Question de M. DOMINATI Philippe (Paris - UMP) publiée le 02/08/2012
M. Philippe Dominati attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur la gestion des HLM de Paris.
Le 22 décembre 2011 dernier, la CNIL a rendu un rapport public sur la gestion des HLM de Paris et du Val-de-Marne. La surprise a été grande lorsqu'il fut découvert que des gardiens et concierges de la société Paris Habitat gardaient des fichiers très « détaillés ». Ces fichiers contenaient des informations comme « séropositif » ou « accusé de viol ». Les relevés d'identité bancaire étaient classés, l'état de santé connu, la vie fichée dans les moindres détails. L'incident aurait été mineur si 125 000 locataires n'avaient pas été visés. Ces informations, à l'ordinaire d'accès restreint, étaient connues d'un nombre important de salariés de Paris Habitat.
Qui sont les responsables ? Paris Habitat qui a fait preuve de négligence et de désintérêt envers ses locataires ? La municipalité de Paris qui n'a pas sû veiller au bien de ses administrés ? Y a-t-il eu des sanctions ? Une simple mise en demeure pour Paris Habitat qui a essayé de se dédouaner en minimisant l'importance du phénomène tout en tentant de rassurer l'opinion publique avec des déclarations.
Si la CNIL a rendu public son rapport c'est que les faits étaient d'une extrême gravité. Pire encore, ceux touchés étaient les plus modestes, dont les ressources ne pouvaient permettre une action judiciaire.
Le gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, dispose du pouvoir nécessaire pour mettre fin à ces pratiques afin qu'elles ne réapparaissent jamais plus. Si la situation ne change pas, la gauche, aujourd'hui au pouvoir dans toutes les instances de la République, sera la seule responsable par son inaction.
À la demande du maire, un audit externe a été demandé par Paris Habitat. Le rapport était attendu mi-mars. Paru mi-mai il affirme que l'ensemble des causes des écarts mis en lumière par la CNIL a été identifié et que la loi est aujourd'hui respectée. Il insiste sur le fait que la désignation dans les prochains mois d'un correspondant à la protection des données à caractère personnel participera à la pérennisation de cette conformité.
Il lui demande quand et selon quelle procédure ce correspondant sera nommé et si des audits ont été réalisés au sein des services de tous les bailleurs sociaux dépendant de la ville de Paris, afin que ce genre de dérives ne survienne plus.
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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 10/07/2013
Réponse apportée en séance publique le 09/07/2013
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, au mois de février 2012, la CNIL a mis en lumière un fichage massif par Paris Habitat, l'office HLM de Paris, de 125 000 locataires, avec des annotations à caractère privé particulièrement graves : « alcoolique », « chômeur en fin de droits », « séropositif », « n'est pas de nationalité française », « sous chimiothérapie ». Ce fichier pour le moins curieux a été dénoncé par la CNIL.
Nous avons évoqué cette situation à plusieurs reprises, notamment à l'occasion d'une séance de questions d'actualité, voilà un an, pour savoir ce que le Gouvernement comptait faire. À chaque fois, il nous a été répondu que l'affaire suivait son cours.
Aujourd'hui, un an près, je souhaiterais savoir où l'on en est. Un audit devait être réalisé, et je sais qu'une remise en ordre technique a été opérée sur le logiciel. Pour autant, où sont les responsabilités ? Quelles suites le Gouvernement a-t-il donné à cette découverte d'un fichage massif des locataires parisiens, parmi les plus faibles de nos concitoyens, qui ont rarement la possibilité de se défendre ?
Je sais que vous allez m'apporter une réponse technique, mais, au-delà, je voudrais savoir quelle est réellement l'action du Gouvernement pour protéger les plus faibles, pour éviter que ce genre de dérive ne se reproduise et, surtout, pour définir les responsabilités. A-t-on mis la poussière sous le tapis ou a-t-on véritablement recherché les responsables de ce fichage massif ? Madame la ministre, tel est le sens de ma question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, les manquements relevés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, en décembre 2011, lors de sa mission de contrôle du système informatique de Paris Habitat, n'avaient pas de caractère généralisé, puisqu'il s'agissait de cas très isolés d'enregistrements non pertinents, réalisés sans qu'aucune instruction ait été donnée.
En outre, Paris Habitat a engagé un travail de fond afin de répondre aux attentes de la CNIL. Ce travail a été présenté à cette dernière dans un mémoire en réponse, qui a d'ailleurs donné lieu à plusieurs réunions avec les services de la commission et a traduit en engagements concrets la mise en uvre de cette démarche. Parmi ces engagements, figurait la nomination d'un correspondant informatique et libertés, devenue effective le 8 juillet 2012, en application des procédures définies par la CNIL. Le correspondant exerce sa fonction avec l'indépendance et l'autonomie d'action requises, en cohérence avec son statut.
La réalité de la mise en uvre de ces engagements a pu être vérifiée lors de contrôles réalisés par les services de la CNIL. En effet, par courrier du 19 juillet 2012, la présidente de cette commission a décidé de procéder à la clôture de la mise en demeure de Paris Habitat. Dans ce courrier, elle a pris acte des mesures prises par Paris Habitat et noté que, dans certains domaines, les mesures prises « vont au-delà de ce qui était exigé dans la mise en demeure ».
En tout état de cause, le maire de Paris a écrit dès le 3 février 2012 aux présidents des trois autres organismes liés à la Ville de Paris, en leur demandant, d'une part, de vérifier sans délai la stricte conformité de leurs pratiques en matière d'enregistrement des données personnelles et, d'autre part, de présenter à leur prochain conseil d'administration les mesures mises en uvre pour garantir le respect de la loi. La Régie immobilière de la ville de Paris, ou RIVP, la Société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, ou SIEMP, et la Société de gérance des immeubles municipaux, ou SGIM, devenue ELOGIE, les trois autres organismes concernés, ont réagi très rapidement et indiqué notamment que leurs gardiens n'avaient pas accès au système de gestion.
Des précisions ont été apportées, en particulier en termes de conservation des données et de vigilance rappelée aux équipes quant à l'utilisation, dans les applications de gestion, des éventuels champs libres réservés aux commentaires. Une présentation des mesures existantes a également eu lieu lors des conseils d'administration de ces trois organismes.
Enfin, à la suite du traitement de ce dossier, la CNIL a engagé une concertation nationale avec les acteurs du logement social. « Consciente des problèmes que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux » - ce sont ses propres termes - dans l'application de la loi de 1978, la CNIL souhaite faire évoluer sa norme simplifiée et proposer un « pack de conformité », tenant compte des évolutions du métier de bailleur social requises par l'évolution des politiques publiques.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, votre réponse portait sur les mesures prises dans le champ de compétence de la CNIL et la mise en conformité du logiciel de Paris Habitat. Finalement, si je comprends bien, personne n'est responsable ni coupable du fichage des locataires parisiens.
Sur le plan de la justice, le Gouvernement devrait savoir ce qui s'est passé. La direction de l'entreprise était-elle à l'origine des faits reprochés, ou s'agissait-il de phénomènes isolés résultant d'initiatives individuelles ? Un an après, nous n'en savons toujours rien !
Des instructions ont été données, on a prétendument réagi pour que de tels actes ne se reproduisent plus, mais aucune suite n'a été donnée à cette affaire. En réalité, on a voulu masquer cette action dérangeante. Un organisme public d'HLM gérant 120 000 locataires procède à un fichage individuel de ceux-ci, et il ne se passe rien ! Pour autant, vous prétendez tenir un discours d'exemplarité, en particulier aux jeunes, dans le domaine du numérique, des fichiers et du traitement des données.
Votre réponse est faible, madame la ministre - ce n'est d'ailleurs pas la vôtre, mais celle du Gouvernement. Normalement, le ministre de la justice et le ministre de l'intérieur ont été informés, mais, en réalité, le problème est éludé et on fait en sorte que rien ne se passe !
Je ne peux donc pas me satisfaire de votre réponse.
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