Question de M. MIRASSOU Jean-Jacques (Haute-Garonne - SOC) publiée le 08/09/2011
M. Jean-Jacques Mirassou attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de la hausse de 6 % du prix des cigarettes annoncée pour 2011 et 2012. C'est au nom de la prévention et de la lutte contre le tabagisme que le Gouvernement prétend faire cette annonce. Une telle décision n'aura cependant aucune efficacité en matière de santé publique, puisque chacun sait que s'attaquer à ce problème impliquerait la mise en place d'une politique globale passant, par exemple, par l'éducation sanitaire. La mise en avant de cette justification vertueuse cache mal la réelle motivation de cette disposition qui consiste à remplir les caisses de l'État. Elle ne remplira pas non plus ses objectifs en matière de fiscalité si des dispositions ne sont pas rapidement prises pour empêcher les achats de tabac à l'étranger. Une telle augmentation est dans le même temps susceptible d'avoir des effets négatifs sur les plans de la sécurité et de l'économie - avec le renforcement d'un marché parallèle de la cigarette - ainsi que sur l'activité des acteurs économiques de proximité que sont les buralistes des zones transfrontalières. L'Institut national du cancer affirme ainsi qu'il existe une corrélation entre l'augmentation du prix du tabac et celle des achats transfrontaliers et de la contrebande. Une recherche de 2006 estime par exemple à 18,2 % la part des achats transfrontaliers légaux et illégaux en France. Par ailleurs, d'après le système d'information de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), le nombre de constatations de contentieux portant sur les tabacs et cigarettes de contrebande est stabilisé à des niveaux élevés : 12 796 en 2010, et aux alentours de 13 000 en 2011 selon les objectifs affichés. Témoignant des ambitions et de la rigueur des services des douanes, ces chiffres n'en sont pas moins révélateurs d'une difficulté à enrayer des trafics qui se développent à toutes les échelles, des grands réseaux internationaux en passant par les petits revendeurs isolés, ainsi que par les particuliers qui vont se ravitailler en cigarettes en dépassant les quotas autorisés. Ce phénomène a des effets très concrets pour les buralistes, qui proposent une gamme étendue de services à leurs concitoyens - y compris dans les zones frontalières rurales souffrant d'une baisse démographique où ils demeurent parfois l'un des rares commerces ouverts. Ces derniers ont une réelle importance pour nos territoires, puisqu'ils vendent non seulement des timbres fiscaux, mais ont également, pour la plupart d'entre eux, procédé à une diversification de leurs activités, investissant par exemple dans la vente de la presse. Ils sont pénalisés par une double concurrence, légale en Andorre et en Espagne notamment - et illégale. Il lui demande donc quelles sont les mesures d'accompagnement qu'il a prévues d'assortir à l'augmentation des prix du tabac de 6 % qu'il a récemment annoncée, qui permettraient tout à la fois d'assurer des rentrées fiscales à l'État, et de protéger les buralistes des régions transfrontalières d'une concurrence qui met en péril la pérennité de leurs activités.
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Transmise au Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État
Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale publiée le 26/10/2011
Réponse apportée en séance publique le 25/10/2011
M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question porte sur le récent relèvement de 6 % des prix des produits du tabac. Le Gouvernement prétend que cette augmentation pourrait avoir un effet efficace sur l'état sanitaire de nos concitoyens. Certes, cette préoccupation est louable, mais elle se heurte à la dure réalité. Pour avoir un tel effet, cette hausse devrait être accompagnée d'un important programme d'éducation sanitaire, en particulier à destination des jeunes, qui sont le public visé par cette mesure. Or, quand on voit l'état de délabrement avancé de la médecine scolaire, on comprend qu'il ne s'agit là que d'une attitude de façade.
En réalité, l'augmentation du prix du tabac, malgré les justifications vertueuses du Gouvernement, ne vise, très prosaïquement, qu'à tenter de renflouer les caisses de l'État. Elle pénalisera, c'est une évidence, les personnes dont les revenus sont les plus faibles, à l'instar de la taxe sur les sodas, dont nous aurons l'occasion de reparler.
Autrement dit, cette solution, si simple qu'elle en est même simpliste, aura des conséquences très négatives pour les débitants de tabac.
Aujourd'hui, 20 % des ventes de tabac se font en dehors du circuit officiel, c'est-à-dire des bureaux de tabac. Il y a évidemment une corrélation entre la hausse du prix du tabac et l'augmentation de ce taux.
Par ailleurs, on voit prospérer un marché parallèle, qui est parfois très organisé, parfois le fait uniquement de revendeurs isolés. En tout état de cause, ce marché est source d'un manque à gagner pour les buralistes.
En tant que sénateur de la Haute-Garonne, je suis particulièrement bien placé pour évoquer ce sujet. Dans notre département, nous sommes soumis à la double peine. Il n'aura en effet échappé à personne que la Haute-Garonne est un département limitrophe à la fois de l'Andorre et de l'Espagne. Les augmentations du prix du tabac y ont un effet très négatif et mettent véritablement en danger l'ensemble des buralistes frontaliers et au-delà. Ces derniers ont pourtant fait l'effort de diversifier leur offre. Je rappelle en outre qu'ils remplissent le rôle d'auxiliaires de l'État en assurant la vente des timbres fiscaux.
Madame la secrétaire d'État, concrètement, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour lutter contre le trafic de cigarettes et de tabac ? Quelles mesures entend-il adopter pour aider les buralistes à surmonter cette énième augmentation du prix du tabac ?
Je rappelle que, dans les campagnes, dans le monde rural, au sein des villages et des bourgs, un bureau de tabac est plus qu'un simple commerce. Il permet véritablement de préserver le lien social.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, Valérie Pécresse, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, me charge de vous apporter la réponse suivante.
Depuis 2003, les autorités françaises ont renforcé leur engagement en matière de lutte contre le tabagisme en poursuivant une politique de santé publique volontariste, qui se traduit, entre autres, par le relèvement progressif des prix des produits du tabac, tout en veillant à préserver la rémunération des buralistes. L'augmentation des prix du tabac intervenue le 17 octobre dernier est conforme aux annonces du Premier ministre le 24 août 2011.
S'agissant des différentiels de fiscalité et de prix du tabac entre États membres qui favorisent les achats de tabac à l'étranger, je vous indique que le rapport au Parlement établi en juillet dernier souligne que la structure de la fiscalité du tabac est d'ores et déjà harmonisée au sein de l'Union européenne.
Néanmoins, les effets de cette convergence fiscale ne se font pas immédiatement ressentir sur les prix de vente au détail, et des écarts significatifs demeurent. Voilà pourquoi la France pèsera de tout son poids auprès de la Commission européenne pour qu'une harmonisation des prix du tabac s'engage.
À défaut, il nous semble naturel et nécessaire de poser la question des restrictions de circulation du tabac. C'est la position que Xavier Bertrand et Valérie Pécresse devraient défendre ensemble à Bruxelles auprès du commissaire européen chargé des questions de santé.
L'étude réalisée par le ministère du budget en septembre 2011 sur les achats réalisés en dehors du réseau des buralistes fait ressortir que si 20 % du tabac consommé ne provenait pas du réseau des buralistes, seuls 5 % ont une origine illégale, les 15 % restants correspondant à des achats légaux réalisés en dehors du réseau français.
S'agissant de la lutte contre les trafics illicites, les services douaniers ont enregistré en 2010 leur meilleur résultat dans le domaine de la lutte contre les trafics de cigarettes et de tabac. Plus de 12 800 constatations ont abouti à la saisie de 350 tonnes de tabac, pour une valeur de plus de 81 millions d'euros.
De 2005 à 2010, les résultats douaniers dans la lutte contre les trafics de tabac ont ainsi progressé de 46 % en valeur et de 68 % en volume.
Mais nous n'en resterons pas là ! Valérie Pécresse a annoncé le 12 septembre 2011 à Lesquin un plan de renforcement de la lutte contre la contrebande de tabac. Ce dernier se décline en dix mesures, qui ciblent précisément les acteurs et les modes opératoires délictuels. Outre l'augmentation des objectifs de saisie fixés à la douane, les orientations portent sur les nouvelles méthodes d'investigation.
Enfin, s'agissant des buralistes, Valérie Pécresse a signé le 23 septembre dernier avec le président de la Confédération nationale des buralistes de France un troisième contrat d'avenir pour une période de cinq ans.
Le nouveau contrat, qui couvre la période 2012-2016, vise à conforter l'attractivité de l'activité de buraliste. Tout d'abord, il prévoit annuellement une augmentation de la rémunération liée à la vente de tabac. Ensuite, il aménage les aides budgétaires à l'activité, notamment les remises compensatoire et additionnelle, et les recentre sur les buralistes les plus en difficulté, notamment dans les zones frontalières, lesquelles sont plus exposées. Par ailleurs, il renforce la subvention de l'État au titre de la sécurité des buralistes, qui sera portée dès 2012 de 10 000 euros à 15 000 euros. Enfin, il consacre le rôle important de la profession, premier réseau de commerces de proximité - vous l'avez dit, monsieur le sénateur -, dans l'aménagement du territoire, notamment en zone rurale, via la mise en place d'une prime de service public de proximité d'un montant annuel de 1 500 euros.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que Valérie Pécresse tenait à vous apporter en réponse à vos interrogations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. La panoplie est importante, madame la secrétaire d'État ! Toutefois, vous n'arriverez pas à sortir de la logique de duplicité que j'évoquais tout à l'heure, à savoir dire : « Vive la santé, à bas le tabac ! » tout en regardant les rentrées fiscales avec des dollars plein les yeux, à la façon de l'Oncle Picsou... Il faudra bien que le Gouvernement mette fin un jour ou l'autre à cette ambigüité !
Vous dites, madame la secrétaire d'État, que, selon une étude, seuls 5 % des 20 % des achats réalisés en dehors du réseau des buralistes ont une origine illégale. Peut-être... Mais vous ne m'empêcherez pas de penser que, dans un département limitrophe tel que celui de la Haute-Garonne, ce taux mériterait d'être revu à la hausse.
Si j'ai posé cette question orale, c'est parce que je connais très bien les terribles difficultés dans lesquelles sont plongés les buralistes, singulièrement dans le Piémont pyrénéen.
Vous avez également rappelé, madame la secrétaire d'État, que les bureaux de tabac jouent un rôle majeur en termes de maintien du lien social dans les villages. Il convient donc de resituer le problème dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire.
Je prends note des mesures que vous avez annoncées en faveur de cette catégorie de commerçants, mais j'aimerais être sûr qu'elles prendront effet à court terme et qu'elles seront de nature à rassurer la profession concernée.
Je resterai donc très vigilant quant à ce dossier.
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