Question de Mme SCHURCH Mireille (Allier - CRC) publiée le 27/10/2011
Mme Mireille Schurch attire l'attention de M. le ministre de la défense et des anciens combattants sur le projet de restructuration des activités de défense entre Safran et Thales.
Ce nouveau projet, demandé par le Gouvernement, est annoncé par voie de presse sans que les salariés aient été informés. Le comité central de l'entreprise a d'ailleurs voté un délit d'entrave. Sur le fond, l'intersyndicale de Sagem Défense Sécurité Montluçon dénonce un regroupement d'activités dangereux pour l'emploi et l'avenir de ces deux fleurons de l'industrie française.
Elle demande donc que toute information soit fournie sur l'état d'avancement du projet. Elle demande également quelles garanties le Gouvernement apportera afin que le projet industriel soit viable sur le long terme, ne provoque aucune fermeture de sites et génère des emplois hautement qualifiés dont notre industrie a tant besoin.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé des Français de l'étranger publiée le 23/11/2011
Réponse apportée en séance publique le 22/11/2011
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur le projet de restructuration des activités de défense entre Safran et Thales.
Cette étude commandée par le Gouvernement, principal actionnaire, a été annoncée par voie de presse sans que les salariés soient préalablement informés. Le comité central de l'entreprise a d'ailleurs voté un délit d'entrave.
Les informations les plus récentes distillées à travers la presse ne font qu'attiser, monsieur le secrétaire d'État, l'incertitude des salariés sur l'avenir industriel des deux groupes et le doute sur le postulat d'un tel projet.
J'attire votre attention sur les conséquences d'un tel déficit de communication auprès des salariés. Les représentants des personnels témoignent du climat délétère dans les entreprises. Les risques psychosociaux liés à une forte inquiétude de leur devenir sont aujourd'hui réels, et, bien sûr, l'activité des entreprises s'en ressent.
Il me semble donc urgent de rétablir le dialogue social.
Sur le fond, l'intersyndicale de Sagem Défense Sécurité de Montluçon dénonce un projet qui pourrait s'avérer dramatique pour l'emploi et l'avenir industriel du territoire. La séparation des activités de navigation inertielle et d'optronique diviserait les 1 250 salariés de l'entreprise, cassant les collectifs de travail, amplifiant les risques liés à la diminution du nombre d'activités et appauvrissant la qualité des produits qui bénéficient aujourd'hui d'une expertise croisée. Cette séparation compliquerait le développement de produits élaborés en synergie et fragiliserait l'équilibre financier de l'entreprise. De plus, que deviendraient les 150 personnes travaillant dans les autres secteurs de l'usine, les 180 salariés des ateliers mécaniques et les 300 personnes employées aux services généraux ?
Ces questions, légitimes, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, se posent, au-delà de l'entreprise montluçonnaise, à l'ensemble des entreprises des deux groupes.
L'évocation de joint ventures, structures éventuellement dépourvues de personnalité juridique et souvent définies comme limitées dans le temps, ne contribue pas, vous l'admettrez, à rassurer sur l'avenir des secteurs d'activité concernés.
À l'opposé, l'intersyndicale propose d'autres formes de coopération, estimant par exemple qu'une approche commune entre EADS, Dassault, Safran et Thales pourrait parfaitement commencer à s'appliquer dans le secteur des drones.
Ce projet aux implications humaines, sociales et industrielles si lourdes ne peut se construire hâtivement et sans concertation.
Avec les salariés, je vous demande un moratoire sur les travaux actuels de restructuration avant toute décision engageante, afin de laisser le temps au mûrissement d'un véritable projet industriel porteur de développements futurs et qui préserve les intérêts des salariés. Dans un premier temps, une étude détaillée mettant en avant les domaines de compétence et les potentialités de tous les sites doit être conduite et portée à connaissance.
Je vous demande également l'organisation de tables rondes au niveau national et sur les principaux sites de production, réunissant, sous votre autorité, l'ensemble des industriels de l'aéronautique et de la défense, les organisations syndicales et les élus.
Si l'industrie aéronautique et de défense française occupe une place de premier plan dans le paysage économique national, si elle est mondialement reconnue pour ses innovations technologiques, c'est avant tout grâce aux compétences et au savoir-faire de ses salariés. Je suis convaincue que ces mêmes salariés sont indispensables aujourd'hui à l'élaboration de projets plus efficaces industriellement et plus responsables socialement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Édouard Courtial, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, soucieux de préserver la pérennité des activités nationales dans les domaines de l'optronique et de la navigation inertielle, l'État, à la fois actionnaire et client de Thales et de Safran, a demandé aux présidents de ces deux sociétés de réfléchir à un rapprochement éventuel de leurs activités dans ces deux domaines.
L'objectif stratégique est de contribuer à la rationalisation de la base industrielle et technologique de défense par la création de deux pôles d'excellence nationaux positionnés au meilleur niveau mondial dans ces domaines de très haute valeur ajoutée.
Le regroupement des activités d'équipements d'optroniques de Safran avec celles de Thales présente une vraie logique sur le plan industriel et commercial, avec notamment la création du numéro 2 mondial - viseurs et combat terrestre.
Le regroupement des activités de Thales et de Safran dans la navigation inertielle permettrait de créer un leader européen, alternative crédible aux deux grands acteurs américains du secteur que sont Honeywell et Northrop Grumman.
Il appartient toutefois aux entreprises de déterminer le meilleur mode de coopération permettant de satisfaire cet objectif. Les discussions entre industriels se poursuivent et la forme précise que pourraient prendre ces projets de rapprochement est toujours discutée au fond.
S'agissant plus précisément de Montluçon, je connais, madame la sénatrice, les spécificités propres à l'entreprise Sagem, qui doivent être considérées. Je salue à cet égard l'action du maire de Montluçon, Daniel Dugléry, et du sénateur Gérard Dériot. Je sais aussi que le site de Montluçon est un centre d'excellence pour nos armées, notamment du fait de sa très grande compétence dans la conception et la production de centrales de navigation inertielle de précision pour nos équipements les plus critiques. Je connais, enfin, le volume des investissements réalisés localement par Safran. Au total, les compétences accumulées à Montluçon doivent être précieusement préservées, et il est raisonnable de penser que ce site peut envisager l'avenir avec sérénité.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous dites que l'on peut envisager l'avenir avec sérénité. Toutefois, les salariés des entreprises concernées, sur l'ensemble des sites du territoire national, souhaiteraient être informés autrement que par voie de presse.
J'ai sollicité une entrevue avec Gérard Longuet, une initiative qu'ont prise également les présidents des conseils régional et général, le député de la circonscription ainsi que les maires des communes concernées. M. le ministre ne m'a toujours pas reçue à ce jour, et j'en suis désolée.
Sans doute viendra-t-il à Montluçon : nous serons heureux de le recevoir, mais j'aurais souhaité connaître plus précisément la date de sa visite.
Il est urgent que les salariés soient informés et qu'ils puissent faire valoir leurs propositions. Ils ne sont pas opposés à un rapprochement entre Thales et Safran, mais sous des formes qui garantissent l'emploi sur l'ensemble des sites.
Pour préserver le climat social dans ces entreprises, il serait utile de répondre à leurs demandes, d'autant qu'ils ont déjà été reçus à l'Élysée, ont été entendus par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, et sont allés à l'Assemblée nationale.
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