Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC-SPG) publiée le 18/05/2011

Question posée en séance publique le 17/05/2011

Concerne le thème : L'apprentissage dans le cadre des douzièmes journées de l'apprentissage

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Alors que le chômage touche un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans, que les recours aux emplois précaires, aux CDD et au temps partiel, se multiplient,…

M. Guy Fischer. C'est la vérité !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … le Gouvernement, à grand renfort de communication, mise sur l'apprentissage, censé constituer le remède miracle face aux difficultés d'insertion des jeunes sur le marché du travail ainsi qu'à l'orientation d'élèves mis au ban du système scolaire. Le Gouvernement annonce l'objectif de 800 000 apprentis en 2015 et de 1 million à terme, alors qu'il était de 425 000 apprentis en 2009.

Pour ce faire, loin, très loin, de revaloriser la rémunération des apprentis, le Gouvernement préfère centrer ses mesures d'incitation sur les entreprises. Ainsi, est mise en place une exonération de charges d'un an…

M. Guy Fischer. Une de plus !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … pour toute nouvelle embauche en alternance dans les entreprises de moins de 250 salariés. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, un système de malus est prévu si elles n'atteignent pas le nouveau quota d'apprentis, qui est passé de 3 % à 4 %. Un système de bonus de 400 euros par contrat et par an est également prévu pour celles qui franchiront le seuil des 4 % !

M. Guy Fischer. C'est comme pour l'emploi des personnes handicapées !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Enfin, si en effet un « vivier » de maîtres d'apprentissage est constitué, c'est au prix d'un abaissement des critères à satisfaire pour pouvoir exercer cette fonction, puisque vous faites passer de cinq à trois ans le nombre d'années d'expérience requises.

Si l'apprentissage, avec une rémunération comprise entre 25 % et 78 % du SMIC, réserve la portion congrue aux jeunes, que l'on se rassure, il profitera bien aux entreprises...

Le Gouvernement met en avant l'apprentissage de manière dogmatique,…

M. Guy Fischer. Idéologique !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … sans s'interroger réellement sur ses effets pour ceux qui doivent en être les premiers bénéficiaires, à savoir les jeunes.

Madame la ministre, sur quels éléments concrets vous appuyez-vous pour étayer l'utilité de l'apprentissage pour les jeunes ? Plus précisément, quel est le taux de rupture des contrats d'apprentissage ? Combien de jeunes sortent effectivement diplômés de ces formations ? Enfin, quel est le taux d'insertion professionnelle post-apprentissage ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère chargé de l'apprentissage et de la formation professionnelle publiée le 18/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 17/05/2011

Mme Nadine Morano, ministre. Madame la sénatrice, il n'y a pas de remède miracle ; il n'y a que des leviers puissants. Or personne dans cette assemblée ne peut contester que la formation en alternance soit l'un de ces leviers puissants qui permettent aux jeunes d'entrer sur le marché de l'emploi et dans l'entreprise.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme Nadine Morano, ministre. Ma réponse intéressera également votre collègue Ronan Kerdraon, qui m'a interrogée à l'instant. Vous voulez des actes concrets ? Deux décrets d'application ont été publiés au Journal officiel ce matin : le décret relatif à l'aide à l'embauche d'un jeune sous contrat d'apprentissage ou de professionnalisation supplémentaire dans les petites et moyennes entreprises, qui prévoit zéro charge pour les apprentis de moins de vingt-six ans dans les entreprises de moins de 250 salariés, décret rétroactif au 1er mars 2011, et le décret relatif à l'aide à l'embauche des demandeurs d'emploi de quarante-cinq ans et plus en contrat de professionnalisation, aide qui s'élève à 2 000 euros.

S'agissant de l'apprentissage et de l'alternance, j'entends beaucoup dire lors de mes déplacements dans les CFA que ce n'est pas la rémunération qui compte pour les jeunes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Ah bon ? Nous n'entendons pas la même chose !

Mme Nadine Morano, ministre. Ce qui est important pour eux, c'est de pouvoir entrer dans le monde de l'entreprise.

Vous l'avez de nouveau souligné, en ce qui concerne les maîtres d'apprentissage, nous avons décidé, après consultation des partenaires sociaux, de l'ensemble des acteurs et des branches professionnelles, de baisser le niveau d'expérience professionnelle requis dans certains secteurs, où une pratique de cinq ans ne se justifie pas. À charge pour les branches professionnelles concernées, si elles l'estiment nécessaire, de relever ce seuil.

Telle est la politique du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous apporterai quelques éléments d'information chiffrés : plus d'un tiers des apprentis ne trouvent pas d'emploi à l'issue de leur formation ; les ruptures de contrat concernent environ un quart des apprentis chaque année et atteignent dans certains secteurs, comme l'hôtellerie et la restauration, 37 % ; le taux de réussite aux examens professionnels des apprentis est inférieur à celui des élèves ayant suivi la voie scolaire, respectivement de 5 points en CAP et de 6,5 points en BTS.

Par ailleurs, madame la ministre, l'une de mes préoccupations, en tant que rapporteure pour avis sur les crédits consacrés à l'enseignement professionnel, reste le financement annoncé. Depuis 2005, le financement de l'apprentissage s'est fait au détriment de l'enseignement professionnel, par transferts de fonds de l'un vers l'autre.

Or votre réforme de la taxe d'apprentissage renforcera encore ce déséquilibre en plafonnant la part de la taxe professionnelle affectée aux formations professionnelles initiales à 960 millions d'euros, le surplus étant alors reversé pour le financement des contrats d'apprentissage par fléchage des entreprises à la formation de leur choix, et ce alors même qu'il captait déjà 52 % du produit de la taxe ! Vous l'avez souligné, cette part va encore augmenter.

Selon nous, l'apprentissage est loin de pouvoir être érigé en modèle unique et absolu, surtout quand son développement irraisonné étrangle dans le même temps les lycées d'enseignement professionnel, qui ont tant besoin de participer à la valorisation de la voie professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

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