Question de Mme DURRIEU Josette (Hautes-Pyrénées - SOC) publiée le 02/06/2011

Mme Josette Durrieu attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur le problème rencontré dans les Hautes-Pyrénées de communes, fragments des Pyrénées-Atlantiques, constituant des « enclaves historiques » remontant au XIe siècle.

Le schéma départemental proposé par le préfet des Hautes-Pyrénées laissait naturellement les trois communes de Séron (275 habitants), Luquet (342 habitants) et Gardères (411 habitants), parties intégrantes du canton d'Ossun (65), membres de la communauté de communes de ce même canton. Mais le schéma a été redéfini par le préfet des Pyrénées-Atlantiques qui revendique l'intégration de ces trois enclaves historiques dans la communauté de communes d'Ousse-Gabas (64).

La situation géographique de ces « enclaves historiques » fait apparaître à l'évidence une « discontinuité territoriale ». Et de ce fait, ces trois communes se trouvent séparées de la commune d'Ossun par deux communes des Pyrénées-Atlantiques (Ger et Pontacq).

Elle indique que d'autres critères de cohérence peuvent être avancés et opposés à l'argument géographique de « continuité territoriale ». Il s'agit de l'appartenance historique de ces trois communes au canton d'Ossun, à son « bassin de vie » (écoles, collèges, lycées, hôpitaux, …) et à une sphère d'activité économique et d'emploi bien identifiée et axée sur Tarbes et Toulouse (région Midi-Pyrénées) et non sur Pau et Bordeaux (région Aquitaine).

Elle demande quelle méthode sera employée pour résoudre au mieux ce problème. Après l'avis de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) des Hautes-Pyrénées, celui d'une CDCI inter-départementale sera-t-il sollicité?

Elle rappelle que le but du législateur est d'affirmer une cohérence territoriale qui soit le support pertinent de projets volontaires portés par une dynamique locale comme l'est, par exemple, l'extension de la zone aéroportuaire de « Pyrène Aéropôle » sur la commune de Luquet. Il ne peut être envisagé de créer des situations qui bouleverseraient l'organisation des territoires.

Dans ces conditions très spéciales, elle lui demande quelle réponse, cohérente et humaine, il consentira à l'expression légitime des populations locales et de leurs élus.

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Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 15/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2011

Mme Josette Durrieu. Ma question s'adressant à M. le ministre de l'intérieur, je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir y répondre.

Je souhaite attirer votre attention sur le problème, lié à la réforme de l'intercommunalité dans les Hautes-Pyrénées, rencontré par trois communes qui sont des « enclaves historiques » et non de simples communes isolées. Si Luquet, Gardères et Séron constituent depuis le XIe siècle des « fragments » du Béarn et de l'actuel département des Pyrénées-Atlantiques, elles sont incluses à l'intérieur de la Bigorre et des Hautes-Pyrénées. Si le problème persiste, se poseront alors naturellement des difficultés en termes de continuité – ou de discontinuité – géographique.

Ma question est triple.

Premièrement, le schéma départemental proposé par le préfet des Hautes-Pyrénées en avril dernier maintient, comme c'est l'évidence, les trois communes intégrées au canton d'Ossun dans la communauté de communes de ce même canton.

Notons que, dans la mesure où cette dernière a été instituée en 1994, c'est-à-dire avant la loi de 1999, l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales autorise la discontinuité géographique.

Madame la ministre, quelle appréciation portez-vous sur ce point et cette situation juridique antérieure ?

Deuxièmement, le schéma départemental proposé par le préfet des Hautes-Pyrénées a été redéfini par le préfet des Pyrénées-Atlantiques par lettre en date du 19 avril dernier. Celui-ci réclame l'intégration des trois communes dans la communauté de communes Ousse-Gabas, située donc dans les Pyrénées-Atlantiques, au nom de la continuité géographique.

Je précise que la lettre du préfet des Pyrénées-Atlantiques faisait suite à une « instruction » de M. le ministre de l'intérieur, prise, elle aussi, sous la forme d'un simple courrier et qui traitait directement de ce problème.

Une instruction prise sous cette forme est-elle impérative ou simplement indicative ? De là découle une autre interrogation : quelle est la force juridique et réglementaire d'une telle décision ?

Troisièmement, les enclaves historiques sont des « exceptions » qui n'ont pas été prises en considération par la loi de décembre 2010, contrairement à ce qu'elle a prévu, par exemple, pour les zones de montagne.

Au demeurant, le législateur a insisté, lui aussi, sur la cohérence d'un territoire continu. Tant au cours des débats que dans le texte, il a également mis l'accent sur le critère de continuité physique, qui doit être apprécié avec discernement, terme ô combien important.

La prise en compte du critère géographique ne peut et ne doit en aucun cas bouleverser l'organisation d'un territoire.

Par ailleurs, les notions de « bassin de vie », de projet économique, d'organisation administrative et politique relèvent de considérations historiques et humaines qui s'imposent bien évidemment sur les considérations géographiques.

Les trois maires des communes concernées s'opposent fermement à la proposition du préfet des Pyrénées-Atlantiques, soutenus en cela par tous les élus des Hautes-Pyrénées.

Si la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, des Hautes-Pyrénées approuve la solution préconisée par le préfet des Hautes-Pyrénées, c'est-à-dire l'affirmation du statu quo, qu'advient-il, madame la ministre, de la revendication du préfet des Pyrénées-Atlantiques consécutive aux instructions de M. le ministre de l'intérieur ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, la question des communes en situation de discontinuité territoriale doit désormais être appréciée au regard des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui prévoit l'élaboration d'un schéma départemental de coopération intercommunale, ou SDCI, ayant notamment pour objectifs la suppression des enclaves et des discontinuités territoriales.

Vous évoquez le cas particulier de la communauté de communes du canton d'Ossun, dont trois des communes membres – Séron, Luquet et Gardères – constituent une enclave du département des Hautes-Pyrénées au sein de celui des Pyrénées-Atlantiques.

À cet égard, il était prévisible que, à l'occasion de l'élaboration du projet de SDCI, le préfet des Pyrénées-Atlantiques propose le rattachement de ces trois communes à la communauté de communes Ousse-Gabas dont elles sont limitrophes.

Ce faisant, le préfet n'a fait que se conformer aux prescriptions de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, lesquelles ne prévoient aucune dérogation à l'objectif de suppression des enclaves et des discontinuités territoriales affectant des EPCI à fiscalité propre. L'achèvement de la carte intercommunale est, en effet, l'un des objectifs majeurs assignés aux SDCI.

Cet objectif a fait l'objet d'un très large consensus lors des débats parlementaires, et il a été admis que la situation était désormais mûre pour procéder à la recomposition d'intercommunalités qui se sont constituées il y a plusieurs années sur des périmètres parfois incohérents et peu propices à la mise en œuvre de compétences intégrées.

Si de telles intercommunalités, dérogeant au principe d'un territoire intercommunal contigu, ont pu être exceptionnellement autorisées, c'est parce qu'elles permettaient d'amorcer le processus de mise en place des intercommunalités, à l'époque encore marginal.

Ces considérations ne se justifient plus : c'est pourquoi il n'est plus envisageable, y compris dans le cas de situations « historiques », d'ouvrir des dérogations au principe suivant lequel les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles sont définies comme des EPCI regroupant plusieurs communes, d'un seul tenant et sans enclave.

Il faut, en effet, souligner que la suppression des discontinuités territoriales est liée à l'exercice de compétences qui ne pourraient être mises en œuvre avec efficacité sur un territoire discontinu.

Dans le cas qui nous intéresse, le préfet des Hautes-Pyrénées a été saisi pour avis le 2 mai 2011 par son homologue des Pyrénées-Atlantiques de la proposition de rattachement, formulée dans le cadre du SDCI des Pyrénées-Atlantiques, intéressant des communes et un EPCI de son département.

Le 21 avril dernier, devant les membres de la CDCI, le préfet des Hautes-Pyrénées avait d'ailleurs publiquement indiqué lors de la présentation du schéma départemental que, s'il ne lui appartenait pas de prendre l'initiative d'une telle rationalisation, ces enclaves se situant dans un département voisin, il lui paraissait logique que le préfet des Pyrénées-Atlantiques se saisisse de ce sujet et lui adresse une proposition de rattachement des trois communes, totalement enclavées, à un EPCI des Pyrénées-Atlantiques.

À compter de sa saisine, le préfet des Hautes-Pyrénées dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer, après une nouvelle consultation de la CDCI, qui devrait se réunir en juillet. De plus, les communes concernées par ces modifications seront elles-mêmes consultées.

En tout état de cause, la CDCI des Pyrénées-Atlantiques et celle des Hautes-Pyrénées auront la possibilité de faire, à la majorité des deux tiers de leurs membres, des contre-propositions au projet de schéma de leur département respectif avant son adoption. Ces contre-propositions devront être conformes aux objectifs fixés par le législateur et ne pourraient déroger à la règle de continuité territoriale sans se voir annulées par le juge administratif.

Cela étant précisé, les solidarités historiques peuvent aussi s'exprimer autrement que par l'existence d'un EPCI à fiscalité propre : les communes ont en particulier la possibilité de s'associer pour faire vivre leur patrimoine culturel commun et réaliser des projets collectifs qui s'inscrivent dans la continuité de leur histoire partagée.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, je regrette infiniment cette réponse rigide et fermée, peut-être hâtive, qui ne prend absolument pas en compte la spécificité de ce que peuvent être des enclaves « historiques ».

La cohérence géographique ne s'impose pas à des élus à qui il revient, à un moment donné, d'avoir une maîtrise du développement de leurs territoires que je qualifierai de « volontariste ».

Dans cette réponse, vous ne prenez absolument pas en compte ce qui est essentiel, à savoir les projets de développement, que l'on taille délibérément en pièces dans le cadre d'une démarche particulièrement arbitraire.

Puisque vous-même faites référence à la cohérence, permettez-moi de vous dire qu'aucun de vos arguments n'a sa place dans un raisonnement cohérent.

La CDCI des Hautes-Pyrénées est appelée à se prononcer. Je suis convaincue que les deux tiers, sinon l'unanimité, des élus qui la composent rejetteront la proposition du préfet des Pyrénées-Atlantiques, donc celle de M. le ministre de l'intérieur, pour se ranger à la proposition initiale du préfet des Hautes-Pyrénées.

Au demeurant, madame la ministre, vous avez souligné qu'aucune dérogation ne serait acceptée, au nom de l'efficacité. Mais de quelle efficacité s'agit-il ? Quelle en est la nature ? Si je vous pose aussi ces questions, c'est parce qu'elles appellent selon moi un certain nombre de réponses susceptibles de sortir du simple cadre de l'aménagement du territoire pour rejoindre le terrain politique.

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