Question de M. LOZACH Jean-Jacques (Creuse - SOC-EELVr) publiée le 15/12/2011

M. Jean-Jacques Lozach attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le régime fiscal applicable aux tapisseries d'art et sur les soutiens de l'État en faveur de la tapisserie d'Aubusson, des arts textiles et de la création textile contemporaine. Jusqu'à présent les artisans lissiers (ainsi que les fondeurs d'art ou les lithographes) pouvaient bénéficier du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée pour la commercialisation de leur production artistique, en application de l'article 278 septies du code général des impôts. En effet, la tapisserie, œuvre d'art résultant du travail d'un lissier (artisan ou en société) et d'un cartonnier, relève de l'article 98 A II. 4 de l'annexe III du CGI. Cela concerne tant les tapisseries contemporaines que les interprétations de tapisseries anciennes réalisées sur la base d'un carton original (ou maquette) et dans la limite de huit exemplaires. Or, la hausse de la TVA de 5,5 % à 7 % va toucher le livre, les spectacles, mais aussi des savoirs, des savoir-faire et des métiers d'art, des modes d'expression et un art décoratif prestigieux : la tapisserie, que le ministère de la culture s'était pourtant attaché à préserver avec constance, par exemple au moyen de lois programmes (loi n° 78-727 du 11 juillet 1978 de programme sur les musées) ou via les commandes publiques et la rénovation des grands domaines nationaux comme Fontainebleau, Compiègne ou Versailles. Le ministère de la culture a toujours été convaincu de l'intérêt qu'il y a à préserver le patrimoine culturel et la richesse que constitue le savoir-faire des entreprises et des créateurs concernés, tout en étant conscient de la fragilité économique de ce secteur. Le ministre a déclaré devant le Sénat, le 25 novembre 2011, qu'il veillera à ce que le relèvement du taux réduit de la TVA ne mette pas en péril les domaines impactés. Ainsi, compte tenu de l'intérêt attaché à la tapisserie dont la valeur culturelle et artistique est particulièrement remarquable (et reconnue par l'UNESCO), il demande s'il lui est possible de faire un point sur les mesures envisagées, ou à l'étude, afin d'atténuer les effets du relèvement de taux sur sa pérennité et sur la situation des lissiers du bassin aubussonnais.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 08/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2012

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le régime fiscal applicable aux tapisseries d'art et sur les soutiens de l'État en faveur de la tapisserie d'Aubusson, des arts textiles et de la création textile contemporaine.

Jusqu'à présent, les artisans lissiers ainsi que les fondeurs d'art ou les lithographes pouvaient bénéficier du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée pour la commercialisation de leur production artistique, en application de l'article 278 septies du code général des impôts.

En effet, la tapisserie, œuvre d'art résultant du travail d'un lissier, qu'il soit artisan ou en société, et d'un cartonnier, relève de l'article 98 A de l'annexe III du code général des impôts. Cela concerne tant les tapisseries contemporaines que les interprétations de tapisseries anciennes réalisées sur la base d'un carton original, ou d'une maquette, et ce dans la limite de huit exemplaires.

Or la hausse de la TVA de 5,5 % à 7 % va toucher le livre, les spectacles, mais aussi des savoirs, des savoir-faire, des métiers d'art, des modes d'expression et un art décoratif prestigieux, à savoir la tapisserie, que le ministère de la culture s'était pourtant attaché à préserver avec constance, par exemple au moyen de lois de programme, comme la loi du 11 juillet 1978 de programme sur les musées, ou par des commandes publiques et la rénovation des grands domaines nationaux comme Fontainebleau, Compiègne ou Versailles.

Le ministère de la culture a toujours été convaincu de l'intérêt de préserver le patrimoine culturel et la richesse que constitue le savoir-faire des entreprises et des créateurs concernés, tout en étant conscient de la fragilité économique de ce secteur. M. le ministre de la culture a déclaré devant le Sénat, le 25 novembre dernier, qu'il veillerait à ce que le relèvement du taux réduit de la TVA ne mette pas en péril les domaines concernés.

Compte tenu de l'intérêt que représente la tapisserie, dont la valeur culturelle et artistique particulièrement remarquable a été reconnue par l'UNESCO en 2009, je voudrais savoir si des mesures sont envisagées ou à l'étude afin d'atténuer les effets du relèvement de taux sur la pérennité du secteur de la tapisserie et sur la situation des lissiers du bassin aubussonnais.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que Frédéric Mitterrand comme moi-même sommes particulièrement attachés aux métiers d'art et à la défense de nos savoir-faire.

Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des artisans d'art : beaucoup a été fait pour eux au cours de ces dernières années ; vous le savez, et tous les professionnels le savent aussi.

Pour ma part, j'ai rencontré un certain nombre des artisans auxquels vous faites allusion, et je travaille à mettre en place une indication géographique protégée - une IGP -, dispositif permettant de protéger les produits artisanaux et industriels, à l'instar de celui qui a permis de sauver un certain nombre de produits alimentaires ; je pense au Brie de Meaux au Pruneau d'Agen, mais je pourrais multiplier les exemples.

Nous menons aujourd'hui cette bataille pour un certain nombre de raisons.

Face à la globalisation, qui souvent rime avec uniformisation, les consommateurs et les citoyens du monde entier sont à la recherche d'authenticité et de qualité, à la recherche de sens.

À cet égard, la France a la chance d'être le pays de l'intelligence, le pays de l'immatériel, le pays des savoir-faire, savoir-faire que nous devons protéger.

Parmi les 38 000 entreprises de l'artisanat d'art, les tapissiers d'art occupent naturellement une place éminente, reconnue dans notre pays.

Lors d'un récent déplacement en Creuse, j'ai tenu à me rendre dans un certain nombre d'entreprises qui bénéficient du label « Entreprise du patrimoine vivant » - lequel a été créé sous l'impulsion du Président de la République - et qui sont donc reconnues à ce titre comme détenteurs des savoir-faire d'excellence de notre pays.

Vous connaissez la situation des finances publiques de la France - situation dont les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, de droite comme de gauche, sont d'ailleurs responsables ; vous êtes donc conscient de la nécessité de mettre fin à la dérive de la dépense publique permanente et de l'obligation qui pèse en la matière sur le Gouvernement. À cet égard, je vous ferai remarquer qu'il faut beaucoup de courage pour prendre les mesures nécessaires, à quelques mois d'échéances importantes. Ce courage n'est pas très répandu dans le monde politique, mais le Président de la République n'en manque pas.

En l'occurrence, vous avez fait allusion aux mesures que nous avons été amenés à prendre afin de freiner le déficit, et notamment à l'augmentation du taux réduit de TVA. Cet ensemble de mesures est juste : en effet, monsieur le sénateur, tous les secteurs ont été traités de la même façon, qu'il s'agisse de la culture, du logement social, de l'agriculture ou de la restauration.

On aurait pu imaginer, comme cela a été le cas dans d'autres pays, de faire passer un certain nombre d'activités au taux normal ! Or tel n'est pas le choix du Gouvernement. Ce traitement juste et égal pour tous les secteurs ne peut évidemment pas être remis en cause ; chacun en est parfaitement conscient et les professionnels eux-mêmes.

Si l'un ou l'autre des secteurs avait bénéficié d'un traitement différent, la question aurait effectivement pu se poser. Mais tel n'est pas le cas : tout le monde a été traité à égalité.

En ce qui concerne plus particulièrement la situation des lissiers du bassin aubussonnais, je peux vous dire que le ministre de la culture, très attaché à la préservation de ce secteur d'activités, dont la valeur culturelle et artistique n'est pas à démontrer, sera très attentif aux effets de la mesure sur la profession.

Il convient également de noter que l'État lance chaque année un appel à consultation, pour un budget d'environ 70 000 à 80 000 euros, visant à financer l'étude d'un artiste ainsi que sa réalisation par un lissier, le plus souvent originaire d'Aubusson.

Ainsi, la réalisation d'une œuvre de Françoise Quardon a récemment été confiée à l'atelier Patrick-Guillot, installé à Aubusson, comme des œuvres de Gérard Garouste l'avaient été, par le passé, à la manufacture Saint-Jean, elle aussi aubussonnaise.

L'État est donc pleinement impliqué dans le soutien à ces artisans.

Par ailleurs, la direction générale de la création artistique, la DGCA, recevra, le 14 mars prochain, une délégation - vous en ferez partie, monsieur le sénateur - pour évoquer le projet de Cité internationale de la tapisserie et de l'art tissé. Cette rencontre sera l'occasion d'aborder l'ensemble des questions liées à la situation d'Aubusson et à l'implication - dont, j'espère, vous ne doutez pas - du ministère de la culture.

Enfin, le Gouvernement continuera à soutenir fortement les métiers d'art.

De nombreux cursus de formation relèvent directement du ministère de la culture : Institut national du patrimoine, pour les restaurateurs d'œuvres d'art ; centres de formation du Mobilier national, pour la menuiserie en siège, l'ébénisterie, la bronzerie et la lustrerie, les tapis et tapisseries, la dentelle..., et de Sèvres, pour la céramique.

Plusieurs centaines d'emplois de maîtres d'art sont mobilisés pour la restauration des collections publiques et des monuments historiques. Pour avoir eu une discussion avec des professionnels, en Creuse, je sais qu'ils sont parfaitement conscients du rôle et de l'implication très forte de l'État.

La commande publique et le 1 % artistique soutiennent fortement cette activité. En outre - vous le savez, monsieur le sénateur -, mon ministère tout comme celui de la culture consacrent chaque année près de 2 millions d'euros au financement de l'Institut national des métiers d'art, lequel structure le secteur et organise les Journées européennes des métiers d'art, formidables vitrines des talents.

Comme vous pouvez le constater, en dehors de l'élévation du taux de TVA - sur lequel, je vous le rappelle, la décision qui a été prise était juste -, le Gouvernement est particulièrement engagé dans une action déterminée pour soutenir ces secteurs d'activité, lesquels, à la fois, représentent l'une des chances de la France dans la mondialisation, mais aussi, vous le savez mieux que quiconque, sont essentiels pour le développement de nos territoires et le respect de nos traditions.

Il me faut conclure : sachez également que nous sommes en train de favoriser le rapprochement entre des artisans, porteurs de savoir-faire, et des designers, dont l'activité s'inscrit dans le temps présent. En effet, nous devons préparer le futur : aujourd'hui, dans ces métiers, tradition et innovation sont également nécessaires.

En outre, lorsque ces productions, comme les tapisseries d'Aubusson, deviennent quasiment un nom commun dans un certain nombre de pays, vous pouvez mesurer le risque de pillage qui menace ce capital. C'est la raison pour laquelle il nous appartient de le protéger et de le valoriser.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien pris note de votre réponse, comme j'avais bien enregistré votre souhait de vous engager dans le lancement d'une démarche d'IGP - indication géographique protégée -, laquelle peut effectivement être envisagée comme une mesure de protection pour ce savoir-faire ancestral tout à fait prestigieux que constitue la tapisserie d'Aubusson.

Il n'en reste pas moins vrai que le relèvement du taux de TVA va constituer un handicap pour ce que j'appellerai la tapisserie d'Aubusson-Felletin puisque, vous le savez, chronologiquement, la notoriété de Felletin est antérieure à celle d'Aubusson.

Mais, si je suis soucieux du maintien de ce savoir-faire, qui rejoint ce que l'on appelle parfois notre excellence culturelle, ma préoccupation revêt également un caractère économique.

Vous le savez, au cours du siècle dernier, et en particulier dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, la tapisserie d'Aubusson a connu un déclin dramatique. Alors qu'il y avait encore 1000 lissiers à Aubusson en 1900, il en restait environ 400 au début des années soixante-dix, contre à peine une cinquantaine aujourd'hui dans les ateliers.

Les difficultés économiques sont donc réelles.

Toutefois, un espoir est en train de naître, en particulier sur la base de l'inscription, depuis 2009, de la tapisserie d'Aubusson sur les listes du patrimoine immatériel de l'UNESCO et, vous l'avez dit vous-même, au travers du projet de Cité internationale de la tapisserie et de l'art tissé qui, mois après mois, prend forme et que j'espère voir aboutir en 2015.

Toujours est-il que le maintien d'un taux de TVA à 5,5 % aurait contribué à cette dynamique qui fait parfois défaut à la tapisserie d'Aubusson, laquelle reste un fleuron de notre artisanat d'art.

M. le président. Merci, mon cher collègue, pour votre défense de ce fleuron qu'est la tapisserie d'art.

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