Question de M. BAS Philippe (Manche - UMP) publiée le 20/09/2012
M. Philippe Bas appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur les dispositifs d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Il rappelle que la loi n° 20102 du 5 janvier 2010 prévoyait une procédure d'indemnisation pour les personnes victimes de maladies résultant d'une exposition aux essais nucléaires et préconisait de ne tenir compte d'aucune notion de seuil de dosimétrie dans la prise en compte et le calcul des indemnités aux victimes.
Or, cette notion de seuil constitue la base du dispositif de calcul de risques pratiqué par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), lequel souligne qu'il ne s'agit pas d'une valeur dosimétrique mais d'un calcul de probabilité des risques.
Si le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 modifiant le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 a élargi le dispositif d'indemnisation en ajoutant quatre pathologies sur la liste des 18 maladies radio-induites et étendu les zones géographiques considérées comme exposées aux retombées radioactives des essais, la pratique du dispositif n'a cependant permis de prendre en compte à ce jour que sept dossiers d'indemnisation sur les 755 dossiers déposés.
Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement pour élargir l'accès à l'indemnisation pour les victimes des essais nucléaires français.
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Réponse du Ministère de la défense publiée le 28/02/2013
Le Gouvernement suit avec la plus grande attention le dossier relatif aux conséquences sanitaires des essais nucléaires français et a, notamment, décidé l'indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, et le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris pour son application, ont ainsi créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d'expérimentations et populations civiles, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique permet à toute personne atteinte d'une pathologie radio-induite figurant parmi les vingt et une maladies listées en annexe du décret du 11 juin 2010 de constituer un dossier de demande d'indemnisation. Cette liste des pathologies a été élaborée à l'aide des travaux les plus récents, menés par le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). La demande doit comporter les éléments attestant de la présence du requérant, au cours de périodes déterminées, dans l'une des zones géographiques de retombées de rayonnements ionisants, conformément à l'article 2 de la loi précitée. Les délimitations précises de ces zones sont fixées par l'article 2 du décret du 11 juin 2010 et l'article 1er du décret du 30 avril 2012, sur la base de calculs scientifiques. Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), présidé par une présidente de section honoraire du Conseil d'Etat et composé d'experts médicaux nommés conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique. Pour mener à bien sa mission, le CIVEN a élaboré une méthode d'examen s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants. La méthode retenue fait l'hypothèse d'une relation dose-effet, sans seuil, et assure ainsi au demandeur le bénéfice d'une vraisemblable surévaluation du risque. La probabilité qu'une maladie constatée soit liée à une exposition aux rayonnements ionisants ou « probabilité de causalité » est calculée à partir d'éléments comme la nature de la maladie, les doses reçues, la nature des rayonnements, l'âge au moment de l'exposition, le délai d'apparition de la maladie.... Des formules mathématiques adaptées aux différentes affections permettent d'évaluer le risque relatif (RR), c'est-à-dire le rapport entre le nombre des maladies apparaissant dans une population exposée aux rayonnements ionisants et celui qui apparaît dans une population équivalente non exposée. Chaque fois que cela est possible, le comité utilise le logiciel de calcul mis au point aux États-Unis par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH-IREP), lui-même élaboré et régulièrement tenu à jour, conformément aux recommandations de l'AIEA. Le comité retient comme probabilité de causalité la valeur médiane calculée au moyen de ce logiciel. Une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir la demande d'indemnisation. À la date du 30 novembre 2012, le CIVEN a reçu 782 demandes d'indemnisation, émanant de personnes malades ou d'ayants droit de personnes décédées, et examiné 618 dossiers complets. 400 décisions ont été rendues par le ministre, 9 d'entre elles ayant été favorables à l'indemnisation du demandeur. Associée à ce dispositif, la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, prévue par l'article 7 de la loi du 5 janvier 2010, a pour mission d'examiner les mesures tendant à faire évoluer le processus d'indemnisation issu du décret du 11 juin 2010. Cette commission est composée de représentants de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères, du président du Gouvernement de la Polynésie française, du président de l'Assemblée de la Polynésie française, deux députés, deux sénateurs, cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires, ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées. Depuis sa création, la commission s'est réunie à trois reprises sous la présidence du ministre de la défense. Ses travaux, fondés sur les données scientifiques les plus récentes et la prise en compte des remarques du CIVEN, se sont notamment concrétisés par la parution au Journal officiel du décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 qui a permis d'élargir la liste des maladies radio-induites figurant en annexe du décret du 11 juin 2010, et d'étendre le périmètre géographique des zones de l'atoll de Hao et de celles de l'île de Tahiti dans lesquelles le demandeur doit avoir résidé ou séjourné pour pouvoir bénéficier d'une indemnisation. Par ailleurs, ce texte a simplifié les démarches administratives des demandeurs, d'une part, en facilitant le choix de l'expert devant évaluer les préjudices dans l'hypothèse d'une indemnisation, qui n'est désormais plus restreint aux seuls experts près des cours d'appel, d'autre part, en prévoyant que toutes les demandes d'indemnisation, y compris celles qui ont fait l'objet d'un rejet par le ministre, soient réexaminées, sans qu'il soit nécessaire de déposer un nouveau dossier. S'agissant des populations algériennes, le service des anciens combattants d'Alger est à leur disposition pour les aider à constituer les dossiers et, si nécessaire, traduire en français ou faire authentifier les pièces destinées au secrétariat du CIVEN. De même, s'agissant des populations polynésiennes, une aide est apportée par les services du Haut-commissaire de la République en Polynésie française, chef de la subdivision administrative des îles Tuamotu-Gambier, et par un médecin militaire qui veillent à la bonne circulation de l'information relative au dispositif d'indemnisation et à la réception des courriers par la population concernée. Enfin, depuis juillet dernier, les frais de transport engagés par les Polynésiens convoqués pour une expertise médicale sont pris en charge par avance. Cette évolution positive du dispositif et cette simplification des démarches sont conformes au souhait émis par le ministre de la défense de voir faciliter la procédure d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Enfin, lors de sa 3e réunion, le 11 décembre dernier, la commission a en particulier approuvé les modalités générales d'une étude épidémiologique sur la Polynésie, dont la réalisation sera confiée à un organisme spécialisé et indépendant. Le ministre de la défense a en outre demandé qu'un travail d'évaluation sur l'application de la loi soit réalisé par les autorités de contrôle du ministère, avec le concours du ministère de la santé, afin d'analyser les procédures actuelles et les modalités d'application concrètes de la loi.
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