Question de Mme MEUNIER Michelle (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 12/07/2012

Mme Michelle Meunier demande à M. le Premier ministre d'intervenir sur la situation difficile rencontrée par 600 familles françaises ayant adopté, en 2009 et 2010, des enfants nés en Haïti et qui se voient refuser la conversion du jugement haïtien en adoption plénière en France. Cette situation concerne également 200 familles ayant adopté en Ethiopie.
Haïti ne prononce qu'une seule forme d'adoption, à mi-chemin entre l'adoption simple et l'adoption plénière. La loi haïtienne sur l'adoption prévoit que « dans sa nouvelle famille, l'adopté a les mêmes droits et les mêmes obligations que ceux résultant d'une filiation biologique, légitime ou naturelle ».
Haïti prévoit aujourd'hui de faire évoluer son dispositif législatif, pour reconnaître l'adoption simple et l'adoption plénière. Jusqu'ici, les adoptions étaient prononcées par les tribunaux d'Haïti en faveur des familles étrangères avec un document complémentaire notarié signé de-s parent-s biologique-s donnant leur accord irrévocable pour que l'adoption devienne plénière en France. Ce document était ensuite légalisé par le ministère de la justice haïtien ou une autre autorité. Les parents adoptifs obtenaient un jugement d'adoption plénière auprès de leur tribunal de grande instance (TGI) conformément à la loi n° 2001-111 du 6 février 2001. Une circulaire du garde des sceaux du 22 décembre 2010 adressée aux procureurs prend prétexte de ce que les autorités haïtiennes auraient décidé de ne plus légaliser la signature des notaires sur les consentements, pour leur demander d'opposer un avis défavorable aux requêtes des familles de conversion en adoption plénière. Cela, sans délais de prévenance et y compris pour les adoptions déjà engagées. La plupart de ces familles ont découvert ce changement de pratique quand les procureurs ont émis les avis défavorables à leur requête en conversion. Certaines ont pu, malgré tout, obtenir une adoption plénière, d'autres une adoption simple car les pratiques des différents TGI français ont été différentes. Un collectif de parents a rapidement alerté les autorités françaises demandant l'ouverture de discussions pour débloquer cette situation.
Deux ans après le séisme du 12 janvier 2010 qui a plongé le pays dans des difficultés extrêmes, il nous faut maintenant avancer vers le règlement de ces centaines de situations. Car tant que l'adoption plénière n'est pas prononcée ou que le refus fait l'objet d'un appel, l'enfant n'est pas inscrit dans sa filiation francaise. Cet enfant n'a pas les mêmes droits que ses frères et soeurs le cas échéant. L'adoption simple ne lui offrira pas les mêmes droits qu'une adoption plénière (nom de famille, irrévocabilité, accès à la nationalité des parents, liens avec la famille élargie, héritage, etc). Il est dans une situation juridique fragile en cas de décès des parents ce qui est arrivé récemment à deux enfants dont les deux parents sont décédés.
Ce sont les raisons pour lesquelles les familles exigent l'obtention d'une adoption plénière car tel était leur projet initial et telle est la pratique en matière d'adoption internationale (moins de 2 % d'adoptions simples ont été prononcées en France en 2007 dans le cadre d'une adoption transnationale). Par ailleurs, ces recours judiciaires sont très coûteux pour les familles.
Jamais l'adoption internationale n'a été confrontée à un problème de cette ampleur. Elle sollicite donc la réunion du Comité interministériel à l'adoption placée sous l'autorité du Premier ministre afin d'engager un dialogue avec les autorités judiciaires françaises pour réexaminer la circulaire de 2010 en bonne entente avec les autorités haïtiennes afin d'inscrire ces enfants dans leur filiation définitive.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/03/2013

Seule l'adoption simple est prévue par le droit positif haïtien. Cependant, un jugement prononçant une telle adoption peut être converti par les juridictions françaises, conformément aux dispositions de l'article 370-5 du code civil, en adoption plénière de droit français, lorsque le consentement des parents de naissance ou du représentant légal a été donné de manière libre et éclairée et en pleine connaissance de cause quant à la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant. Conformément au droit international public, ce consentement doit être légalisé, Haïti n'étant lié ni par la convention de La Haye relative à l'apostille du 5 octobre 1961, ni par une convention bilatérale avec la France dispensant les actes publics de cette formalité. Or, depuis la fin de l'année 2009, les candidats à l'adoption sont informés que le commissaire du gouvernement haïtien a enjoint aux autorités de ne plus recevoir de consentements à l'adoption plénière et le cas échéant, de refuser de légaliser de tels consentements, au motif que cette forme d'adoption est contraire au droit haïtien. À cet égard, par un arrêt du 4 juin 2009, la Cour de cassation a précisé que le non-respect de l'exigence de légalisation suffit à refuser de reconnaître en France tout effet à un acte étranger, étant précisé que cette exigence doit être pareillement observée pour un consentement donné par acte authentique. La Cour de cassation a rappelé cette position dans l'avis qu'elle a rendu le 4 avril 2011 ainsi que dans l'arrêt du 23 avril 2012 concernant l'absence de légalisation des actes de consentement à l'adoption établis en Haïti. L'ensemble de ces exigences légales a d'ailleurs été rappelé aux procureurs généraux dans le cadre d'une dépêche du 22 décembre 2010, afin que les procureurs de la République prennent des réquisitions adaptées et, le cas échéant, qu'ils interjettent appel des décisions qui ne seraient pas conformes à ces principes, dans un souci d'uniformisation de la jurisprudence sur l'ensemble du territoire. En effet, il convient de ne pas omettre que l'adoption, et ici la conversion de l'adoption simple en adoption plénière, n'est pas de droit et qu'en matière internationale, elle ne peut être prononcée au mépris des règles posées par l'État d'origine des enfants. Au surplus, il est important de rappeler que l'adoption simple permet l'intégration de l'enfant dans sa famille. Les parents, pleinement investis de toutes les prérogatives à l'égard de leur enfant, peuvent notamment lui donner leur nom ou souscrire pour son compte une déclaration de nationalité française. L'accès à la nationalité française rend l'enfant adoptable, y compris en adoption plénière si les conditions prévues par le droit français sont remplies.

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