Question de Mme BOUCHOUX Corinne (Maine-et-Loire - ECOLO) publiée le 05/07/2012

Mme Corinne Bouchoux attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'affaire des œuvres classées MNR (Musées nationaux récupération) par la commission Matteoli.
En décembre 1998, la France a accepté le principe des « accords de Washington » en 11 points, qui portent sur la présence dans les collections publiques d'œuvres d'art au passé « flou » (œuvres spoliées durant la dernière guerre).
En France, le rapport Schulmann-Le Masne de Chermont, rédigé dans le cadre de la commission Matteoli, a établi un bilan complet et rigoureux des œuvres classées MNR. Le Conseil d'État a, dans un avis, jugé la situation « réglée » en ce qui concerne les tableaux. La CIVS (Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations) œuvre activement sur ce dossier mais pour les œuvres d'art l'information reste modeste.
Pour autant, quel est l'état exact des recherches de provenance engagées dans les collections publiques ces dix dernières années ? Quels sont les moyens en ETP (équivalents temps plein) financiers engagés et surtout les résultats de ces recherches ? Quelle est la situation en matière de collections de timbres, de sculptures et « mobiliers de jardin » et surtout d'ouvrages et de livres qui furent « incorporés » pour certains à la BNF (Bibliothèque nationale de France) et dont l'indexation semble avoir été refaite ?

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 04/10/2012

À la fin des années 1990, une équipe avait été constituée temporairement pour la réalisation de la base Internet présentant en ligne les œuvres classées MNR (Musées nationaux récupération), faisant suite aux propositions formulées par la Commission Matteoli, mais cette équipe avait été dispersée après la mise en ligne. Dans les années qui suivirent, une seule personne s'occupait des œuvres issues de la spoliation artistique, parmi d'autres responsabilités. Depuis 2008, un ETP est affecté à cette activité au sein du services des musées France (direction générale des patrimoines). Le ministère de la culture et de la communication peut donc mener à bien une politique dynamique et volontariste, et non une simple veille. C'est ainsi que le site mis en ligne au début des années 2000 a été repris et augmenté d'un environnement documentaire qui faisait gravement défaut et qui a encore vocation à s'enrichir progressivement. Le site a changé de nom pour devenir le « site Rose-Valland », afin de rendre hommage à cette grande résistante, grâce à laquelle de nombreuses restitutions ont été possibles après la guerre. La mise en ligne du « Répertoire des Biens Spoliés » - ouvrage en 10 volumes publié en 1947 1949, qui recense les quelque 85 000 demandes de restitutions présentées après guerre auprès de la Commission de récupération artistique (CRA) - et d'une étude sur de précieux négatifs de vues de salles du Jeu de Paume montrant les œuvres visibles sur les clichés, constituent des apports capitaux à la recherche déjà salués en France et à l'étranger. Dans le courant de 2012, le catalogue des MNR proprement dit va être réactualisé, tandis que la page d'interrogation se verra notamment enrichie d'une carte de France interactive, permettant une interrogation par lieux de dépôt. Une version du « site Rose-Valland » en langue anglaise est également à l'étude. La Commission d'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS), mise en place dans le sillage du rapport Matteoli, relève du Premier ministre ; elle a déjà traité d'innombrables demandes de dédommagement (plus de 25 000 depuis 2000). Les dossiers qui comportent des mentions d'œuvres d'art sont systématiquement transmis au service des musées de France pour une étude des œuvres mentionnées et peuvent nécessiter de longues recherches. Depuis 1951, il a été restitué une centaine de MNR. Les deux dernières restitutions effectuées par le ministère remontent à 2008 (une reliure persane de Hadith et un tableau de Matisse). Les demandes de restitutions de MNR actuellement en cours d'instruction portent sur une douzaine d'œuvres (sans préjuger de la suite qui sera réservée à ces demandes). Pendant l'Occupation, des dizaines de milliers d'œuvres (ou peut-être des centaines de milliers) sont passées sur le marché de l'art, vendues aux enchères à Paris, ou par des marchands qui poursuivent leur activité. Ces transactions, qui pouvaient avoir l'apparence de la légalité et de l'acte volontaire, tombent sous le coup de l'ordonnance du 12 novembre 1943, traduisant dans le droit français la déclaration internationale du 5 janvier 1943 les déclarant nulles, car susceptibles d'avoir été réalisées sous la contrainte de l'Occupant. C'est ce texte qui fonde encore aujourd'hui les demandes de restitution présentées par les personnes spoliées ou leurs ayants droit. C'est pourquoi le service des musées de France a lancé un programme de recherches qui débute en 2012, visant à mettre en ligne les œuvres passées en vente publique à cette époque, essentiellement à l'Hôtel Drouot. Le suivi de ce travail sera assuré par l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) en liaison avec le Getty Research Institute, avec le soutien financier de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Dans cet effort, il convient de signaler que la France est associée à l'European Shoah Legacy Institute, institut créé à Prague en 2010 à la suite de la conférence de Terezin qui a eu lieu en 2009, lors de la présidence de la République tchèque de l'Union européenne. En ce qui concerne les collections philatéliques et les objets et documents qui se rapportent à l'histoire et à l'évolution des postes, ceux-ci sont détenus par le musée de La Poste, dit « l'Adresse ». Conformément aux dispositions de l'article R-1-1-24 du code des postes et des communications électroniques, ce patrimoine, qui est une propriété de l'État, est conservé par La Poste qui en assure l'inventaire et le récolement, en application des dispositions sur les « musées de France », ainsi que de la convention du 13 juillet 2010 entre l'État et La Poste, relative au patrimoine philatélique et postal appartenant à l'État. Les collections philatéliques du musée proviennent, depuis 1895, des Ateliers du timbre-poste, devenus en 1970 l'imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires et dénommée aujourd'hui Phil@poste Boulazac. Les collections de timbres étrangers proviennent, quant à elles, du siège de l'Union postale universelle à Berne (collections documentaires). Le fond le plus important des marques postales, correspondant à toutes les annotations portées sur une lettre par le service postal qui l'achemine, provient de la collection Vivarez, donnée en avril 1915 au ministère des PTT, puis en 1946 au musée de La Poste (date de sa création). Le musée possède également d'anciennes grandes collections de marques postales et d'oblitérations bien identifiées, acquises par achats (Chamboissier, Mercier, Rochette, Boussac, Gricar), dont (Mouchotte, Lhuillier, Champion, Dujardin, Morel d'Arlieux), legs (Marette, Morel d'Arleux, Berson, Noulard, Goudard) ou dations en paiement (Zoummeroff, Joany). Ainsi, le musée de La Poste, dit « l'Adresse », connaît précisément la provenance de ses collections et ne détient aucune collection philatélique ou historique classée MNR. Il ne consacre donc aucun moyen financier à des recherches sur des collections au passé flou. Pour ce qui concerne les ouvrages, il faut rappeler que leur histoire est semblable à celle des tableaux et des autres œuvres, mais avec des volumétries incomparablement plus importantes. Le principe du retour en France des livres transférés en Allemagne durant l'Occupation s'appuie également sur la déclaration interalliée de janvier 1943 et, à l'instar des conservateurs de musées, les conservateurs de bibliothèques menèrent dans l'après-guerre des missions en Allemagne, afin d'identifier des ouvrages et des bibliothèques de provenance française. Les travaux de recherche et de restitution furent menés de 1944 à 1949 sous l'égide de la Commission de récupération artistique, qui s'était dotée d'une sous-commission livres, placée sous l'autorité de Julien Cain, restauré dans ses fonctions d'administrateur de la Bibliothèque nationale, après son retour du camp de Buchenwald, où il avait été déporté en 1941. Comme pour les tableaux et les œuvres d'art, un petit nombre de livres qui n'avaient pas à être restitués ou qui n'avaient pu l'être firent l'objet d'une sélection pratiquée par une Commission de choix de 1949 à 1953 ; ils furent remis à la garde de la Bibliothèque nationale. En 1979, ils furent inscrits dans les livres d'inventaire sous les numéros 79-2443 (136 références), 79 2444 (77 références) et 35 719 (pour 45 références correspondant à des éditions japonaises). Ils ont conservé ces numéros, qui n'ont pas été modifiés, et ont reçu en outre, comme il est d'usage dans les bibliothèques, une cote, qui en permet la localisation topographique.

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