Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 05/07/2012
M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les engagements pris par le Président de la République pour interdire tout cumul abusif entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif local. Le cumul de mandat et son corollaire direct, l'absentéisme parlementaire, sont en effet deux particularités bien françaises. Deux particularités affligeantes qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Le Président de la République s'était solennellement engagé à prendre au plus vite les mesures adéquates. Or selon la presse, il semble que certains responsables de la majorité voudraient édulcorer la réforme dans le but de pouvoir continuer à profiter du système. Le Gouvernement étant maintenant en place, il est temps qu'il clarifie ses choix en la matière. Il lui demande quelles sont ses intentions sur le contenu de la réforme et dans quel délai le Parlement sera saisi d'un projet de loi.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/07/2012
Réponse apportée en séance publique le 24/07/2012
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, le cumul de mandats et son corollaire, l'absentéisme parlementaire, sont deux particularités bien françaises qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Il est donc urgent de légiférer et, à cet égard, on ne peut que suivre ce qu'indiquait Édouard Balladur dans Le Figaro du 7 mai 2010 : « Il n'y a pas d'enthousiasme dans la classe politique, ni à droite ni à gauche, pour prohiber le cumul. Si on veut progresser, il ne faut pas se référer à la bonne volonté, il faut que la loi intervienne. »
Avant l'élection présidentielle, le parti socialiste s'était engagé à interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, quelle qu'elle soit. Deux propositions de loi avaient même été déposées à titre de confirmation par les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La majorité de gauche contrôlant dorénavant l'Élysée, l'Assemblée nationale et le Sénat, le Gouvernement n'a aucune excuse pour ne pas respecter les engagements qui ont été pris. C'est pourtant ce vers quoi on risque de s'acheminer, certains responsables se montrant de plus en plus évasifs à ce sujet. On dit même que le Gouvernement pourrait se contenter d'une loi édulcorée, qui ne concernerait que les très grands exécutifs. Ce serait un reniement des engagements pris avant les élections, car la plupart des cumulards pourraient alors continuer à profiter de leur pratique abusive.
En effet, sans être un grand exécutif, l'exercice d'un mandat de maire d'une ville de taille moyenne entraîne en cascade de multiples autres attributions au sein des intercommunalités, des hôpitaux publics, des offices d'HLM... Un temps considérable est ainsi absorbé au détriment du travail parlementaire. Comment les intéressés peuvent-ils ensuite faire hypocritement semblant de s'étonner de l'absentéisme parlementaire ?
Pour vous convaincre que celui-ci est réel, monsieur le ministre, il vous suffit de compter le nombre de sénateurs présents dans cet hémicycle au moment où je vous parle : nous sommes moins de 10 sénateurs en séance sur un total de 348 ! C'est bien la preuve de la pertinence de mon propos !
Je suis également indigné que, dans Le Figaro du 9 juillet 2012, certains parlementaires aient prétendu que seuls les cumulards d'un exécutif local étaient de bons sénateurs, les autres n'étant que des « élus hors-sol, coupés de la gestion quotidienne des collectivités ».
Ainsi, ayant refusé en 2001 de cumuler une fonction exécutive locale avec mon mandat de sénateur, je serais donc un élu hors-sol et serais, de ce fait, coupé de la gestion quotidienne des réalités. Pourtant, lors des élections sénatoriales de 2011, sans l'investiture d'aucun parti politique, j'ai très largement devancé les deux autres listes de droite qui avaient, elles, obtenu une investiture et étaient conduites par des « super-cumulards ».
Étant conseiller général depuis trente ans, les réalités du terrain, je les connais, et je n'ai pas besoin pour cela d'être président du conseil général. Je dirais même mieux : c'est parce que je ne préside pas un exécutif local que j'ai le temps de m'occuper des problèmes de terrain !
De même, on peut être au contact des réalités quotidiennes en tant que simple conseiller municipal, sans être obligatoirement maire.
Il est donc tout à fait mensonger de prétendre que les parlementaires qui refusent de cumuler une fonction exécutive locale seraient coupés des réalités.
En fait, ceux qui défendent les cumuls abusifs ne cherchent qu'à continuer à profiter du système.
Monsieur le ministre, ma question est simple : le Gouvernement est-il, oui ou non, décidé à respecter les engagements pris, c'est-à-dire à interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, quelle qu'elle soit, j'y insiste ?
Même si la coalition des parlementaires cumulards conduit à un blocage, le Président de la République a les moyens de tenir ses engagements en organisant un référendum. Je suis sûr que nos concitoyens désavoueraient massivement le combat d'arrière-garde conduit par les profiteurs du système.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, on sent le vécu dans votre question ! Je suis d'ailleurs heureux de vous répondre en présence de M. Arnaud Montebourg, qui a longtemps mené ce combat.
Vous m'interrogez sur la politique que conduira le Gouvernement en matière de non-cumul des mandats. Elle est claire : c'est celle que le Premier ministre a définie dans son discours de politique générale et qu'il a réaffirmée devant la Haute Assemblée, mais je ne suis pas sûr que ç'ait été le passage de son discours le plus applaudi ici : « Pour permettre aux parlementaires de se consacrer pleinement à l'exercice de leur mandat et, conformément aux engagements du Président de la République, il sera mis fin au cumul entre un mandat de parlementaire et l'exercice de fonctions exécutives locales. » Il n'y a donc pas de place pour des stades intermédiaires.
Monsieur Masson, vous semblez douter de notre volonté de mettre fin au cumul des mandats. Pourtant, nous avons déjà montré l'exemple : aucun membre du Gouvernement n'exerce plus de fonctions dans un exécutif local.
Vous m'avez interrogé sur le calendrier. Là aussi, le Premier ministre a été clair : « Cette réforme sera applicable avant 2014. » En tout cas, elle sera applicable lors des élections municipales de 2014.
Quant aux modalités exactes du texte, je ne veux pas anticiper sur les travaux de la Commission chargée de la rénovation et de la déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin. Le Président de la République a en effet souhaité que la réforme de la législation sur le cumul des mandats entre dans le champ de travail de cette commission, dont les conclusions seront rendues publiques en novembre prochain.
Je comprends votre impatience, monsieur le sénateur, mais les modalités de mise en uvre de cette réforme méritent réflexion. En tout cas, ne doutez pas de la volonté du Gouvernement d'appliquer la règle de non-cumul des mandats et de respecter le calendrier prévu.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Croisons les doigts pour que ce problème soit réglé une fois pour toutes dans l'intérêt de la moralisation de la vie politique.
Comme l'avait fort bien souligné M. Balladur, le vrai problème est que l'on demande de légiférer à ceux qui sont les premiers intéressés à la perpétuation du système. Dans ces conditions, il est évident qu'il y en aura toujours, à droite comme à gauche - ce n'est pas une question de couleur politique -, qui traîneront des pieds et qui trouveront des arguments pour essayer de bloquer une évolution. Mais je suis persuadé que nos concitoyens en sont assez de cette situation.
Le Gouvernement doit prendre de nombreuses décisions difficiles en matière économique, financière et fiscale, qui ne sont pas toutes susceptibles de faire l'unanimité. Or, s'il y en a une qui pourrait recevoir une approbation très large, voire massive de l'opinion publique, c'est bien celle du non-cumul des mandats. En cette matière au moins, le Gouvernement pourrait, à coup sûr, satisfaire nos concitoyens, et sans que cela coûte quoi que ce soit. Au contraire, cette décision serait même de nature à nous permettre de réaliser des économies. J'espère que le Gouvernement saisira cette opportunité.
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