Question de Mme LEPAGE Claudine (Français établis hors de France - SOC) publiée le 24/02/2012

Question posée en séance publique le 23/02/2012

Mme Claudine Lepage. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Trois membres du Gouvernement ont été parachutés candidats dans les nouvelles circonscriptions créées pour les Français de l'étranger.

Ce ne sont pas, bien sûr, les seuls ministres candidats aux élections législatives. Mais leurs déplacements de campagne, logiquement à l'étranger, n'en sont que plus édifiants.

Vous me direz qu'il est parfaitement légitime que des ministres se déplacent, en France comme à l'étranger (Oui ! sur les travées de l'UMP.), y compris – pure coïncidence ! – dans la circonscription où ils sont candidats. Plusieurs exemples nous interpellent pourtant sur le réel bien-fondé de telles visites.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel mauvais esprit !

Mme Claudine Lepage. Ainsi, M. Lefebvre vient d'effectuer une tournée de cinq jours aux États-Unis pour assister au premier symposium mondial des conseillers du commerce extérieur de la France, qui, heureux hasard, se tenait dans la circonscription d'Amérique du Nord où il est candidat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Nous sommes sauvés !

Mme Claudine Lepage. Il a poursuivi son périple par Washington puis New York. Des réceptions privées étaient bien sûr prévues. Le carton d'invitation à l'une d'elles précisait même la double casquette de M. Lefebvre. On pouvait lire, dans l'ordre, « candidat UMP pour la première circonscription » et « secrétaire d'État chargé du commerce ».

De surcroît, l'on apprend qu'il entame, aujourd'hui même, un nouveau circuit, cette fois en Californie, pour « la promotion de la destination France »... C'est ce qu'on appelle « occuper le terrain » ! (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.) Mais qu'en est-il du respect dû aux électeurs et aux contribuables ?

M. Didier Boulaud. Il y a belle lurette que cela n'existe plus !

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, c'est bien la question de l'utilisation de l'argent public pour favoriser l'élection d'un ministre comme député qui est posée !

Loin de moi l'idée de m'acharner sur M. Lefebvre, les deux autres ministres-candidats n'étant pas en reste. Au début du mois de janvier, en pleine crise à SeaFrance, M. Mariani s'envolait pour la Chine (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) et réalisait ainsi, en trente et une semaines, son vingt-sixième déplacement à l'étranger et vingt-quatrième dans un pays de la circonscription où il est candidat. (Marques d'indignation sur les travées du groupe socialiste. – Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Voleur !

Mme Claudine Lepage. Pour mémoire, son prédécesseur en avait effectué onze en une année, dont trois seulement dans la fameuse circonscription.

À ce propos, je précise à M. Mariani que, contrairement à ses allégations citées par Le Petit Journal, tous les sénateurs représentant les Français établis hors de France ne soutiennent pas sa candidature. J'en connais au moins quatre qui ne le font pas !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ils ont raison !

Mme Claudine Lepage. Quant à Mme Montchamp, rappelons-le, secrétaire d'État aux personnes handicapées, elle justifie ses fréquents déplacements dans la quatrième circonscription par le fait qu'au Benelux siègent les institutions européennes... (Et alors ? sur les travées de l'UMP.) Quelle tartufferie !

Monsieur le ministre, ce mélange des genres n'est acceptable ni à l'étranger ni en France.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Claudine Lepage. Je souhaite connaître votre position sur cette utilisation, plus que contestable, des moyens de la République (La question ! sur les travées de l'UMP.) et sur cette rupture manifeste de l'égalité entre les candidats (Protestations sur les mêmes travées.), selon qu'ils sont simples citoyens ou ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration publiée le 24/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 23/02/2012

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Madame la sénatrice, je trouve que, de plus en plus, le parti socialiste tend à négliger les institutions de la République. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. C'est un ancien préfet qui parle !

M. Claude Guéant, ministre. C'est ainsi que nous voyons, par exemple à l'Assemblée nationale, se développer des procès publics qui, pourtant, sont instruits par la justice ; et, de proche en proche, nous entendons le candidat du parti socialiste à l'élection présidentielle faire le procès d'un certain nombre de hauts fonctionnaires (Eh oui ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), annoncer leur limogeage ainsi que celui de magistrats qui ont pourtant été désignés après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

En l'espèce, madame la sénatrice, vous négligez deux institutions de la République : d'abord, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; ensuite le Conseil constitutionnel.

Vous avez souvent interrogé cette commission sur les points que vous avez soulevés à l'instant, et elle vous a apporté des réponses. Le Guide du candidat et du mandataire, publié par la Commission, est parfaitement clair : « sont pris en compte, au titre des dépenses électorales, les frais de transport effectués » par le candidat et son équipe « pour l'obtention de suffrages, engagés exclusivement dans la circonscription électorale, et ce antérieurement au scrutin ». Les dépenses liées à l'activité ministérielle d'une personnalité n'ont pas à être intégrées dans les comptes de campagne. Si, cependant, une réunion ayant un rapport avec la campagne électorale est organisée en marge du déplacement, le coût de cette réunion doit bien évidemment être inscrit aux comptes de la campagne du candidat.

M. François Rebsamen. On vérifiera !

M. Claude Guéant, ministre. De façon plus large, je profite de votre question pour citer le Conseil constitutionnel qui, dans une décision - et j'imagine que vous respectez les décisions du Conseil constitutionnel -, indique ceci : « Les frais liés au déplacement et à l'hébergement de représentants de formations politiques se rendant dans une circonscription ne constituent pas, pour le candidat que ces représentants viennent soutenir, une dépense électorale devant figurer dans son compte de campagne. Les frais de déplacement de personnalités autres que les représentants des formations politiques constituent des dépenses électorales et doivent être intégrés au compte de campagne. »

M. François Rebsamen. On regardera !

M. Claude Guéant, ministre. Cette jurisprudence s'applique bien sûr à tous. (M. Didier Boulaud rit.)

Madame la sénatrice, je vous demande tout simplement d'avoir confiance dans les institutions de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)

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