Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 19/10/2012

Question posée en séance publique le 18/10/2012

Concerne le thème : L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vois que nous partageons certaines préoccupations.

Oui, le temps partiel a un genre : il est féminin.

Or le temps partiel est un paramètre clé des inégalités salariales et professionnelles. En particulier, il explique un peu plus d'un tiers de l'écart d'environ 27 % qui existe entre les salaires des femmes et ceux des hommes.

Le temps partiel n'est pas seulement un angle mort : il s'est considérablement développé au cours des vingt dernières années sous l'impulsion de politiques qui l'ont rendu attractif pour les employeurs.

Mme Annie David. Tout à fait !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le temps partiel a été favorisé par des abattements de cotisations sociales et par le fait qu'il permettait davantage de flexibilité dans la gestion de la main-d'œuvre.

Souvent présenté comme un moyen d'assurer une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, le temps partiel, dans la réalité, est bien plus souvent subi que choisi : avec ses horaires morcelés, ses délais de prévenance très courts et son régime de coupures, il ne facilite pas l'articulation entre les différents temps de vie.

S'appliquant en outre à des emplois peu qualifiés et, par conséquent, mal rémunérés, il vient gonfler des cohortes de travailleuses pauvres.

Pour toutes ces raisons, l'encadrement du travail à temps partiel doit être revu.

Dans cette perspective, plusieurs pistes ont été proposées à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes au cours des auditions qu'elle mène cette année sur le thème : « Femmes et travail ».

Il s'agit notamment de prévoir des majorations salariales pour l'ensemble des heures complémentaires accomplies, de réviser le niveau des exonérations sociales, de modifier les conditions de réversibilité du temps partiel vers le temps plein, de renforcer l'accès à la formation et aux droits sociaux et d'améliorer l'encadrement de la durée des intervalles entre les prises de poste ou des délais de prévenance.

La négociation collective peut, sur certains de ces points, apporter des améliorations significatives ; mais d'autres appellent une révision du cadre législatif.

Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter de manière plus détaillée la feuille de route du Gouvernement sur ce sujet, qui intéresse un très grand nombre de nos compatriotes parmi les plus touchées par la précarité et la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 19/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2012

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Gonthier-Maurin, je crois que ce n'est pas un hasard si Mme Meunier et vous-même m'avez toutes deux interrogée sur le temps partiel : vous avez l'une et l'autre conscience que c'est aujourd'hui l'une des principales causes de la précarité des femmes dans la vie économique.

Cette situation est particulièrement difficile à vivre pour les femmes qui sont, de surcroît, à la tête d'une famille monoparentale. On observe en effet que les deux phénomènes sont souvent liés.

Ceux qui cherchent à minimiser le problème du temps partiel soutiennent qu'il est souvent choisi, notamment parce qu'il permettrait une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, c'est-à-dire en fait pour pouvoir s'occuper du foyer.

C'est pourquoi il faut souligner avec force, comme vous l'avez très justement fait, mesdames les sénatrices, que le temps partiel empêche au contraire très souvent les femmes d'avoir une vie personnelle et familiale. En effet, le temps partiel s'accompagne d'horaires atypiques et imprévisibles, qui sont pour ces femmes, cause de complications et même de souffrance. Du fait du temps partiel, loin de mieux concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle, elles se trouvent encore plus tiraillées entre ces deux temps de vie.

Comme vous, madame Gonthier-Maurin, je pense qu'il est nécessaire de sanctionner les entreprises qui commettent des abus. Il est vrai que, ces dernières décennies, on a beaucoup laissé les entreprises recourir au temps partiel, en leur accordant à ce titre un certain nombre d'avantages.

En particulier, le statut des heures complémentaires soulève une vraie difficulté. Il faudra le revaloriser pour faire en sorte que ces heures soient considérées un peu comme les heures supplémentaires pour un temps plein. C'est l'un des sujets sur lesquels les partenaires sociaux travaillent dans les conditions que j'ai indiquées tout à l'heure.

La question d'une meilleure prévisibilité et d'une plus grande amplitude des horaires se pose également, de même que celle d'un nombre minimal d'heures de travail. Ce plancher devra sans doute être déterminé branche par branche, parce qu'il est impossible d'appliquer la même solution à des situations différentes. Mais il n'est plus admissible que des personnes soient employées à des temps si réduits qu'elles n'ont pas accès à certains droits sociaux.

Si nous avons invité les partenaires sociaux à négocier sur la question du temps partiel, entendons-nous bien, cela ne signifie pas que l'État se décharge de ses responsabilités. En effet, le même principe qui s'applique dans les autres dossiers soumis à la négociation s'appliquera aussi dans celui-là, qui est fondamental à nos yeux : si les partenaires sociaux ne parviennent pas à se mettre d'accord, l'État prendra ses responsabilités.

C'est la raison pour laquelle j'ai dit tout à l'heure, sans avoir le temps d'être plus précise, que nous allions organiser, le 19 novembre prochain, une conférence de progrès sur le temps partiel. Ce sera un moment important, qui permettra d'examiner, dans toutes les branches concernées, les pratiques des entreprises qui recourent fortement au temps partiel.

Mais il s'agira aussi de se pencher sur les pratiques des donneurs d'ordre. En effet, si des horaires atypiques existent dans une branche comme la propreté, par exemple, c'est aussi parce que les donneurs d'ordre, qui sont parfois des collectivités territoriales ou l'État lui-même, réclament que les agents de propreté travaillent très tôt le matin, avant l'ouverture des bureaux ! (Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Annie David manifestent leur approbation.)

Mettre un terme à ces situations relève donc autant de la responsabilité de l'employeur que de celle du donneur d'ordre.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Merci, madame la ministre, de votre réponse.

Je crois que le développement du travail à temps partiel a effectivement été un facteur de précarisation généralisée dans le monde du travail et que les femmes en ont été les premières victimes.

Vous avez eu grandement raison de souligner que, si les partenaires sociaux ont des prérogatives et que la négociation est nécessaire, l'État a un rôle fondamental à jouer. En effet, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une règle inscrite dans la Constitution ; il appartient donc au législateur que nous sommes d'en garantir l'application.

Je considère aussi que le développement continu du temps partiel devrait nous conduire à envisager que, pour les grandes entreprises coupables d'abus, les charges patronales soient équivalentes pour les temps partiels et les temps pleins. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Annie David. Très bien !

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