Question de M. ANTOINETTE Jean-Étienne (Guyane - SOC-A) publiée le 29/09/2011
M. Jean-Étienne Antoinette appelle l'attention de Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur l'absence d'objet de la taxe additionnelle à la taxe de consommation prévue par l'article 266 quater A du code des douanes.
En 2007, la mise aux normes des carburants routiers en Guyane a entraîné une augmentation du coût de ces produits pour les producteurs. Afin de ne pas accabler les consommateurs finaux, il a été décidé un lissage des prix par une augmentation progressive du tarif des carburants routiers, créant un manque à gagner pour la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA). Afin de compenser ce dernier, la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, en son article 88, prévoit que l'Agence française de développement (AFD) puisse accorder une facilité de caisse à la SARA.
Ce même article dispose ensuite d'une taxe additionnelle à la taxe de consommation des carburants routiers en Guyane, inscrite à l'article 266 quater A du code des douanes. Il s'agit, par une hausse supplémentaire du prix de vente de ces produits au consommateur final, de rembourser l'aide accordée à la SARA par l'AFD. Le produit de cette taxe est affecté spécialement à l'AFD qui crée un fonds à comptabilité distincte auquel est rattachée cette recette.
Les Guyanais auraient donc à supporter une augmentation du prix de vente de leurs carburants routiers de 0,04 € à 0,08 € par litre. L'entrée en vigueur de cette taxe a été maintes fois reportée depuis sa création en 2007. La situation économique de la Guyane a été jugée incompatible avec une hausse des prix de ces produits de consommation courante. Or, il ne s'agit pas de reporter sine die l'application de cette taxe, il s'agit de constater que cette taxe n'a pas lieu d'être.
En effet, l'aide d'État prévue par l'article 88 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 n'aurait jamais été versée à la SARA. Les comptes des exercices 2008 et 2009 de cette société ne mentionnent aucune trace du paiement d'une facilité de caisse par l'AFD. Dès lors, le remboursement de cette dernière n'a pas d'objet et comme le produit de la taxe additionnelle à la taxe de consommation des carburants routiers est spécialement affecté, cette taxe n'a pas de cause.
Il lui demande donc si elle entend soutenir devant le Parlement l'abrogation de la taxe prévue à l'article 266 quater A du code des douanes.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale publiée le 26/10/2011
Réponse apportée en séance publique le 25/10/2011
M. Jean-Étienne Antoinette. Madame la secrétaire d'État, le prix élevé du carburant est un problème particulièrement aigu en Guyane. Il fut le déclencheur du mouvement social de décembre 2008 qui a conduit à la paralysie du département.
Or, l'origine des prix très élevés du carburant en Guyane est la même que celle de la taxe additionnelle à propos de laquelle je vous interroge aujourd'hui : l'obligation issue des normes communautaires de s'approvisionner en carburants auprès de la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles.
En 2007, la hausse du prix des carburants due à l'approvisionnement auprès de la SARA était de 25,6 centimes pour le litre de supercarburant et de 20,6 centimes pour le litre de gazole. Toutefois, cette augmentation a été étalée par une hausse progressive jusqu'en novembre 2008, date à laquelle l'écart de prix entre l'approvisionnement à Trinidad-et-Tobago et l'approvisionnement auprès de la SARA a été comblé.
L'étalement de la hausse des prix du carburant a eu deux effets : d'une part, retarder les manifestations de colère et, d'autre part, assurer à la SARA que le manque à gagner résultant de la hausse progressive des prix serait compensé par une dotation de l'Agence française de développement, ou AFD, garantie par l'État, d'un montant de 19,5 millions d'euros.
Cette « facilité de trésorerie », comme la nomme la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007, devait être ensuite compensée par une taxe que les Guyanais paieraient. Le litre de carburant aurait alors été augmenté de 4 à 8 centimes d'euro, peut-être jusqu'en 2018.
Le contexte économique et social guyanais a conduit le Parlement, lors du vote de chaque loi de finances depuis 2007, à reporter l'entrée en vigueur de cette taxe. Or, cette année comme les précédentes, il serait insupportable pour les Guyanais de faire face à une augmentation supplémentaire du prix du carburant.
Je vous rappelle que, pour ce mois-ci, les prix au litre du supercarburant et du gazole sont respectivement fixés à 1,67 euro et 1,50 euro en Guyane contre 1,42 euro et 1,30 euro à Paris. Il n'est pas concevable, au regard de ces prix très élevés, de prévoir une hausse supplémentaire par rapport aux variations mensuelles que décrète la préfecture.
Si la situation économique et sociale des ménages guyanais nous enjoint d'abroger cette taxe, deux autres raisons militent en faveur de cette suppression.
Tout d'abord, en reportant chaque année l'entrée en vigueur de la taxe, le Parlement et le Gouvernement endossent la responsabilité d'une augmentation continue des intérêts de l'aide accordée par l'AFD. Le capital est de 19,5 millions d'euros, mais les intérêts s'ajoutent depuis 2007.
Si les Guyanais ont bénéficié de l'étalement de la hausse des prix, le Gouvernement et le Parlement sont aujourd'hui responsables du coût de cette mesure.
Permettez-moi de poser d'autres questions sur cette facilité de caisse accordée à la SARA : la dotation de l'AFD n'étant pas inscrite dans les comptes annuels de cette société, l'aide a-t-elle bien été attribuée ? Si oui, à qui ? Puisqu'il s'agit d'une aide d'État, la procédure communautaire a-t-elle été respectée ? À cet égard, pouvez-vous nous indiquer quelle a été la réponse de la Commission européenne à la notification préalable au versement de l'aide ?
Je ne peux croire qu'une aide illégale aurait été versée ni même qu'une aide légale n'aurait pas été notifiée, car, dans l'un des deux cas, l'État serait dans l'obligation de récupérer l'aide versée. Il ne serait alors plus question que les Guyanais soient assujettis à la taxe additionnelle sur les carburants, devenue caduque.
Madame la secrétaire d'État, allez-vous soutenir, à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances, l'abrogation de la taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation sur les carburants en Guyane ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Valérie Pécresse ce matin.
Comme vous venez de le rappeler, les carburants routiers distribués en Guyane ont été mis aux normes européennes le 1er février 2007. Compte tenu de la situation économique, le surcoût de cette mise aux normes n'a pas été appliqué aux consommateurs guyanais dès 2007.
L'article 88 de la loi du 25 décembre 2007 prévoyait que ce surcoût devait être lissé dans le temps, une taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation devant être appliquée pour financer cet étalement.
Mais comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l'entrée en vigueur de cette taxe a depuis été reportée, et ce à plusieurs reprises.
En effet, et particulièrement depuis 2010, un rattrapage significatif des prix économiques des carburants est intervenu en Guyane, notamment sur le fondement des recommandations formulées par une mission parlementaire, par l'Autorité de la concurrence et par l'Inspection générale des finances.
Un nouveau dispositif réglementant les prix des produits pétroliers en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane est opérationnel depuis le décret du 8 novembre 2010. En octobre 2011, les prix de vente réglementés en Guyane s'établissent à 1,67 euro le litre de supercarburant et à 1,53 euro le litre de gazole.
Un retour au niveau de fiscalité antérieur a été effectué au 1er juillet 2011.
Dans ce nouveau contexte, il semble maintenant opportun non pas de supprimer cette taxe, mais d'étudier comment le dispositif de taxation additionnelle pourrait s'insérer sans modifier les équilibres actuels.
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. La nouvelle réglementation aboutit à une différence de plus de 20 centimes d'euros entre le prix pratiqué en Guyane et la moyenne des prix constatée dans l'Hexagone. Dans ce contexte, je ne vois pas comment les Guyanais pourraient absorber l'obligation de rembourser cette taxe.
Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu à ma question sur la légalité de l'aide ou de la subvention versée aux pétroliers. Quelle a été la réponse de la Commission européenne à la notification préalable au versement de l'avance de trésorerie à l'AFD ?
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