Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 11/10/2012

M. Thierry Foucaud attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les graves difficultés que traverse le groupe Crédit immobilier de France (CIF) et les conséquences sur l'accession sociale à la propriété pour les ménages les plus modestes.
Acteur important du développement de l'accession à la propriété, le CIF est l'un des seuls établissements à distribuer des prêts aux familles à revenus modestes qui ne trouvent pas de réponse à leur demande de financement auprès des réseaux bancaires traditionnels.
Ce groupe travaille en étroite collaboration financière avec l'ensemble des sociétés coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété (SACICAP), constituant un réseau qui s'est imposé comme un acteur incontournable de la politique du logement.
Ces organismes à but non lucratif accomplissent des missions sociales en faveur des propriétaires à revenus limités. Leur champ d'action va de la lutte contre la précarité énergétique et l'insalubrité à l'adaptation des logements pour le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées, ou encore des aides aux travaux pour les copropriétés dégradées.
Ces SACICAP ont actuellement passé près de 450 conventions avec les élus locaux et les collectivités territoriales. Ce modèle d'accession favorise grandement l'égalité des territoires, les missions locales s'exerçant notamment dans les zones rurales ou déshéritées.
Or le Crédit immobilier de France, dont les ressources provenaient des marchés financiers, a été fortement fragilisé par la récente décision des agences de notation qui refusent désormais tout modèle qui n'est pas basé sur des dépôts bancaires. Nombreux sont ceux, parmi les salariés du CIF, à avoir attiré son attention pour lui faire part de leur inquiétude légitime quant à l'avenir de cet organisme dont la disparition mettrait également en péril toutes les missions sociales en faveur du logement engagées par les SACICAP et les collectivités.
Alors que nous rencontrons une crise immobilière sérieuse, il s'inquiète du risque de voir disparaître, tant au plan local que national, un opérateur essentiel du financement de ces opérations si la garantie donnée par l'État est assortie d'une condition de gestion en extinction des encours du crédit immobilier.
L'arrêt de l'activité financière de l'entreprise, en dépit de son état financier solide et rentable, conduirait 250 000 foyers, écartés par les grandes banques françaises, à être privés d'une solution d'accession à la propriété et constituerait en outre une menace pour l'activité de ses 2 500 salariés et de milliers d'emplois induits.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer toutes les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de préserver les moyens d'actions et les champs de compétences du Crédit immobilier de France, outil crucial de la politique publique d'accession sociale à la propriété.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 07/03/2013

La situation du Crédit immobilier de France (CIF) mobilise pleinement l'attention du Gouvernement. Le 28 août dernier, la dégradation par Moody's de la notation du CIF a conduit l'Etat, à la demande du conseil d'administration, à lui octroyer sa garantie. Le CIF était alors sur le point de faire faillite. Depuis sa prise de fonction le Gouvernement s'est efforcé de régler au mieux un dossier qu'il a trouvé dans un état préoccupant. Depuis février 2012, la nécessité pour le CIF de trouver un repreneur était devenu impérative pour éviter la faillite. Dès sa prise de fonction, le Gouvernement a cherché toutes les solutions qui auraient permis au CIF de maintenir son activité en l'état. Tout a été fait pour favoriser un adossement mais ce n'est qu'en juin et sous la pression du Gouvernement que la direction du CIF a accepté de rechercher un repreneur. Cette ultime tentative a échoué et aucun repreneur ne s'est manifesté, soulignant ainsi que plus personne ne croyait à la viabilité de la banque. Cette situation relève en grande partie de la responsabilité de la précédente direction du CIF, qui avait choisi d'ignorer, voire de contester, y compris devant les tribunaux, les décisions de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui l'avait alerté à plusieurs reprises sur la dangerosité de son modèle économique et de ses choix stratégiques. En effet, cette banque, qui ne recueille presque pas de dépôts, est entièrement dépendante des marchés financiers pour assurer son refinancement. Le fait que la situation de solvabilité de l'établissement soit relativement satisfaisante n'est à cet égard en rien un gage de solidité. Par ailleurs, afin de préserver son résultat, les dirigeants du CIF avaient ces dernières années encore accentué cette fragilité en procédant à des émissions sur des maturités de plus en plus courtes tout en prêtant sur des durées de plus en plus longues. Les discussions menées par le Gouvernement ces derniers mois, dans un esprit d'ouverture, avec la direction du CIF ont confirmé qu'il n'existait pas d'alternative économiquement viable et conforme au droit communautaire à une mise en extinction, y compris la mise en place d'un financement public permanent reposant sur la reconnaissance d'un service d'intérêt économique général. L'intervention de l'État ne peut pas réparer l'irréparable, mais elle permet de gagner le temps nécessaire pour que l'entreprise mette en œuvre des solutions pour limiter l'impact sur l'emploi, en essayant notamment de trouver des partenaires pour ses différentes activités et les salariés qui y sont attachés. Ce processus doit être mené à bien rapidement. C'est dans ce cadre que le Gouvernement a demandé au Parlement de voter la garantie que l'État accorde au CIF dans le projet de loi de finances pour 2013 puis a transmis à la Commission européenne le projet de garantie élaboré conjointement avec le CIF. La Commission européenne a indiqué le 21 février 2013 qu'elle accordait une autorisation temporaire dans l'attente de la transmission, par les autorités françaises d'un plan de résolution ordonnée impliquant une mise en extinction de la production. Le Gouvernement est conscient par ailleurs de ce que l'arrêt de l'activité du CIF suscite des inquiétudes sur l'offre en matière de prêts à l'accession sociale à la propriété dont il représentait 10 à 20 % du marché selon les critères. C'est pourquoi il a demandé à ce que des discussions soient menées avec La Banque Postale afin d'examiner dans quelles conditions l'activité du CIF en matière d'accession sociale à la propriété pouvait être reprise et des solutions d'embauche offertes à un nombre significatif de salariés. À l'issue de ces discussions, La Banque Postale a indiqué publiquement s'engager à développer, en plus de sa production actuelle, une nouvelle offre en matière de prêts à l'accession sociale à la propriété à destination des ménages les plus modestes. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à la mise en œuvre de ses engagements par La Banque Postale. Par ailleurs, afin de s'assurer que, conformément à ce qu'elles ont indiqué publiquement début octobre, l'ensemble des banques maintiennent et développent leur offre en matière d'accession sociale à la propriété, le Gouvernement a décidé de proposer de recentrer le dispositif du prêt à taux zéro sur les ménages modestes. Le nouveau dispositif facilitera la solvabilisation des ménages en accession sociale à la propriété. Il s'agit là d'une réponse supplémentaire à la situation dont le Gouvernement a hérité et à laquelle il s'efforce de remédier. Il convient par ailleurs de ne pas entretenir de confusion entre l'activité du CIF et celles de ses actionnaires, les SACICAP. Celles-ci mènent des missions sociales (lutte contre l'habitat indigne, lutte contre la précarité énergétique, rénovation de copropriété dégradée...) qui étaient en partie financées par les dividendes que le CIF leur versait. Là encore, le Gouvernement s'attache à trouver une solution pour permettre aux SACICAP de poursuivre la réalisation de ces missions. Enfin l'aspect social est bien évidemment au cœur des priorités du Gouvernement. Il convient toutefois de souligner que la garantie de l'État permet d'éviter la catastrophe qu'aurait été la mise en liquidation inévitable sans la garantie et donne du temps pour trouver des solutions de reclassement. Le Gouvernement redit à nouveau sa conviction que des solutions doivent pouvoir être trouvées pour les salariés du CIF : un nombre significatif d'entre eux conserveront leur emploi dans le cadre de la gestion extinctive du CIF lui-même ; d'autres sont salariés de filiales viables qui peuvent être cédées rapidement ; d'autres enfin pourront recevoir des offres d'embauche de la part de La Banque Postale dans le cadre du développement de sa nouvelle offre en matière d'accession sociale à la propriété. La Banque Postale s'est ainsi engagée à reprendre 300 salariés du CIF. Par ailleurs, les principaux réseaux bancaires membres de la FBF ont indiqué être prêts à examiner en priorité les candidatures des salariés du CIF dans le cadre de leur politique de recrutement. Enfin, des offres d'emplois seront susceptibles d'être formulées par d'autres acteurs non bancaires présents sur le marché du crédit immobilier et qui ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt auprès des pouvoirs publics et de la direction du CIF. Maintenant que la Commission européenne a accordé son autorisation temporaire, le Gouvernement rappelle qu'il est de la responsabilité de la direction du CIF et de ses actionnaires de préparer, en lien avec les pouvoirs publics, le plan de résolution ordonnée qu'ils se sont engagés à présenter et de mettre en œuvre rapidement l'ensemble des mesures permettant de faciliter la recherche d'une solution pour l'ensemble des salariés.

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