Question de M. ANDREONI Serge (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 23/06/2011

M. Serge Andreoni appelle l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la récente annonce de la vente de la raffinerie Lyondellbasell de Berre l'Étang et, à travers cette annonce, sur l'avenir du site pétrochimique tout entier.

Cette annonce a été reçue avec beaucoup d'émotion et d'inquiétude par les salariés de la raffinerie, mais de tout le site également, d'autant que depuis la vente à Lyondellbasell par Shell en 2007, l'entreprise n'a jamais réussi à gagner totalement la confiance des salariés, n'offrant pas de véritables perspectives d'avenir pour le site. Et cette annonce ne peut qu'amplifier ce phénomène.

Certes, le raffinage européen souffre aujourd'hui, mais les arguments développés par le groupe pour vendre ne tiennent pas et l'on sait que cette activité restera rentable dans le futur, car cette raffinerie alimente un vapocraqueur performant et, au-delà, tout l'aval de la chimie, qui, lui, est parfaitement rentable. Il faut donc raisonner sur la globalité du site pour apprécier sa rentabilité réelle.

Il est clair que la décision de Lyondellbasell est le fruit d'une stratégie financière, et non plus industrielle, que l'on ne peut laisser pratiquer ainsi, car ce sont des pans entiers de notre industrie qui vont disparaître et avec eux des milliers d'emplois. La raffinerie est vitale pour le site tout entier mais aussi pour tout le bassin d'emplois de cette région. Une fermeture de la raffinerie représenterait la perte de 350 emplois directs, plus les indirects ; le site ne serait plus viable et ce serait 1 250 emplois directs et près de 6 000 induits qui disparaîtraient, mettant en péril l'activité économique de cette région. C'est pourquoi il est primordial et vital que Lyondellbasell s'engage effectivement dans le processus de vente annoncé, que les salariés soient régulièrement informés des recherches pour trouver un repreneur, que celui-ci offre toutes les garanties requises, et que les intérêts des salariés soient toujours au centre des débats.

Il lui demande donc de suivre cette vente avec la plus grande attention afin qu'elle aboutisse positivement et que les salariés de la raffinerie Lyondellbasell puissent obtenir toutes les garanties que ce rachat s'inscrira dans un engagement de développement industriel pérenne.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 13/07/2011

Réponse apportée en séance publique le 12/07/2011

M. Serge Andreoni. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la vente annoncée de la raffinerie LyondellBasell de Berre-l'Étang a fait l'effet d'une bombe. Le groupe LyondellBasell Industries, ou LBI, l'avait en effet achetée voilà trois ans à peine.

Je voudrais, monsieur le secrétaire d'État, attirer votre attention sur cette annonce et, à travers elle, sur l'avenir du site pétrochimique tout entier.

Cette annonce a été reçue avec beaucoup d'émotion, d'inquiétude et même de colère par tous les salariés de la raffinerie, mais également de l'ensemble du site, et ce d'autant que, depuis l'achat de la raffinerie à la société Shell, ils ont vécu un véritable cauchemar économique et social, LyondellBasell n'ayant jamais réussi à gagner totalement leur confiance du fait de l'absence de véritables perspectives d'avenir pour le site.

Certes, le raffinage européen souffre, mais les arguments développés par le groupe pour vendre ne tiennent pas. On sait que cette activité restera rentable dans le futur, comme l'a d'ailleurs montré l'AFII, l'Agence française pour les investissements internationaux, selon laquelle l'équilibre serait atteint dès 2012, une progression importante et constante permettant ensuite d'obtenir une rentabilité de 6 dollars à partir de 2015. En outre, cette raffinerie alimente un vapocraqueur performant et, au-delà, tout l'aval de la chimie qui, lui, est parfaitement rentable. Il est donc clair que la décision de LBI est le fruit d'une stratégie financière et non plus industrielle, l'entreprise étant entrée en bourse récemment.

Peut-on rester inerte devant cette évolution ? Ce sont des pans entiers de notre industrie qui vont disparaître et, avec eux, des milliers d'emplois : la fermeture de la raffinerie représenterait la perte de 350 emplois directs, auxquels il conviendrait d'ajouter les emplois induits et indirects, et pourrait se traduire par la disparition de 1 250 emplois directs et près de 6 000 emplois induits par un « effet domino » sur le reste du site. Ce dernier pourrait alors ne plus être viable, ce qui mettrait en péril l'activité économique de notre région.

Monsieur le secrétaire d'État, cette annonce a un impact politique évident, qui dépasse largement la sphère privée. Son incidence est forte au niveau local, certes, mais aussi à l'échelon national, qu'il s'agisse de notre politique énergétique ou de la maîtrise de nos infrastructures pétrolières.

Le projet de LBI pour sa raffinerie a une résonnance nationale évidente. En outre, les motifs comme la logique industrielle qui sous-entendent cette annonce apparaissent difficilement justifiés et pour le moins incompréhensibles. Rappelons que cette activité acquise par LyondellBasell s'inscrivait dans une perspective d'investissement à long terme et dans une logique de pleine intégration avec les activités chimiques du site…

Nous sommes loin, désormais, de ces engagements qui avaient fait naître de grands espoirs. Au contraire, la crainte est forte, au regard de la situation actuelle, qui semble s'inscrire dans la poursuite de la désindustrialisation à laquelle nous assistons depuis longtemps. Et ce ne sont pas l'introduction des condensats dans le process du vapocraqueur, au détriment, peut-être, des produits issus du raffinage, et la reprise de l'idée du Oil Tanking par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille – il conviendrait, monsieur le secrétaire d'État, de l'interdire définitivement –, qui aboutirait à la fermeture d'une raffinerie, au moins, sur le pourtour de l'étang de Berre, qui seraient de nature à dissiper l'inquiétude des salariés et des collectivités territoriales !

À la lumière des premières conclusions de la table ronde sur le raffinage, assez pessimistes malgré quelques pistes intéressantes, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État – tout en vous remerciant d'avoir permis à l'intersyndicale du site d'être reçue par les services de l'État, qui se sont montrés à l'écoute et mobilisés, comme l'est localement le P-DG – quelles actions concrètes l'État envisage de mettre en œuvre pour assurer la pleine exécution par LBI de ses obligations et de ses responsabilités, notamment à l'égard des salariés, afin d'assurer un avenir pérenne à ce site industriel stratégique pour notre pays.

Je vous demande enfin, monsieur le secrétaire d'État, d'être vigilant et de suivre avec attention cette vente, afin qu'elle puisse répondre à la double nécessité d'un véritable projet industriel et de la prise en compte du facteur humain, qui est primordial à mes yeux.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne peut être présent aujourd'hui et vous prie de bien vouloir l'en excuser, m'a chargé de répondre à votre question.

Comme vous le savez, le groupe LyondellBasell, qui exploite à Berre une raffinerie, un vapocraqueur et une unité chimique, a annoncé, le 31 mai dernier, la mise en vente de la raffinerie, qu'il justifie par les pertes financières constatées sur l'activité de raffinage.

Le secteur français du raffinage fait face à d'importantes difficultés structurelles en raison de la baisse de la demande pétrolière, de l'augmentation du déséquilibre entre l'essence et le gazole et de marges de raffinage durablement faibles. Les perspectives d'évolution de la consommation française de produits pétroliers à l'horizon 2020-2030 sont en recul de 20 % par rapport à 2005.

Confronté à ce constat, j'ai réuni, le 22 juin dernier, l'ensemble des acteurs de la filière du raffinage en France, pour leur présenter les grandes orientations de l'action des pouvoirs publics afin de faire face à cette situation, sur la base des travaux approfondis menés depuis la table ronde nationale sur le raffinage organisée le 15 avril 2010.

La mobilisation du Gouvernement repose sur la conviction que la filière du raffinage, qui représente 15 000 emplois directs et trois à cinq fois plus d'emplois indirects, constitue une filière clef pour notre pays.

Aussi le plan d'action envisagé a-t-il pour objectif, en premier lieu, d'assurer la sécurité d'approvisionnement de la France en produits pétroliers, en deuxième lieu, de favoriser la compétitivité et la pérennité de la filière du raffinage en France, en troisième lieu, et enfin, d'anticiper le plus en amont possible les restructurations à mener et les reconversions qui pourraient se révéler nécessaires.

Concernant la vente de la raffinerie de Berre, en complément des recherches menées par LyondellBasell pour trouver un acquéreur, j'ai souhaité confier à l'Agence française pour les investissements internationaux une mission de recherche de repreneurs potentiels. L'AFII, qui dispose d'un réseau de 160 collaborateurs dans 22 pays, bénéficie d'une expérience reconnue dans la recherche d'investisseurs désireux de reprendre des sites industriels.

Mes services veilleront à ce que tout projet de reprise de la raffinerie qui pourrait être identifié assure la pérennité de l'ensemble des activités développées sur le site.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que mon cabinet suit très attentivement la situation de cette raffinerie et du site de Berre.

M. le président. La parole est à M. Serge Andreoni.

M. Serge Andreoni. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de vos propos rassurants, d'ailleurs corroborés localement par le P-DG de l'entreprise. Malgré tout, mon inquiétude persiste.

Plusieurs scénarios ont été envisagés.

Soit il n'y a pas de repreneur. Il faut alors envisager la fermeture de la raffinerie et l'effet domino qu'elle pourrait entraîner, qui pourrait conduire, à terme, à l'arrêt du site tout entier. Dans ce cas, je souhaiterais connaître de façon définitive la position de l'État sur le Oil Tanking que la chambre de commerce et d'industrie de Marseille souhaite développer et qui aboutirait nécessairement, je le répète, à la fermeture d'au moins une raffinerie sur le pourtour de l'étang de Berre.

Soit il y a un repreneur sur le seul périmètre de la raffinerie, sans investissement majeur ; cependant, un tel repreneur sera très difficile à trouver, la raffinerie seule n'étant pas suffisamment rentable.

Ces deux scénarios sont ceux que nous craignons le plus.

Il peut également se présenter – le rôle du Gouvernement est à cet égard essentiel – un repreneur sur le seul périmètre de la raffinerie avec un investissement majeur, c'est-à-dire la création d'un hydrocraqueur, ce qui est possible avec un acquéreur producteur. Cependant, ce scénario, si intéressant soit-il, nécessitera des aides fortes de l'État, c'est pourquoi je vous en fais part, monsieur le secrétaire d'État.

Autre scénario, le périmètre de la vente peut être ouvert sur une partie du site – port, raffinerie, vapocraqueur. En ce cas, la probabilité de trouver un repreneur est moindre, du fait du risque d'éclatement du site et de la perte de synergie pour tous les acteurs.

Il peut encore se produire une reprise de l'ensemble du site…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Serge Andreoni. La solution idéale, qui permettrait d'envisager l'avenir, serait la reprise de l'ensemble du site, ce que ne souhaite pas LBI.

Monsieur le secrétaire d'État, comme vous pouvez le constater, la situation est complexe et incertaine. Je renouvelle donc toutes mes interrogations. Je vous demande de tout mettre en œuvre pour faire cesser la désindustrialisation de notre pays et assurer la pérennité de ce site, en termes industriels et humains.

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