Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 26/07/2012

M. Jacques Mézard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la situation de la collecte de lait dans le département du Cantal.

Il lui rappelle que depuis 2003, la filière laitière française a subi de profondes modifications dans la perspective de la suppression des quotas en 2015. Ces transformations incluent l'abandon des mesures d'intervention et l'augmentation progressive du quota européen. Parallèlement, la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a mis en place la contractualisation, destinée à établir un équilibre grâce aux négociations engageant les producteurs et les industriels.

Ces négociations sont pourtant loin d'aboutir au résultat escompté dans le Cantal. C'est ainsi que la société laitière Dischamp a notifié au printemps dernier à plus de 90 producteurs laitiers du Cantal, engagés ou non dans une démarche AOP, l'arrêt de la collecte à la fin de la campagne laitière en cours, soit le 31 mars 2013. Cette annonce est intervenue alors même que l'entreprise concernée ne paraît pas connaître de difficultés économiques particulières, laissant présumer qu'il s'agirait d'imposer un rapport de force pour faire baisser les prix. Plus largement, elle est symptomatique du contexte de crise que connaît le secteur laitier dans le département, avec les problèmes rencontrés au sein d'autres groupes.

Ces éléments tendent à démontrer que la contractualisation n'apporte pas aux producteurs de lait la sécurité attendue dans un marché libéralisé. De surcroît, la situation excédentaire actuelle du marché français et européen impose une recherche aussi active qu'incertaine de nouveaux débouchés. Dans ces conditions, la pression à la baisse du prix du litre de lait ne pourra que fragiliser un peu plus les producteurs, en particulier dans le Cantal, voire même remettre en question l'avenir de leurs exploitations. Or, seule la maîtrise des volumes serait en mesure d'assurer aux producteurs des prix rémunérateurs.

En conséquence, il lui demande de quelle façon le Gouvernement entend s'impliquer sur cette question pour garantir un cadre sécurisé aux producteurs du Cantal, en particulier dans la perspective du maintien d'instruments de régulation dans le cadre de la PAC 2014-2020.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 26/09/2012

Réponse apportée en séance publique le 25/09/2012

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, comme vous le savez, la filière laitière française a subi depuis 2003 de profondes modifications dans la perspective de la suppression des quotas laitiers en 2015. Ces transformations incluent l'abandon des mesures d'intervention et l'augmentation progressive du quota européen. Parallèlement, la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a mis en place la contractualisation, destinée à établir un équilibre grâce aux négociations engageant les producteurs et les industriels.

Ces négociations sont pourtant loin d'aboutir au résultat escompté, en particulier dans le département du Cantal que je représente. C'est ainsi que la société laitière Dischamp, l'un des plus gros industriels laitiers de toute la région du Massif central, a notifié au printemps dernier à plus de 90 producteurs laitiers du Cantal, engagés ou non dans une démarche d'appellation d'origine protégée, l'arrêt de la collecte à la fin de la campagne laitière en cours, soit le 31 mars 2013.

Cette annonce est intervenue alors même que l'entreprise concernée ne paraît pas connaître de difficultés économiques particulières, ce qui laisse présumer qu'il s'agirait d'imposer un rapport de force pour faire baisser les prix. Plus largement, elle est symptomatique du contexte de crise que connaît le secteur laitier dans le département, et, disant cela, je pense notamment aux problèmes rencontrés au sein d'autres groupes.

Monsieur le ministre, il est inutile de préciser que notifier à 90 exploitants l'arrêt pur et simple de la collecte - cela représente pour certains d'entre eux plusieurs centaines de milliers de litres de lait - revient à les plonger, eux et leurs familles, dans une angoisse totale. En effet, si aucune solution n'est trouvée rapidement, notamment pour assurer la commercialisation de leur production, ils seront inéluctablement condamnés à la faillite.

Ces éléments tendent à démontrer que la contractualisation n'apporte pas aux producteurs de lait la sécurité attendue dans un marché libéralisé. De surcroît, la situation excédentaire actuelle des marchés français et européen impose une recherche aussi active qu'incertaine de nouveaux débouchés. Dans ces conditions, la pression à la baisse du prix du litre de lait ne pourra que fragiliser un peu plus les producteurs, en particulier dans les départements très ruraux, voire remettre en question l'avenir de leurs exploitations. Or la maîtrise des volumes est seule en mesure d'assurer aux producteurs des prix rémunérateurs.

En conséquence, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous indiquiez de quelle façon le Gouvernement entend s'impliquer sur cette question pour garantir un environnement sécurisé aux producteurs du Cantal, en particulier dans la perspective du maintien d'instruments de régulation dans le cadre de la politique agricole commune 2014-2020.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, vous avez évoquant la situation d'une collecte de lait dans votre département, vous avez mis en avant trois éléments.

Le premier point porte sur la question de la contractualisation qui, aujourd'hui, régit les relations entre producteurs et transformateurs. Vous le savez, j'ai demandé avant l'été un rapport : un certain nombre de conclusions en seront tirées en vue d'améliorer ce système de contractualisation et, en particulier, de renforcer la place, le poids et l'organisation des producteurs.

Le deuxième point, à mes yeux beaucoup plus important, est en rapport avec la situation géographique de votre département : la production laitière dans les zones de moyenne montagne. La sortie programmée des quotas laitiers, décidée dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune en 2008, pose un véritable problème de réorganisation de cette filière de production.

Je suis attaché au maintien de la production laitière dans les zones de moyenne montagne, car cette production constitue un enjeu en termes d'emplois et de valeur ajoutée pour l'agriculture des régions concernées.

Une réflexion devra être menée sur ce sujet avec l'ensemble des acteurs pour voir comment organiser, à l'échelon des régions et des départements, une production et une collecte dont les spécificités puissent être identifiées par les consommateurs.

Le troisième point est relatif à la régulation au niveau européen, qui est liée à la question des quotas et de leur suppression d'ici à 2015. Hier, au conseil des ministres de l'agriculture, j'ai évoqué pour la première fois mon idée d'une forme de « pacte de stabilité » des marchés agricoles. Je souhaite présenter un certain nombre de mesures pour que nous puissions, au niveau européen, régler les problèmes de production et d'offre, en particulier dans le secteur du lait, de manière plus coopérative, au lieu d'en rester au système actuel, qui exacerbe la concurrence. Une première proposition, sur laquelle il nous faudra travailler et progresser, a donc été présentée hier par le ministre de l'agriculture que je suis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je suis très heureux de vous entendre préciser vos objectifs. Nous ne pouvons que les partager, qu'il s'agisse de la contractualisation, du maintien de la production dans les territoires de moyenne montagne, dont on connaît les spécificités et les difficultés, ou de la régulation au niveau européen.

L'annonce de votre proposition d'un « pacte de stabilité » me paraît aller dans le bon sens. Mais elle ne permet pas de répondre aux difficultés immédiates rencontrées par les dizaines de producteurs de mon département, sans oublier que les mêmes problèmes se posent dans d'autres départements : au total, ce sont donc plusieurs centaines de personnes qui sont concernées.

Il est indispensable de trouver une solution pour toutes ces exploitations agricoles, dont certaines sont d'ailleurs de taille significative. L'échéance est fixée au 31 mars : il est urgent que le Gouvernement fasse pression sur les industriels pour les amener à prendre des mesures qui soient à la fois des mesures de justice et des mesures indispensables pour l'économie de nos territoires.

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