Question de M. BERTRAND Alain (Lozère - RDSE) publiée le 23/08/2012
M. Alain Bertrand appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la situation des éleveurs lozériens confrontés à la multiplication des attaques de loups (canis lupus).
Il apparaît en effet que, depuis 2006 où la présence sporadique de loups a été attestée dans le département, les observations réalisées ou attestées par les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et du parc national des Cévennes se font de plus en plus fréquentes. Tout, dans ces conditions, semble indiquer que la Lozère est devenue une zone de présence permanente de l'espèce puisqu'elle y a été constatée pendant deux années consécutives.
Ainsi, depuis le printemps jusqu'à ce jour, dans le seul Causse Méjean, les attaques se multiplient : on en compte quatorze au cours desquelles trente-huit brebis ont été blessées et douze tuées.
Il lui demande en conséquence si elle compte, en raison des dommages causés, prendre des mesures dérogatoires au statut de protection des loups et autoriser dans les zones d'élevage le recours aux tirs de défense et de prélèvement, les mesures de protection et les opérations d'effarouchement actuellement mises en œuvre ayant fait la preuve de leur inefficacité, du fait même des modalités de l'agropastoralisme en Lozère.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 26/09/2012
Réponse apportée en séance publique le 25/09/2012
M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, ma question porte sur la présence du loup en France. Mon objectif, qui paraît de bon sens, est de cantonner le loup dans des zones inhabitées.
Tous, nous aimons les animaux - je suis pour ma part propriétaire de chiens -, la biodiversité et l'environnement. Dans mon département, on trouve un parc national, des zones humides, des ZNIEFF, ou zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, des sites Natura 2 000 : bref, tout ce que l'on veut !
Mais il s'avère que, petit à petit, les loups, qui seraient plus de 200 aujourd'hui, colonisent une bonne partie de notre pays. Cette situation n'est pas acceptable car elle met nos éleveurs dans une situation d'insécurité économique et sociale. Peut-être y a-t-il des endroits où ce brave loup pourrait vivre et prospérer, mais il ne peut s'agir que de zones inhabitées.
Il est de nombreuses zones où les modalités d'élevage ne permettent pas la présence du loup : le soir, les troupeaux restent dehors et l'éleveur ne peut pas les garder jour et nuit ! À la télévision, on nous propose de mettre des clôtures ou de prendre des chiens patous, lesquels d'ailleurs mordent une fois sur deux le berger et les promeneurs... Et pourquoi ne pas installer aussi des barbelés, des miradors, des tranchées, des herses, ou des fossés antichars ? (Sourires.)
Des mesures sont envisageables là où, par regroupement de troupeaux, on peut mettre ensemble 2 000 à 3 000 bêtes dans des alpages d'altitude inhabités, avec deux bergers payés. Ailleurs, dans une large partie du pays, cela n'est pas possible !
Monsieur le ministre, par-delà les lois, les règlements, les décrets, les conventions, il nous faut revenir au bon sens. Je sais que vous êtes un terrien, attaché à l'agriculture, et j'ai grand espoir en vous.
Le loup sème l'insécurité : il va s'attaquer à une bête - elle est encore vivante quand il commence à la manger, par les pattes le plus souvent... -, il va apeurer les autres, et les agnelages ne se feront pas ensuite. Au final, c'est toute la famille de l'agriculteur qui est plongée dans l'insécurité.
Il est vraiment nécessaire de prendre des mesures : il faut déclarer le loup nuisible dans les zones d'exclusion totale et le cantonner à certaines parties inhabitées du territoire. J'ai l'habitude de dire que, quand la loi, le règlement ou le décret est mauvais, que ce soit en France, en Europe, ou ailleurs, il faut le modifier. C'est une question de bon sens.
Sinon, pourquoi ne pas protéger les rats à Paris ou prendre un arrêté pour introduire le loup dans tous les départements de France - place Wilson à Toulouse ou place de la comédie à Montpellier ? Ne rien faire serait du laxisme. Cela pourrait être de l'extrémisme idéologique, mais je sais bien que l'on n'en est pas là !
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de donner droit à ma proposition, qui, je le répète, est de bon sens ? J'ai écrit à tous les parlementaires, députés et sénateurs, et j'ai déjà reçu une grosse pile de réponses par lesquelles l'ensemble de mes collègues, tous bords politiques confondus, me soutiennent. (M. Didier Guillaume applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Il est très agréable pour un ministre d'entendre de bonne heure chanter l'accent du sénateur Alain Bertrand pour évoquer, de façon imagée, les difficultés auxquelles sont confrontés l'élevage et le pastoralisme.
La question du loup ne date pas d'aujourd'hui. S'il faut retenir, au nom du bon sens que vous avez évoqué, certaines de vos idées, celle selon laquelle il faudrait cantonner le loup dans certains endroits me paraît difficile à appliquer. Comme beaucoup d'animaux sauvages, le loup se déplace au gré de ses envies.
Mais je sais très bien, monsieur le sénateur, que de nombreux départements sont aujourd'hui confrontés aux difficultés que vous avez évoquées, difficultés qui sont liées au rapport entre le loup et le pastoralisme, la Lozère étant d'ailleurs moins touchée que la Drôme.
Nous allons engager avec le ministère de l'environnement une discussion sur un nouveau « plan loup » comprenant un certain nombre de mesures. Actuellement, vous le savez, les préfets peuvent autoriser par arrêté des tirs de prélèvements. Nous allons donc voir comment mettre en place un nouveau dispositif pour respecter à la fois, d'une part, notre engagement en faveur de la biodiversité avec la convention de Berne et, d'autre part, la diversité de nos agricultures et du pastoralisme.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous ne pourrons jouer l'un contre l'autre. S'agissant des discussions qui vont être lancées, je sais que la pression sera forte car les agriculteurs vivent actuellement une situation extrêmement difficile. On peut expliquer leurs difficultés de différentes manières, et vous l'avez fait à votre façon, monsieur le sénateur, mais eux les vivent au quotidien.
Les discussions vont s'engager dès le mois prochain ; nous devons mettre sur pied un « plan loup » permettant d'aplanir les tensions que l'on sent aujourd'hui monter. Il en va de la responsabilité du ministre de l'agriculture et du ministre de l'écologie de poser les termes d'un débat nouveau à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, si le loup se déplace, il gagnera petit à petit tout le territoire. Il s'agit d'un animal extrêmement intelligent, très craintif et fuyant qui a une stratégie de comportement. On dit qu'il y a deux ou trois loups en Lozère, mais, au fond, nous n'en savons rien, et il y en a peut-être quinze. La semaine dernière, un journal relatait les propos de l'un des spécialistes prétendument chargés de compter les loups, qui estimait que ces derniers faisaient venir les touristes ! Mais nous avons un parc à loups qui reçoit déjà 50 000 visiteurs. On pourrait aussi introduire des lions ou des zèbres pour attirer plus de touristes en provenance de toute la France !
Si l'on instaurait des zones d'exclusion, le loup serait considéré comme nuisible dans ces dernières. Dès lors, le préfet pourrait prendre un arrêté et, sous son contrôle, des loups pourraient être abattus.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, et j'accepte avec plaisir l'augure d'un nouveau plan, d'un nouveau dispositif et d'une nouvelle discussion. Toutefois, il faudra vraiment tenir compte, dans ce cadre, de l'intérêt économique et social des agriculteurs, en situation de réelle souffrance, et parvenir à des progrès.
Invoquer la convention de Berne ne sert à rien ! Ce qu'il faut, c'est modifier la législation quand elle est mauvaise !
Monsieur le ministre, j'accepte donc l'augure que votre bon sens triomphera !
M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie pour cette question, elle aussi pleine de bon sens. (Sourires.)
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