Question de M. BÉRIT-DÉBAT Claude (Dordogne - SOC) publiée le 23/08/2012
M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les insuffisances de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
En effet, cette législation demeure inefficace pour les victimes précitées car elle ne concerne qu'un très faible nombre de personnes.
D'une part, elle ne repose pas sur la présomption de causalité entre la présence chez un individu d'une maladie radio-induite et son exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français.
D'autre part, la législation actuelle a permis au comité d'indemnisation des victimes, le CIVEN, d'utiliser la valeur dosimétrique qui indique la dose de rayonnements ionisants reçue par le personnel travaillant sur un site nucléaire.
Or, pour l'association des vétérans des essais nucléaires, il apparaît que la très grande majorité du personnel concerné par les essais nucléaires français ne disposait pas de dosimètres sur place au moment des tirs et qu'en aucun cas la dosimétrie n'était susceptible de mesurer les effets de contamination après ces mêmes tirs.
Aussi, les représentants des victimes des essais précités demandent une révision de la législation actuelle qui s'appuierait prioritairement sur le bénéfice pour les victimes d'une présomption de causalité mais aussi sur la présence effective d'experts médicaux désignés par les associations des victimes précitées au sein du comité d'indemnisation.
Il lui demande ainsi ce que le Gouvernement compte entreprendre pour pallier les insuffisances de la loi du 5 janvier 2010 afin d'élargir l'accès à l'indemnisation pour les victimes des essais nucléaires français.
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Réponse du Ministère de la défense publiée le 28/02/2013
Le Gouvernement suit avec la plus grande attention le dossier relatif aux conséquences sanitaires des essais nucléaires français et a, notamment, décidé l'indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, et le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris pour son application, ont ainsi créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d'expérimentations et populations civiles, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique permet à toute personne atteinte d'une pathologie radio-induite figurant parmi les vingt et une maladies listées en annexe du décret du 11 juin 2010, complétées par le décret du 30 avril 2012, de constituer un dossier de demande d'indemnisation. Cette liste des pathologies a été élaborée à l'aide des travaux les plus récents, menés par le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). La demande doit comporter les éléments attestant de la présence du requérant, au cours de périodes déterminées, dans l'une des zones géographiques de retombées de rayonnements ionisants, conformément à l'article 2 de la loi précitée. Les délimitations précises de ces zones sont fixées par l'article 2 du décret du 11 juin 2010 et l'article 1er du décret du 30 avril 2012, sur la base de calculs scientifiques. Les personnes s'estimant victimes des essais nucléaires n'ont pas de limite dans le temps pour déposer leur demande. Cependant, les ayants droit des demandeurs décédés avant la promulgation de la loi précitée, c'est-à-dire avant le 5 janvier 2010, doivent solliciter une indemnisation avant la fin des cinq ans suivant sa promulgation. Cette demande ne peut être déposée qu'au nom du demandeur décédé, pour ses propres préjudices, dont ils sont les héritiers. Ceux-ci ont néanmoins la possibilité de demander la réparation de leur propre préjudice selon les règles de droit commun. Lorsque les pièces justificatives ont été rassemblées par le demandeur ou par le secrétariat du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), les dossiers peuvent être considérés complets. Une lettre est alors envoyée au requérant, l'informant que sa demande est enregistrée et que son dossier sera présenté dans les meilleurs délais au CIVEN. Le CIVEN, dont les membres ont été nommés par arrêtés du 3 août 2010 et du 21 mars 2011, est présidé par une présidente de section honoraire du Conseil d'État et composé notamment d'experts médicaux nommés conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé. Ces nominations interviennent sur proposition du Haut Conseil de la santé publique qui présente toutes les compétences requises en matière d'expertise médicale et agit en toute indépendance. En effet, cette instance, qui peut être consultée par les ministres, les présidents des commissions parlementaires et par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système national de santé, a notamment pour mission de fournir aux pouvoirs publics des conseils sur les questions de santé publique et l'expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires. Le CIVEN instruit au cas par cas les dossiers de demande d'indemnisation afin d'éviter d'instaurer une automaticité de la réparation, contraire au droit de la responsabilité. Si les conditions de l'indemnisation sont réunies, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Pour mener à bien sa mission, le CIVEN a élaboré une méthode d'examen s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants. La méthode retenue fait l'hypothèse d'une relation dose-effet, sans seuil, et assure ainsi au demandeur le bénéfice d'une vraisemblable surévaluation du risque. La probabilité qu'une maladie constatée soit liée à une exposition aux rayonnements ionisants ou « probabilité de causalité » est calculée à partir d'éléments comme la nature de la maladie, les doses reçues, la nature des rayonnements, l'âge au moment de l'exposition, le délai d'apparition de la maladie... Des formules mathématiques adaptées aux différentes affections permettent d'évaluer le risque relatif (RR), c'est-à-dire le rapport entre le nombre des maladies apparaissant dans une population exposée aux rayonnements ionisants et celui qui apparaît dans une population équivalente non exposée. Chaque fois que cela est possible, le comité utilise le logiciel de calcul mis au point aux États-Unis par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH-IREP), lui-même élaboré et régulièrement tenu à jour, conformément aux recommandations de l'AIEA. Le comité retient comme probabilité de causalité la valeur médiane calculée au moyen de ce logiciel. Une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir la demande. Dans ce cas, un expert procède à l'évaluation des préjudices de toute nature imputables à la maladie, en se référant à la nomenclature des préjudices corporels (de la victime directe) dite « Nomenclature Dintilhac ». À partir des conclusions de son expertise, le CIVEN évalue le montant de l'indemnisation correspondant à ces préjudices en utilisant le référentiel de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Enfin, dans les dossiers présentant un cancer primitif non défini, les scientifiques du CIVEN ont parfois retenu le modèle du cancer pulmonaire primitif du fait de sa plus forte radiosensibilité pour le calcul de la probabilité, mais sans affirmer qu'il soit à l'origine des métastases retrouvées. C'est donc là aussi un calcul majorant au bénéfice du requérant. Toutes les données utilisables sont ainsi prises en considération : doses individuelles quand elles existent ; résultats d'anthropogammamétrie et de radiotoxicologie ; doses d'ambiance ; situations exceptionnelles ; ou encore limites techniques d'enregistrement des doses. Pour les populations locales, en l'absence de dosimétrie individuelle, est recherchée soit la dosimétrie d'ambiance locale, soit une dosimétrie reconstituée. À ce titre, le rapport du 29 juillet 2008 de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) intitulé « Efficacité des dosimètres individuels et d'ambiance utilisés pour la radioprotection lors des essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie » a conclu sans ambiguïté que les dosimètres utilisés lors des essais nucléaires présentaient des caractéristiques conformes aux normes internationales, et qu'ils étaient bien adaptés pour des mesures individuelles et d'ambiance des rayonnements X-gamma correspondant à ceux auxquels les personnes assistant aux essais ont pu être exposées. Ainsi, il peut être retenu, d'une part, que la méthodologie d'évaluation des risques appliquée par le CIVEN se fonde sur une méthodologie universellement reconnue, approuvée internationalement, et appliquée par les pays les plus avancés, d'autre part, qu'il s'agit d'un modèle reposant sur les résultats scientifiques les plus aboutis, synthétisés dans les rapports du comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). En outre, eu égard à la situation du demandeur au moment des essais nucléaires, aux conditions de son exposition aux rayonnements ionisants et à sa maladie, seule une probabilité de causalité de 1 % est jugée suffisante. Enfin, les conditions de calcul sont elles-mêmes très favorables aux requérants puisque les hypothèses les plus maximalistes sont systématiquement retenues pour le niveau d'exposition pris en compte. Pour chacune des demandes individuelles d'indemnisation qui lui sont adressées, le CIVEN présente une recommandation au ministre de la défense, qui décide de la suite réservée à la requête et notifie à l'intéressé une offre d'indemnisation ou le rejet motivé de sa demande. Associée à ce dispositif, la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, prévue par l'article 7 de la loi du 5 janvier 2010, a pour mission d'examiner les mesures tendant à faire évoluer le processus d'indemnisation issu du décret du 11 juin 2010. Cette commission est composée de représentants de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères, du président du Gouvernement de la Polynésie française, du président de l'Assemblée de la Polynésie française, deux députés, deux sénateurs, cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires, ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées. Depuis sa création, la commission s'est réunie à trois reprises sous la présidence du ministre de la défense. Ses travaux, fondés sur les données scientifiques les plus récentes et la prise en compte des remarques du CIVEN, se sont notamment concrétisés par la parution au Journal officiel du décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 qui a permis d'élargir la liste des maladies radio-induites figurant en annexe du décret du 11 juin 2010, et d'étendre le périmètre géographique des zones de l'atoll de Hao et de celles de l'île de Tahiti dans lesquelles le demandeur doit avoir résidé ou séjourné pour pouvoir bénéficier d'une indemnisation. Par ailleurs, ce texte a simplifié les démarches administratives des demandeurs, d'une part, en facilitant le choix de l'expert devant évaluer les préjudices dans l'hypothèse d'une indemnisation, qui n'est désormais plus restreint aux seuls experts près des cours d'appel, d'autre part, en prévoyant que toutes les demandes d'indemnisation, y compris celles qui ont fait l'objet d'un rejet par le ministre, soient réexaminées, sans qu'il soit nécessaire de déposer un nouveau dossier. S'agissant des populations algériennes, le service des anciens combattants d'Alger est à leur disposition pour les aider à constituer les dossiers et, si nécessaire, traduire en français ou faire authentifier les pièces destinées au secrétariat du CIVEN. De même, s'agissant des populations polynésiennes, une aide est apportée par les services du Haut-commissaire de la République en Polynésie française, chef de la subdivision administrative des îles Tuamotu-Gambier, et par un médecin militaire qui veillent à la bonne circulation de l'information relative au dispositif d'indemnisation et à la réception des courriers par la population concernée. Enfin, depuis juillet dernier, les frais de transport engagés par les Polynésiens convoqués pour une expertise médicale sont pris en charge par avance. Lors de sa 3e réunion, le 11 décembre dernier, la commission a en particulier approuvé les modalités générales d'une étude épidémiologique sur la Polynésie, dont la réalisation sera confiée à un organisme spécialisé et indépendant. Le ministre de la défense a en outre demandé qu'un travail d'évaluation sur l'application de la loi soit réalisé par les autorités de contrôle du ministère, avec le concours du ministère de la santé, afin d'analyser les procédures actuelles et les modalités d'application concrètes de la loi.
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