Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 19/07/2012

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le respect du droit à l'image des détenus dans les établissements pénitentiaires.

Tourné en milieu carcéral, le film de Catherine Rechard, « Le déménagement », a fait l'objet d'une convention préalable entre les producteurs et l'administration pénitentiaire. Ce documentaire s'intéresse à la vie en détention sur fond du transfert des détenus d'une ancienne prison de centre ville à un nouveau centre pénitentiaire. Ce film s'est attaché à respecter la parole des personnes filmées qui ont choisi en toute connaissance de cause de s'exprimer à visage découvert. Or, une fois le montage achevé, l'administration pénitentiaire s'est opposée à la diffusion du film sans floutage des visages à la télévision - tout en l'autorisant dans les festivals et les cinémas.

Pour justifier sa position, le ministère de la justice et des libertés renvoyait tout d'abord au premier alinéa de l'article 41 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, selon lequel « les personnes détenues doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification ». Or les autorisations ont été délivrées à la réalisatrice par chacun des prisonniers. Il s'agit ici d'un droit fondamental de la personne sur son image.

Puis, l'institution précise que « l'administration pénitentiaire peut s'opposer à la diffusion ou à l'utilisation de l'image ou de la voix d'une personne condamnée, dès lors […] que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion de la personne concernée » (second alinéa de l'article 41).

L'administration pénitentiaire, qui invoque ce dernier motif, serait dans l'obligation de veiller au respect du droit à l'oubli de la personne condamnée qui, à sa sortie de prison, doit pouvoir trouver un emploi, un logement, reprendre une vie familiale normale. Une diffusion à la télévision du documentaire ne permettrait pas le respect de ce droit à l'oubli, sauf si l'anonymat est respecté.

L'argument peut surprendre. Il est hasardeux d'établir cette différence de régime pour le cinéma et la télévision alors que le public est le même. De plus, de tels témoignages ne semblent pas nuire à la réinsertion des ex-prisonniers, si on se fie à l'autorisation laissée au service public télévisuel de diffuser fréquemment des reportages et émissions très suivies sur des affaires judiciaires en cours et sans aucun anonymat.

Cette application démesurée du second alinéa de l'article 41 ne garantit pas pleinement la liberté d'expression et le droit à l'image des détenus, protégés malgré eux et maintenus dans une sorte d'incapacité. Si le respect de la dignité de la personne humaine est bien une composante de l'ordre public dans la jurisprudence administrative, il n'en reste pas moins que le droit à la dignité et le droit d'expression sont des droits fondamentaux et inaliénables - garantis notamment par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - qui ne sont pas retirés aux personnes détenues.

En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures elle entend prendre pour que l'administration pénitentiaire accorde une place plus importante à la parole des personnes dont elle a la charge et faire en sorte que l'article 41 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 soit appliqué avec un souci de garantir pleinement le droit à l'expression des personnes détenues afin d'éviter que les décisions pour la diffusion d'images de personnes détenues à visage découvert soient interdites par l'administration pénitentiaire.

- page 1641

Transmise au Ministère de la justice


La question est caduque

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