Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 12/07/2012

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la non-conformité de certains points de la législation française du travail avec la charte sociale européenne, texte signé et ratifié par notre pays. Les non-conformités portent sur les deux points suivants : d'une part, les salariés (cadres et non-cadres) subissent des durées de travail excessives et ne bénéficient pas du paiement d'heures supplémentaires ; d'autre part, les salariés peuvent se retrouver en situation d'astreinte pendant leur temps de repos. Les décisions du Comité européen des droits sociaux s'imposent à la France, ce qui devrait avoir pour conséquence la modification des dispositions législatives relatives au temps de travail. Ce non-respect de la charte sociale européenne par les entreprises dans le domaine du temps de travail, du droit au repos, du paiement des heures supplémentaires peut entraîner des condamnations importantes. En conséquence, il lui demande s'il ne juge pas opportun d'envisager de modifier la législation du travail afin de la mettre en conformité avec la charte sociale européenne.

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 29/11/2012

Le Comité européen des droits sociaux a conclu que la situation de la France n'était pas conforme à l'article 2 § 1 de la charte sociale européenne révisée au motif que la durée hebdomadaire de travail autorisée pour les cadres dans le système d'annualisation des jours de travail est excessive et que les garanties juridiques offertes par le système des conventions collectives sont insuffisantes. Depuis la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, la situation des cadres a été traitée en France avec une attention toute particulière. Comme cela avait été rappelé en 2009 par le 9e rapport national sur l'application de la charte sociale européenne révisée soumis par le gouvernement français au Comité européen des droits sociaux au titre du cycle 2010, des règles claires ont été posées afin d'encadrer le temps de travail des cadres et, surtout, de leur permettre de bénéficier de la réforme de la réduction du temps de travail dont bénéficie l'ensemble des salariés. Afin de tenir compte de leur situation et de l'accomplissement structurel d'heures supplémentaires, la loi a introduit la possibilité de conclure des conventions de forfait, en heures, sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, ou en jours, sur une base annuelle. Cette législation répond à la réalité de l'autonomie et du mode de travail de certains cadres et leur permet de bénéficier réellement de la réduction du temps de travail par l'octroi de jours de repos libérés. Afin d'apporter une protection suffisante en termes de santé à ces salariés, la loi prévoit qu'ils doivent bénéficier d'un repos quotidien de 11 heures et d'un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives. La loi pose ainsi une limite, de fait, de six jours de travail par semaine, sachant qu'en principe, le nombre de jours par an ne peut dépasser 218. Ce plafond a été fixé en tenant compte, outre du repos hebdomadaire, des cinq semaines de congés payés et de journées de repos supplémentaires. Ce dispositif du forfait en jours ne peut être mis en place que par voie d'accord collectif définissant les catégories de salariés susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait en jours, le nombre de jours travaillés et les caractéristiques principales de ces forfaits (par exemple les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées ou les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos). Les conventions individuelles de forfait en jours, nécessairement écrites, s'inscrivent dans ce cadre. Le législateur a en outre prévu un entretien individuel avec chaque salarié organisé par l'employeur et portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié. La loi du 20 août 2008 a également prévu que le comité d'entreprise soit obligatoirement consulté chaque année sur le recours aux conventions de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés. Ainsi, les modalités de suivi de la charge de travail sont examinées par un organisme de représentation du personnel dans l'entreprise, donc au plus près des salariés. Les salariés au forfait en jours n'entrent pas - par construction - dans le champ d'application de la législation sur les heures supplémentaires dans la mesure où leur temps de travail est calculé en jours et non en heures. Ainsi, à la différence du forfait en heures dont le principe est d'intégrer au salaire un nombre d'heures supplémentaires prédéterminé, celui du forfait en jours est de prévoir un salaire tenant compte de la charge de travail, des responsabilités et des sujétions imposées au salarié sans se référer à une base horaire exprimée en heures. Les conventions collectives, l'accord d'entreprise ou l'employeur prennent en compte ces différents éléments ainsi que les sujétions induites par ce type particulier d'aménagement du temps de travail pour déterminer le montant du salaire du cadre en forfait jours, montant qui figure généralement dans les catégories supérieures de rémunération. Par ailleurs, le code du travail prévoit qu'un salarié au forfait en jours peut saisir le juge judiciaire s'il estime sa rémunération sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées. Une indemnité, calculée en fonction du préjudice subi, lui sera alors allouée. Il sera tenu compte dans ce calcul du niveau de salaire pratiqué dans l'entreprise correspondant à sa qualification. Pour les jours de repos auxquels les salariés en forfait jours ont la faculté de renoncer et qui constituent du travail supplémentaire, la loi garantit une rémunération majorée d'au moins 10 %. La rémunération équitable est donc bien assurée par ces dispositions qui appliquent le principe de majoration de la rémunération pour tout travail supplémentaire. S'agissant des astreintes, le Comité européen des droits sociaux relève que pendant une astreinte le salarié est tenu de rester à la disposition de l'employeur pour accomplir, si ce dernier le requiert, une prestation de travail. Cette obligation empêche le salarié de se consacrer à des activités relevant de son libre choix. En conséquence, le Comité considère que l'absence de travail effectif ne constitue pas un critère suffisant d'assimilation de cette période à une période de repos. Le 9e rapport national sur l'application de la charte sociale européenne révisée soumis par le gouvernement français au Comité européen des droits sociaux a rappelé que le code du travail définit l'astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. Exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est décomptée dans les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Les astreintes sont mises en place par des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement, qui en fixent le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. Astreinte et temps de repos sont deux notions compatibles. En effet, hors périodes d'intervention qui sont bien évidemment qualifiées en temps de travail, le salarié peut vaquer librement à ses occupations, à son domicile ou à proximité. Il est indéniable en revanche que l'astreinte ne constitue pas une forme de repos comme les autres. Aussi le recours à l'astreinte est-il encadré par des dispositions très strictes : l'astreinte doit être mise en place par accord collectif, elle suppose le respect absolu des repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que l'octroi aux salariés concernés des contreparties financières ou sous la forme de repos supplémentaires, définies par accord collectif, ou, à défaut, par l'employeur. La circulaire DRT 2003-06 du 14 avril 2003 précise que lorsqu'une intervention a lieu pendant la période d'astreinte et que le salarié n'a pas encore bénéficié de la totalité des périodes de repos minimales prévues par le code du travail, celles-ci doivent être entièrement données à l'issue de l'intervention. L'ensemble de ces éléments sont de nature à garantir, conformément aux principes posés par la charte sociale européenne révisée, le droit à des conditions de travail équitables des salariés en forfaits jours et des salariés en régime d'astreinte. Il convient enfin de rappeler qu'à la suite de la réclamation collective introduite par la CGT sur ces deux questions, la résolution du comité des ministres, en date du 6 avril 2011, au vu du rapport remis par le Comité européen des droits sociaux et des réponses de la France, « prend note de la déclaration du gouvernement défendeur et des informations qu'il a communiquées au sujet de la décision du Comité européen des droits sociaux et appelle de ses vœux que la France fasse état lors de la présentation du prochain rapport relatif aux dispositions pertinentes de la charte sociale européenne révisée de tout nouvel élément dans la mise en œuvre de la charte sociale européenne révisée ».

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