Question de M. BEL Jean-Pierre (Ariège - SOC) publiée le 08/04/2011
Question posée en séance publique le 07/04/2011
M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, je pense vraiment qu'il serait grave pour nous tous et, je le dis solennellement, qu'il serait grave pour la France de ne pas prendre la mesure de ce qui s'est passé lors des derniers scrutins électoraux. Plus de 55 % des Français ne sont pas allés voter et les autres, près de deux personnes sur dix, ont déposé dans l'urne un bulletin Front national.
Le message envoyé par nos concitoyens est un message fort, déterminé, même s'il exprime le désarroi, le découragement, le sentiment que rien jamais ne change, que ceux qui gouvernent ne les entendent pas. Désarroi, découragement, mais aussi, pour beaucoup d'entre eux, désespoir...
Nous avons tous, dans ce contexte, l'impérieuse obligation de comprendre ce que ce vote exprime et d'y répondre.
Pour nous, pour la gauche, même si ces élections ont constitué une victoire au sens électoral du terme, il nous faut aller plus loin. Il nous faut proposer des solutions concrètes, des réponses adaptées aux attentes des Français sur l'emploi, le logement, l'éducation, la santé et les services publics dont ils ont tant besoin. Nous nous y sommes employés ; le projet pour le changement présenté par le parti socialiste est aujourd'hui dans le débat public et correspond à cette attente.
Mais vous, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement, votre majorité, vous qui êtes au pouvoir depuis dix ans, quels enseignements en tirez-vous ?
La priorité pour nos concitoyens aujourd'hui, ce n'est pas la mise en place de jurys populaires dans les tribunaux correctionnels. C'est le pouvoir d'achat, la vie chère, l'emploi...
Leurs préoccupations, ce ne sont pas des débats ambigus et dangereux sur la place de l'islam dans notre société. (M. René-Pierre Signé opine.) Elles concernent l'avenir de leurs enfants, la possibilité qu'ils auront d'apprendre, de trouver un travail et de vivre dignement.
Monsieur le Premier ministre, les représentants des grandes religions de notre pays, des voix au sein de votre majorité, et vous-même, m'a-t-il semblé, ont exprimé leur refus et leur gêne. Mais alors, quand allez-vous faire en sorte que l'on cesse d'agiter les peurs et les fantasmes, dans le seul but de récupérer l'électorat le plus extrême de la droite française ? Comment comptez-vous agir pour faire vivre dans notre pays l'idéal républicain ? Quand allez-vous faire comprendre au Président de la République que son rôle n'est pas de diviser, de stigmatiser, mais bien de rassembler les Français tout simplement pour faire avancer la France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 08/04/2011
Réponse apportée en séance publique le 07/04/2011
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la meilleure façon de lutter contre les extrémistes, de droite ou de gauche, qui n'ont jamais apporté que du malheur et des souffrances à notre pays au cours de son histoire,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De quoi parle-t-il ?
M. François Fillon, Premier ministre. ... c'est de mener un débat politique serein, qui s'appuie sur les réalités. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Guy Fischer. Amalgame !
M. Jean-Louis Carrère. C'est la politique du torero !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons connu une crise économique et sociale extrêmement grave, durant laquelle nous nous honorons d'avoir mis en uvre une politique qui nous a permis de faire deux fois mieux que les autres pays européens. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)
La reprise de l'activité économique en France, en 2010, a été franche : une croissance de 1,5 %, 110 000 créations d'emplois, au lieu des 80 000 prévus dans la loi de finances que vous avez votée.
M. René-Pierre Signé. Des emplois partiels !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons également réussi à réduire le déficit à 7 % en 2010, alors que celui prévu dans la loi de finances était de 8 %. Quant à la perspective d'une croissance de 2 % en 2011, elle se confirme de jour en jour.
Mme Nicole Bricq. Formidable
M. François Fillon, Premier ministre. Elle se confirme à travers les premiers chiffres de l'emploi pour le début de l'année 2011,...
M. René-Pierre Signé. Emplois partiels !
M. François Fillon, Premier ministre. ... à travers les investissements des entreprises, qui ont repris fortement, et à travers la consommation qui, après avoir fléchi un moment en 2010, se tient solidement au début de cette année.
Aujourd'hui, toute l'énergie du Gouvernement doit être concentrée sur le soutien à la reprise économique.
Le soutien à la reprise économique, c'est d'abord la défense de la compétitivité de l'économie française. C'est pour cette raison que nous avons supprimé la taxe professionnelle (Applaudissements sur les travées de l'UMP),...
Mme Nicole Bricq. On en est là !
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. François Fillon, Premier ministre. ... une taxe que le parti socialiste, dans son programme, prévoit de rétablir, ce qui n'est pas la meilleure façon d'envoyer un signal positif à l'économie française ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous devons poursuivre les efforts entrepris en matière de soutien à la recherche et à l'innovation.
M. Guy Fischer. Surtout pour le privé !
M. François Fillon, Premier ministre. Avec le crédit d'impôt recherche, avec la politique de soutien à la recherche publique et aux universités que nous menons,...
M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !
M. René-Pierre Signé. Pas de résultat !
M. Jean-Louis Carrère. Cela fait deux minutes trente ! (M. Jean-Louis Carrère montre un des afficheurs de chronomètre.)
M. François Fillon, Premier ministre. ... avec les investissements d'avenir, la France sera, en 2011, le pays européen qui aura le plus investi dans la recherche et développement.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. David Assouline. Sans résultat !
M. François Fillon, Premier ministre. J'ai remis, il y a quelques jours, les premiers crédits pour les laboratoires d'excellence à une centaine d'équipes de chercheurs français.
M. David Assouline. Ils travaillent pour Total ?
M. François Fillon, Premier ministre. Ces chercheurs m'ont tous confirmé que notre politique de soutien à la recherche et à l'innovation était suivie avec attention en Europe. (M. David Assouline s'exclame.)
Dans ce contexte, il importe d'accélérer sur la question de l'emploi des jeunes. Vous proposez, dans votre projet, de créer 300 000 emplois jeunes dans le secteur public. Avec Xavier Bertrand, nous voulons créer 800 000 emplois de jeunes en alternance.
M. Laurent Béteille. Très bien !
M. David Assouline. Vous êtes là depuis dix ans ! Qu'avez-vous fait ?
M. François Fillon, Premier ministre. Afin d'y parvenir, nous avons décidé que les entreprises qui choisiraient d'embaucher des jeunes en alternance ne paieraient aucune charge pendant un an. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Joseph Kergueris applaudit également. Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, je voudrais évoquer le climat social. Vous étiez dans votre rôle en menant avec beaucoup de vigueur, voilà quelques mois, la bataille contre la réforme des retraites.
M. David Assouline. Heureusement, d'ailleurs !
M. René-Pierre Signé. On y reviendra !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans votre programme, vous annoncez, même si c'est de façon assez discrète, le rétablissement de la retraite à 60 ans. Or il ne vous a sans doute pas échappé que les partenaires sociaux ont signé, il y a quelques jours, un accord pour la réforme de l'AGIRC-ARRCO qui entérine les 62 ans et 67 ans. Cet accord a été signé par trois syndicats sur cinq, et notamment par la CFDT.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ils n'avaient pas le choix !
M. Guy Fischer. Seulement trois syndicats ! Ils n'ont pas tous signé !
M. François Fillon, Premier ministre. Voilà la réalité ! Le corps social, les partenaires sociaux ont aujourd'hui admis que la réforme des retraites votée par le Parlement était inéluctable et qu'elle devait être mise en uvre. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. Mieux : les partenaires sociaux, cette-fois-ci avec quatre syndicats sur cinq, ont voté l'accord sur l'UNEDIC et la négociation sur l'emploi des jeunes est engagée de façon très positive. Voilà une différence avec le pays que vous décrivez tous les jours !
M. David Assouline. C'est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez aux électeurs !
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. François Fillon, Premier ministre. Le pays réel, lui, aujourd'hui, voit des organisations syndicales signer avec le patronat des accords structurants pour l'économie française.
M. David Assouline. Il n'est pas normal de parler aussi longtemps !
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, bien entendu, la situation reste difficile. Bien entendu, la fragilité de certaines économies européennes demeure très importante.
M. David Assouline. Dix minutes !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous voyons dans quelle situation se trouvent le Portugal, la Grèce et l'Irlande. (MM. René-Pierre Signé et David Assouline s'exclament.) Mais quelle leçon en tirons-nous ? Qu'il faut être rigoureux s'agissant de la dépense publique ! La situation dans laquelle se trouvent ces pays, c'est le résultat d'une gestion qui n'a pas été suffisamment rigoureuse en matière de dépenses publiques. (M. David Assouline s'exclame de nouveau.)
Dans ce contexte, le programme du parti socialiste, qui a le mérite d'exister et qui nous permettra désormais de discuter non plus uniquement en écoutant vos critiques mais en donnant notre avis sur vos propositions,
M. David Assouline. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre.
est sidérant ! Il nous ramène en 1997. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Or, depuis cette date, que s'est-il passé ? Nous avons subi une crise économique et financière majeure, une attaque massive sur l'euro,
M. Jean-Louis Carrère. Oh !
M. David Assouline. C'est un meeting du Premier ministre ?
M. François Fillon, Premier ministre.
nous avons assisté à l'émergence de la Chine comme deuxième puissance économique mondiale,
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Jean-Louis Carrère. Ça suffit !
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Il ne fallait pas l'interroger !
M. François Fillon, Premier ministre.
et vous nous proposez de revenir aux solutions d'avant 1997 ?
M. René-Pierre Signé. Temps de parole !
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, réveillez-vous ! (Applaudissements nourris sur les travées de l'UMP. MM. Yves Pozzo di Borgo et Bruno Retailleau applaudissent également. Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Il n'y a pas de quoi applaudir !
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