Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SOC-EELVr) publiée le 02/12/2011
Question posée en séance publique le 01/12/2011
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le 9 juillet 2007, Nicolas Sarkozy s'invite au conseil des ministres des finances de l'Union européenne. Son objectif ? Obtenir une « application intelligente et dynamique du pacte de stabilité », en d'autres termes, creuser le déficit au-delà de ce que permettent les traités européens.
Cette recherche de complaisance arrange beaucoup de gouvernements, dont celui de M. Caramanlis, le Premier ministre grec de l'époque, lequel allait bientôt laisser son pays dans l'état que l'on sait. Petits arrangements entre complices
Le nouveau Président de la République revient à Paris et met en place sa politique. Son axe majeur ? Libérer les plus fortunés d'une grande partie de leurs obligations fiscales, affaiblissant significativement les recettes de l'État et aggravant les déficits.
M. Sarkozy nous parle maintenant d'une pseudo-règle d'or. Mais M. Sarkozy a toujours pratiqué la « gestion de plomb » ! Pas moins de 10 points de dette rapportés au PIB, lorsqu'il était ministre du budget de M. Balladur ; 1,5 point quand il était ministre des finances ; plus de 20 points, en cinq ans à l'Élysée !
À lui seul, M. Sarkozy porte la responsabilité de 40 % de l'endettement du pays ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Et vous ?...
M. Jean-Yves Leconte. Rappelons que, depuis quinze ans, seul le gouvernement de Lionel Jospin a désendetté la France. (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
En avril 2010, le nouveau gouvernement grec découvre l'ampleur du gouffre : les déficits sont réévalués, et une première demande d'aide internationale est formulée.
La réaction de M. Sarkozy est-elle alors d'aider la Grèce ? Pas vraiment ! Sa préoccupation est de faire en sorte que la Grèce honore tous ses engagements auprès des banques, même lorsque les prêts sont consentis à des taux inacceptables et prennent en compte le risque de défaut du pays. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Pendant dix-huit mois, et alors que la pression se fait de plus en plus forte, le gouvernement français ne prend pas la mesure des choses. Sa position ? Ne pas hésiter à endetter les contribuables européens pour s'assurer que la Grèce ne fasse pas défaut auprès des banques. (Protestations continues et croissantes sur les travées de l'UMP.)
En défendant les intérêts de ces banques, en tenant un discours opposant la zone euro au reste de l'Union européenne, en refusant la mise en place d'une gouvernance plus démocratique de l'euro au profit d'un directoire avec Angela Merkel, le Gouvernement a provoqué un tsunami qui peut aujourd'hui emporter l'ensemble de l'Union européenne. (On scande « La question ! » sur les travées de l'UMP.)
Aucune solution ne saurait être viable sans un renforcement du contrôle démocratique sur les politiques économiques, budgétaires et fiscales, politiques qui doivent aujourd'hui être davantage mutualisées, et ce dans l'ensemble de l'Union européenne.
Mme Chantal Jouanno. Et où sont les propositions fiscales du PS ?
M. Jean-Yves Leconte. Responsabilité, solidarité, nouvelle gouvernance : voilà ce qui devrait guider aujourd'hui l'action du Gouvernement ! (Le brouhaha sur les travées de l'UMP couvre par moment la voix de l'orateur.) L'austérité que vous prônez aujourd'hui n'est pas une politique ; ce n'est qu'une posture face aux marchés ! (La voix de l'orateur se fait plus forte à mesure que le brouhaha croît sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, face à la faillite qui s'annonce,
M. François Grosdidier. C'est terminé ! La question !
M. Jean-Yves Leconte.
allez-vous mettre le peuple français sous tutelle, conduisant Mme Merkel à définir « par effraction » notre politique, en acceptant, sous la contrainte,
M. François Grosdidier. C'est fini !
M. Jean-Yves Leconte.
lors du prochain Conseil européen, des engagements qui préempteraient le grand débat démocratique attendu par tous en 2012 ? Le Gouvernement serait-il à ce point saisi de panique sur les conséquences de sa propre politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. Protestations sur les travées de l'UMP.)
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 02/12/2011
Réponse apportée en séance publique le 01/12/2011
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Leconte, je vous prie de m'en excuser par avance, mais je ne suis pas certain d'avoir compris...
M. Didier Boulaud. C'est peut-être là le problème !
M. François Baroin, ministre. ... l'intégralité de vos propos. (Applaudissements et hilarité sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'était très clair !
Mme Annie David. C'est insultant !
M. François Baroin, ministre. J'ai enregistré un léger manque de nuance dans l'appréciation que vous portez sur la politique menée par le Gouvernement depuis 2007. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
J'ai également noté la relative modération de votre engouement pour la période 1997-2002.
Je vais m'efforcer de rappeler deux ou trois idées simples.
Premièrement, la France, comme tous les autres pays du monde, traverse la crise économique et financière la plus grave depuis la guerre.
M. Didier Boulaud. Vous ne comprenez pas ce qui nous arrive !
M. François Baroin, ministre. Deuxièmement, nous connaissons actuellement une réplique des deux crises mondiales dont l'épicentre était situé aux États-Unis, à savoir la crise américaine et la crise bancaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les dividendes se portent très bien !
M. François Baroin, ministre. Ces crises ont amené les États aux économies avancées, singulièrement à l'intérieur de la zone euro, à accepter une chute de leurs recettes, en faisant jouer les amortisseurs sociaux pour protéger notre modèle social et préserver les plus démunis,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Amortisseurs sociaux ? Modèle social ? Vous cassez tout !
M. François Baroin, ministre. ... en acceptant la mise en place de plans de relance, donc une aggravation des déficits pour soutenir l'économie.
M. Didier Boulaud. Tout va bien, alors !
M. François Baroin, ministre. C'est si vrai que la France connaît une récession deux fois moins importante que l'Allemagne, et elle en est sortie plus vite que son voisin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le chômage augmente à toute vitesse !
M. François Baroin, ministre. C'est si vrai que notre pays a enregistré un rebond de croissance, lequel démontre la pertinence de la stratégie suivie depuis deux ans. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Oui, nous pouvons considérer que le pari d'investissement sur l'avenir du grand emprunt, l'acceptation de l'effondrement des recettes, sans augmentation concomitante des impôts...
M. Yves Rome. Des taxes, toujours plus de taxes !
M. François Baroin, ministre. ... mais associé au maintien du financement de la protection sociale, sont les axes d'une stratégie qui a préservé le pouvoir d'achat des Français.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On dénombre 14 millions de pauvres, 10 % de chômeurs ! Le pouvoir d'achat des Français baisse !
M. François Baroin, ministre. Reste que la question du grand rendez-vous que vous posez, monsieur Leconte, est importante.
Nous devons tirer les leçons de ces crises à répétition ; nous devons modifier la gouvernance de l'euro.
M. Didier Boulaud. La seule solution, c'est de changer d'équipe !
M. François Baroin, ministre. C'est chose faite avec notamment la mise en œuvre du six pack, c'est-à-dire des six textes destinés à instaurer un dispositif préventif pour corriger les déséquilibres macroéconomiques à l'intérieur de la zone euro ainsi qu'une convergence budgétaire et fiscale à l'intérieur des budgets de la zone euro. Surtout, grâce à ces textes, les chiffres seront plus sincères, ce qui permettra à chacun d'avoir une vision globale et de se coordonner avec l'ensemble du dispositif.
M. Didier Boulaud. Il faut changer d'entraîneur !
M. François Baroin, ministre. Au cours des deux jours qui viennent de s'écouler, des avancées significatives ont été enregistrées à Bruxelles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ?...
M. François Baroin, ministre. La zone euro a accepté le décaissement de la sixième tranche de soutien à la Grèce et a fait de même pour l'Irlande. Cela donne donc de la profondeur de champ.
Le Fonds européen de stabilité financière, même si son action est difficile, est également sur une trajectoire vertueuse.
Hier, au nom du Gouvernement français, j'ai salué la décision importante relative à la coopération des banques centrales européennes, pour garantir l'accès aux liquidités de tous les établissements bancaires.
M. Didier Boulaud. Oui, tout va bien !
M. Alain Néri. Et le troisième plan de rigueur, c'est pour quand ?
M. François Baroin, ministre. Cette mesure va dans la bonne direction. Les propositions franco-allemandes que présenteront ce soir le Président Nicolas Sarkozy et demain la Chancelière Angela Merkel permettront, je le crois, de franchir un pas important la semaine prochaine lors du Conseil européen. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
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