette, qui se pose à de nombreux de pays.

De deux choses l'une, monsieur Watrin : soit il y a une dette, soit il n'y en a pas ! Si l'on considère qu'il n'y en a pas, il n'y a pas de raisons de vouloir la réduire ! En revanche, si l'on considère qu'il y a une dette et qu'il faut la rembourser, nous devons en tenir compte ! On ne peut pas faire comme si le problème n'existait pas ! Il y a donc des efforts à faire, et c'est précisément la voie sur laquelle s'est engagée la France. En même temps, on doit pouvoir mobiliser des fonds pour soutenir la croissance.

Vous avez également évoqué des sujets qui sont connexes à la politique agricole. Le fait que des travailleurs puissent être embauchés sans donner lieu à cotisations sociales ou même qu'ils travaillent dans des pays de l'Union selon les standards de leur pays d'origine, et non du pays d'accueil, ne relève pas de la PAC, mais de la directive relative au détachement des travailleurs, qui autorise des entreprises à avoir recours à de la main d'œuvre employée dans des conditions qui n'ont rien à voir avec celles qui sont en vigueur dans le pays d'accueil.

C'est un véritable problème, qui ne concerne pas spécifiquement la politique agricole, mais, plus globalement, la politique du travail, du temps de travail et des détachements. Voilà un vrai sujet d'harmonisation sociale à l'échelle européenne ! Tout comme vous, monsieur le sénateur, je suis convaincu qu'on ne peut laisser perdurer de telles pratiques en Europe.

Mais nous avons aussi des divergences fondamentales avec certains de nos voisins. Ainsi, dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire, à l'heure actuelle, en Allemagne, il n'y a pas de conventions collectives. Comme vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, outre-Rhin, les salaires minimaux sont décidés par des conventions collectives de branche, tout du moins dans le secteur industriel, car ces conventions n'existent pas dans les secteurs de l'agroalimentaire et de l'agriculture.

Les Allemands ont donc un avantage concurrentiel qu'il nous est difficile de contrecarrer. C'est la question de l'harmonisation sociale à l'échelle européenne qu'il faut poser. On peut également souhaiter, d'ailleurs, que le débat progresse en Allemagne à propos du SMIC.

Quant au programme européen d'aide aux plus démunis, le PEAD, la position du Gouvernement a été claire dès le départ : nous soutenons qu'il faut maintenir une ligne budgétaire pour ce programme, car il ne serait pas compréhensible, pour tous les citoyens européens, que, à l'heure où 18 millions ou 19 millions d'entre eux ont du mal à accéder à l'alimentation, on coupe cette ligne budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je sais que nous n'avons pas la même appréciation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, mais je retiens de votre propos que nous partageons les mêmes préoccupations sur la nécessité de lutter contre l'exploitation des travailleurs et les fraudes aux règles liées au détachement des salariés.

Il me semble vraiment important que, sur ce problème qui dépasse en effet le champ du secteur agricole, l'ensemble des forces de gauche portent ces exigences fortes, y compris, le cas échéant, en demandant une renégociation de la directive européenne si celle-ci n'est pas satisfaisante en l'état.

En ce qui concerne le programme européen d'aide aux plus démunis, la réduction de l'effort européen, alors que l'Europe libérale est la grande responsable de l'augmentation de la pauvreté, serait encore un coup porté à l'exigence d'une Europe des peuples solidaire. Nous n'accepterons pas ce recul, alors que la précarité fait d'année en année plus de victimes.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de mon département : avec 3 200 tonnes de nourriture distribuées par an, la Banque alimentaire est l'une des trois principales associations « frigo » françaises. Le Secours populaire du Pas-de-Calais a pu, l'an dernier, distribuer un million de repas, dont ont bénéficié 4 200 familles, soit 20 000 personnes. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la question est loin d'être anecdotique. Car il n'est pas exagéré d'affirmer que l'Europe est peut-être en passe d'affamer ses peuples ! Il y a donc urgence à obtenir des réponses et des engagements concrets pour qu'il n'y ait aucune diminution des aides pour l'aide alimentaire, et je vous remercie des propos que vous avez tenus sur ce point, monsieur le ministre.

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