Question de Mme JOISSAINS Sophie (Bouches-du-Rhône - UMP) publiée le 06/09/2012
Mlle Sophie Joissains attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur l'urgence de revoir le privilège réglementaire du lobby des constructeurs. Représentant près de 40 % du budget automobile, l'entretien et la réparation sont un poste clé du budget des ménages qui exigent que ce dernier bénéficie, comme ailleurs, d'une réelle concurrence libre et non faussée. Les constructeurs utilisent, en effet, une réglementation européenne sur la protection des dessins et modèles qui vise à protéger l'aspect d'un véhicule dans son ensemble, pour bénéficier d'un monopole de marque sur la production et la distribution de ce type de composants. L'application zélée de la réglementation sur les dessins et modèles a des effets très dommageables pour le consommateur. D'une part, il est privé de vrais prix de marché pour les pièces d'origine (déterminés dans un environnement concurrentiel), d'autre part, il est dans l'incapacité de choisir le type de pièces à installer dans son véhicule (produites par le constructeur ou par un producteur alternatif). Pourtant, dans un certain nombre de pays européens soumis à la même réglementation européenne, comme la Belgique, l'Espagne ou l'Italie, les choses sont différentes : les consommateurs ont la possibilité d'utiliser des pièces beaucoup moins chères, ce qui leur permet de réduire leurs dépenses en matière automobile. Et cela, sans porter atteinte à la protection des créations (en matière de dessins) des constructeurs. Il est prouvé que le gain potentiel de l'ouverture à la concurrence pour le consommateur serait en moyenne d'environ 30 %. Moyenne qui cache, d'ailleurs, des écarts assez spectaculaires, puisque par exemple, un consommateur allemand qui choisit de réparer son véhicule Peugeot 307 avec des pièces de qualité équivalente (et non des pièces constructeur) peut réaliser une économie moyenne de 54,4 %. De plus tout pousse à croire qu'une libéralisation du marché des pièces de rechange de carrosserie serait, en fait, une chance pour le secteur. Elle lui demande de proposer une alternative à des pièces fabriquées par une concurrence internationale et aussi de répondre à une demande relative à de petites séries. Elle attire son attention sur le fait que cette mesure pourrait favoriser les PME locales, donc l'emploi, la libéralisation des pièces de carrosserie pouvant être une stratégie « gagnant-gagnant » pour le consommateur et l'industrie automobile française et européenne.
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Transmise au Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique
Réponse du Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique publiée le 03/07/2014
L'autorité de la concurrence a rendu un avis le 8 octobre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel des secteurs de la réparation et de l'entretien de véhicules et de la fabrication et de la distribution de pièces de rechange, dans lequel elle émet des propositions pour renforcer la concurrence dans la filière. La principale de ces propositions est d'ouvrir de manière progressive et maîtrisée le marché des pièces de rechange visibles, qui représente moins de 20 % du marché global de la distribution de pièces détachées automobile. L'orientation proposée par l'autorité de la concurrence (appelée « clause de réparation ») a été adoptée en droit par onze des vingt-sept pays de l'Union européenne. Des assouplissements au droit exclusif de propriété intellectuelle relatif à ce type de pièces de rechange ont été mis en place sans modification du droit en Allemagne, ainsi qu'aux États-Unis. Plutôt qu'une approche opposant le statu quo et une libéralisation brutale, différentes considérations ont conduit le Gouvernement à étudier, en concertation avec les professionnels, une palette d'options. En effet, si l'introduction d'une clause de réparation est susceptible de procurer des gains, au demeurant difficiles à quantifier pour les consommateurs, ces derniers doivent être mis en balance avec les conséquences qu'elle peut avoir sur l'emploi et le tissu industriel, à la lumière du contexte propre à chaque pays. Ainsi, en France, les constructeurs automobiles français se sont engagés auprès du Gouvernement, en particulier sur les emplois affectés, sur le territoire national, à la conception et à la production de pièces détachées visibles, sur les investissements afférents mais aussi en termes d'évolution du prix des pièces visibles. Une première piste d'amélioration qui fait l'objet de travaux est celle d'un partage des droits de propriété intellectuelle entre les constructeurs et les équipementiers. Le Gouvernement a invité les organisations représentatives de ces professionnels à poursuivre leur négociation dans une approche constructive pour aboutir à un accord substantiel et équilibré dont tant la compétitivité du tissu industriel français que le pouvoir d'achat des consommateurs pourront être bénéficiaires. Cette orientation rejoint une recommandation du conseil économique, social et environnemental (CESE) qui, dans son rapport du 23 octobre 2013, rappelle également la nécessité de préserver la propriété intellectuelle qui constitue un levier de la recherche et de l'innovation et un outil stratégique de maintien d'activité industrielle en France, tout en veillant à garantir la réparabilité de l'ensemble du parc circulant pour l'ensemble des consommateurs. Dans ce contexte, les constructeurs français ont, le 9 septembre 2013, annoncé autoriser, pour les rétroviseurs, les pièces d'optique-lanternerie et les vitrages, les équipementiers retenus pour la pièce de première monte à commercialiser cette même pièce pour la rechange sous leur propre marque. Cette démarche constitue une reconnaissance de la contribution technologique des équipementiers de première monte dans ces produits et permettra une commercialisation plus fluide des pièces de rechange au bénéfice des consommateurs. Une autre voie d'amélioration, sur laquelle le Gouvernement a également invité les constructeurs à travailler, est celle de la filière des pièces de réemploi issues du recyclage. Sans constituer une alternative à la fluidification du marché des pièces détachées automobile, cette action en est un complément utile, tant sous l'angle du développement durable que sous ceux de la préservation du pouvoir d'achat et de l'aide à la mobilité des personnes au revenu modeste. Les modalités d'une amélioration de l'information des consommateurs sur le prix des pièces détachées, y compris au stade de l'achat de véhicules neufs ou d'occasion, sont également à l'étude. L'approche retenue par le Gouvernement porte ses fruits puisque selon une étude de l'association sécurité et réparation automobiles (SRA), le prix des pièces détachées n'a augmenté que de 0,7 % sur un an au 3e trimestre 2013, notamment grâce aux constructeurs nationaux, qui affichent une réelle maîtrise des prix. Enfin, il va de soi que les corps d'enquête de l'État restent très attentifs au respect, à tous les stades de la chaîne économique de ce secteur, des règles du droit économique qui sont garantes d'un bon encadrement des relations commerciales entre entreprises, telles notamment l'interdiction des pratiques de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties prévue par le 2° de l'article L. 442-6 du code de commerce, ou la lutte contre la contrefaçon.
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