Question de M. MAZUIR Rachel (Ain - SOC) publiée le 26/07/2012

M. Rachel Mazuir attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les préoccupations de nombreuses associations et organismes publics suite à la publication du décret n° 2011-974 du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

S'il précise enfin les conditions d'attribution de l'AAH, il donne pour autant une définition trop restreinte de la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » et réduit trop fortement la durée d'attribution maximale.

Auparavant en effet, chaque maison départementale des personnes handicapées (MDPH) disposait d'une certaine marge de manœuvre pour apprécier cette notion, chez les personnes présentant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %. Désormais, il ressort que seul le handicap, sous son aspect médical, sera pris en compte.

Ce décret modifie en outre la durée d'attribution de l'AAH. Jusqu'à présent, elle était accordée pour une période de un an à cinq ans, quel que soit le taux d'incapacité du bénéficiaire. Or, pour certaines situations, principalement pour les personnes orientées en établissements et services d'aide par le travail (ESAT), cette restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est définitive. Le fait que l'AAH ne puisse être accordée que sur deux ans maximum alors que l'orientation médico-sociale en ESAT l'est sur cinq ans, engendrera une augmentation très sensible du nombre de dossiers à traiter pour les MDPH, et un risque fort de rupture de droits et d'oubli pour les usagers.

Par conséquent il souhaite savoir si le Gouvernement entend revenir sur les dispositions de ce décret et porter de nouveau à cinq ans cette durée d'attribution de l'AAH.

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Transmise au Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion


Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 21/11/2012

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2012

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 44, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

M. Jacques Berthou. Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses de mon collègue Rachel Mazuir, qui est retenu dans l'Ain.

Il a souhaité interroger le Gouvernement sur les difficultés d'application du décret du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH. Ce texte précise – enfin – les conditions d'attribution de l'AAH : le demandeur doit être atteint d'un taux d'incapacité permanent d'au moins 80 % ou compris entre 50 % et 79 % et « avoir une restriction substantielle et durable d'accès à un emploi, compte tenu du handicap ».

Or cette définition de la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » est trop restreinte.

Auparavant, en effet, chaque MDPH, ou maison départementale des personnes handicapées, disposait d'une certaine marge de manœuvre pour apprécier cette notion chez les personnes présentant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %.

Désormais, seul le handicap, sous son aspect médical, sera pris en compte.

En outre, ce décret modifie la durée d'attribution de l'AAH. Jusqu'à présent, elle était accordée pour une période d'un à cinq ans, quel que soit le taux d'incapacité du bénéficiaire. Or, dans certaines situations, principalement pour les personnes handicapées qui travaillent et ont été orientées en établissements et services d'aide par le travail, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est définitive.

Le fait que l'AAH ne puisse être accordée que pour deux ans maximum alors que l'orientation médicosociale en ESAT est acquise pour cinq ans provoquera une augmentation très sensible du nombre de dossiers à traiter pour les MDPH : les personnes concernées devront en effet constituer régulièrement un nouveau dossier pour pouvoir continuer de prétendre à l'AAH.

Cette situation augmente les risques de rupture des droits pour les usagers, qui seront donc relancés par les MDPH six mois avant l'expiration du délai des deux ans, ce qui entraînera une surcharge de travail et des frais supplémentaires importants.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il serait souhaitable que le Gouvernement puisse revenir sur les dispositions arrêtées dans ce décret et porter de nouveau à cinq ans la durée d'attribution de l'AAH.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, ne doutant pas que vous me remplacerez avantageusement, je vous charge de transmettre mes propos à votre collègue Rachel Mazuir.

En 2010 et 2011, la Direction générale de la cohésion sociale a développé une importante concertation avec l'ensemble des associations de personnes handicapées. Cette concertation a débouché, en août 2011, sur la publication d'un décret précisant les critères permettant de reconnaître une « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi », notion introduite par la loi de finances pour 2007.

Le décret précise la notion de « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi », condition nécessaire, vous l'avez rappelé, de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés pour les demandeurs dont le taux d'incapacité reconnu par la MDPH est égal ou supérieur à 50 % mais inférieur à 80 %.

Ce texte rappelle que la restriction substantielle et durable peut être évolutive en fonction de nombreux facteurs, propres à la situation du demandeur, médicaux notamment, ou extérieurs à celle-ci, comme les moyens de compensation du handicap.

Par ailleurs, la circulaire qui l'accompagne a permis de diffuser un outil concret d'aide à la décision, qui est aujourd'hui partagé et reconnu par l'ensemble des membres des CDAPH, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, de nombreuses MDPH.

Vous regrettez que cette définition limite les marges de manœuvre des MDPH. Cependant, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et plusieurs institutions de contrôle, comme l'Inspection générale des affaires sociales ou la Cour des comptes, ont pu constater des disparités territoriales en matière d'attribution de l'AAH par les CDAPH. À ce propos, la CNSA, dans un rapport de juillet 2009, a conclu que, une fois gommées les différences socioéconomiques et démographiques entre départements, environ un tiers des écarts demeurent inexpliqués.

On peut donc conclure, en effet, à des différences de pratiques d'instruction ou d'interprétation des textes selon les territoires. Les écarts d'attribution peuvent ainsi varier d'un à quatre en ce qui concerne les taux d'accord par rapport aux demandes d'AAH déposées.

La plus grande fréquence d'examen des situations individuelles doit permettre de réduire ces écarts, donc d'améliorer l'égalité de traitement devant une prestation décisive pour la qualité de vie des personnes concernées.

Vous rappelez en outre que le décret d'août 2011 fixe une durée d'attribution de l'AAH comprise entre un et deux ans, contre cinq ans auparavant. Cette modification normative a pu entraîner localement une augmentation de la charge de travail des MDPH, mais elle est la conséquence directe des constats effectués par les maisons départementales elles-mêmes.

Il faut en effet rappeler que, selon les chiffres de la CNSA publiés en 2012, les demandes d'AAH ne représentaient que 16,5 % des demandes formulées par des adultes en situation de handicap, étant entendu qu'un nombre important de demandes reçues en MDPH concerne des enfants. En outre, on a constaté dans un nombre important de départements que la durée moyenne d'attribution de l'AHH au titre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale avant la réforme était seulement très légèrement supérieure à deux ans.

D'une manière générale, l'intérêt de la réforme réside dans la possibilité laissée aux CDAPH d'évaluer beaucoup plus fréquemment la situation de la personne. Cela permet d'adapter en conséquence les mesures d'accompagnement socioprofessionnel prises par la commission et par ses partenaires du service public de l'emploi de manière à éviter tout risque d'exclusion durable du monde du travail. Le principe d'une évaluation plus fréquente de l'employabilité des personnes handicapées est donc en soi bénéfique, y compris pour les bénéficiaires de l'AAH orientés en ESAT.

Enfin, la durée d'orientation en ESAT, de cinq ans maximum, n'est pas conditionnée par l'octroi de l'AHH, les deux décisions étant de nature différente.

Les services déconcentrés de la cohésion sociale et les équipes pluridisciplinaires des MDPH ont été formés parallèlement par la Direction générale de la cohésion sociale et par la CNSA, entre octobre 2011 et mars 2012, sur les conséquences de l'évolution normative de l'AAH, en particulier sur la notion de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

À ce jour, le bilan est positif et des échanges fructueux ont pu s'établir entre les services de l'État et les MDPH afin de parvenir à une connaissance partagée et une approche commune de la restriction substantielle et durable dans une très grande majorité de départements.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement n'entend donc pas revenir sur les dispositions du décret du 16 août 2011, qui avaient fait l'objet, bien sûr, de nombreuses contestations, mais aussi d'une véritable concertation avec l'ensemble des associations de personnes handicapées.

Naturellement, le Gouvernement reste attentif aux éventuelles difficultés que pourrait poser son application, et je serai moi-même particulièrement vigilante.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Madame la ministre, je vous remercie de ces nombreuses précisions. En effet, l'interprétation de ces dispositions par les MDPH pouvait aboutir à des inégalités selon les départements. Nous sommes assurés aujourd'hui de votre vigilance à faire en sorte qu'il y ait moins d'interprétations différentes et que les décrets soient plus précis.

Vous le savez, les conseils généraux rencontrent beaucoup de difficultés et toute entrave supplémentaire ne fait qu'accroître la charge de travail quotidienne. Or les MDPH ont de moins en moins de moyens pour assurer leurs missions. Les outils mis à leur disposition sont limités.

Dans l'Ain, par exemple, la MDPH a perdu le dispositif Appui projet, mis en place par l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, afin d'examiner les capacités de travail et la mise en situation professionnelle. Désormais, seuls les services de Pôle emploi, Cap emploi ou les missions locales pourront les mobiliser, alors même que ces services sont très limités et souvent surchargés.

Les personnes handicapées à la recherche d'un travail seront encore plus touchées et ne pourront plus bénéficier d'un suivi rapproché de leurs demandes d'emploi. Il s'agit pourtant des principales victimes du chômage, celles qui auraient justement besoin de plus de soutien dans leurs démarches.

Il faut donc faire en sorte, madame la ministre, que tous les moyens nécessaires soient accordés afin de faciliter la tâche des MDPH et des conseils généraux.

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