Question de M. PATIENT Georges (Guyane - SOC-A) publiée le 12/07/2012
M. Georges Patient attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les relations transfrontalières entre la France et le Brésil. Les échanges entre les habitants des villes de Saint-Georges de l'Oyapock, en Guyane et d'Oiapoque au Brésil sont devenus de plus en plus tendus en raison de contrôles de police difficiles sur la rive guyanaise. Or, ces populations riveraines ont depuis toujours entretenu des relations étroites de divers ordres tant économiques, sociaux, culturels que familiaux. L'ouverture du pont de l'Oyapock prévue prochainement a engendré un accroissement des forces de la police aux frontières et conséquemment une hausse des contrôles des habitants d'Oiapoque à Saint-Georges ; des contrôles vécus comme de véritables humiliations par nos voisins brésiliens. Il faut rappeler que la Guyane est le dernier territoire français où les Brésiliens sont soumis à l'obligation de visas, alors que les Guyanais peuvent entrer au Brésil sans visa. Cette situation, liée à la réelle pression migratoire, a conduit le Brésil à envisager l'instauration d'un visa pour les Guyanais voulant aller au Brésil.
À l'aube de l'ouverture du pont de l'Oyapock, il est nécessaire d'améliorer la circulation des riverains et de définir un statut de transfrontalier afin de jeter de bonnes bases pour le développement de la coopération transfrontalière entre la Guyane et l'état d'Amapa. Il souhaiterait donc savoir les dispositions que compte prendre le Gouvernement pour améliorer ces relations transfrontalières.
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Réponse du Ministère chargé des Français de l'étranger publiée le 21/11/2012
Réponse apportée en séance publique le 20/11/2012
M. Georges Patient. Madame la ministre, je tiens à attirer l'attention du Gouvernement sur les relations transfrontalières entre la France et le Brésil.
Depuis toujours, les habitants des villes de Saint-Georges-de-l'Oyapock, en Guyane, et d'Oiapoque, au Brésil, entretiennent des relations étroites d'ordre économique, social, culturel et familial, relations que l'isolement de ces deux villes a également renforcées.
Ces dernières années, deux événements sont venus effriter cette harmonie : d'une part, l'accès par la route à la commune de Saint-Georges-de-l'Oyapock, en 2003, qui a augmenté le flux de personnes transitant par les deux villes ; d'autre part, l'annonce et la construction du pont sur l'Oyapock, ce dernier symbolisant la volonté de la France et du Brésil d'établir une coopération efficace.
L'ouverture de ce pont a eu pour conséquence l'accroissement des forces de la police aux frontières, la PAF, ce qui a totalement bouleversé le quotidien des populations riveraines et a rendu leurs échanges de plus en plus tendus du fait de contrôles de police difficiles sur les deux rives.
Sur la rive guyanaise du fleuve, les Brésiliens qui avaient coutume de venir faire leurs courses et de voir leurs familles sont interpellés à leur débarquement, contrôlés, conduits au poste de la PAF. Certains sont même déshabillés et gardés pendant des heures avant d'être refoulés sans motif.
De la même manière, comme une sorte de représailles, il arrive que, sur la rive brésilienne, des Guyanais soient contraints de passer par le bureau de la police fédérale, afin que leurs passeports soient tamponnés, ce qui n'était jusqu'à présent pas l'usage : ils devaient seulement se présenter au poste de police à l'arrivée et au départ d'Oiapoque.
Je tiens à souligner que, si les Guyanais peuvent entrer au Brésil sans visa, les Brésiliens désirant se rendre en Guyane sont soumis à l'obligation de visa, ce qui n'est pas le cas s'ils veulent aller directement en France métropolitaine. Il s'agit là d'une situation spécifique à la Guyane, puisque c'est le dernier territoire français où cette pratique a cours !
Cet état de fait, lié à une pression migratoire réelle, a d'ailleurs conduit les autorités brésiliennes à envisager l'instauration d'un visa pour les Guyanais voulant se rendre au Brésil.
À la veille de l'ouverture du pont sur l'Oyapock, il est nécessaire d'améliorer la circulation des riverains et de définir un statut transfrontalier afin de jeter des bases favorables au développement de la coopération transfrontalière entre la Guyane et l'État d'Amapá.
Madame la ministre, qu'en est-il de ce statut maintes fois annoncé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser Laurent Fabius qui ne peut être présent au Sénat ce matin.
Le Gouvernement prête une attention toute particulière à la question de la circulation des personnes entre les deux rives de l'Oyapock, notamment dans la perspective de l'inauguration du pont en 2013.
En 2011, les Brésiliens ont rappelé leur position de principe sur la réciprocité en matière de circulation des personnes. Ils demandent la suppression de l'exigence de visa pour leurs ressortissants à l'entrée de la Guyane, à l'occasion de l'ouverture de ce pont. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, pour des séjours de moins de trois mois, les ressortissants brésiliens peuvent entrer sans visa en France métropolitaine et dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer, excepté en Guyane.
Compte tenu des difficultés liées à l'immigration clandestine, la suppression des visas pour les ressortissants brésiliens entrant en Guyane ne peut être envisagée à ce stade. Toutefois, afin de ne pas pénaliser les populations riveraines, habituées à circuler entre les deux rives, la France et le Brésil ont décidé d'établir un régime de facilitation de la circulation de part et d'autre de l'Oyapock au bénéfice des frontaliers : seraient concernés les habitants des deux communes de Saint-Georges-de-l'Oyapock et d'Oiapoque pouvant attester d'un an de résidence dans ces localités. Des cartes de frontalier seraient établies au nom de ces habitants et permettraient le passage de la frontière sans autre formalité, c'est-à-dire en exemption de visa pour les frontaliers brésiliens. Le point de passage de la frontière serait situé au pont.
Pour ce faire, la France va modifier l'arrêté du 26 juillet 2011 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de prévoir une exemption de visas pour les résidents brésiliens bénéficiaires de ce régime de facilité de circulation transfrontière.
Par ailleurs, pour améliorer la circulation des personnes, nous avons ouvert une antenne consulaire à Amapá : le consul de France honoraire y délivre des visas depuis le 9 septembre 2011. Ce mode d'entrée des Brésiliens en Guyane pourrait représenter environ le tiers du total des accès d'ici à la fin de l'année 2012.
Dans nos discussions avec les autorités brésiliennes, nous sommes animés par la volonté de faire de ce pont un véritable trait d'union, favorisant la mise en place d'un espace partagé de développement économique et social, où serait assurée à terme la fluidité de circulation la plus ample possible.
La visite d'État de la présidente de la République fédérative du Brésil, Mme Dilma Rousseff, les 11 et 12 décembre prochain, doit être l'occasion d'avancer sur la mise en place des conditions de l'inauguration de ce pont : accords sur les transports routiers, les produits de subsistance sur la zone frontière, la sécurité civile, pour permettre aux secouristes des deux bords d'intervenir sur la zone frontière, et la création du Conseil du fleuve Oyapock.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. L'inscription de ma question à l'ordre du jour de cette séance tombe à point nommé, puisque je me suis rendu la semaine dernière à Saint-Georges-de-l'Oyapock et à Oiapoque en compagnie du président de la commission des affaires européennes du Sénat, Simon Sutour. Nous avons pu recueillir les témoignages de Mme le maire de Saint-Georges-de-l'Oyapock et de M. le préfet de la Guyane.
Nous nous réjouissons des avancées sur ce point. Néanmoins, la discussion porte surtout sur le fait que le pont est le seul passage autorisé. Les populations concernées se situent à plus de dix kilomètres de ce pont, et les transports se font habituellement en pirogue : les riverains sont donc déposés en plein milieu des deux villages. Il faudrait à mon avis prévoir, en plus du pont, un passage dans les centres-bourgs par les pirogues.
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