Question de M. RIES Roland (Bas-Rhin - SOC) publiée le 31/03/2011

M. Roland Ries attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique sur le report des congés annuels d'un fonctionnaire territorial au-delà de la période de référence lorsque ce dernier n'a pu prendre ses congés annuels en raison de son placement en congé maladie.
Dans un arrêt rendu le 20 janvier 2009 (affaires C-350/06 et C-520/06), la Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle portant sur l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, a jugé que ladite directive s'oppose « à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé s'éteint à l'expiration de la période de référence et/ou d'une période de report fixée par le droit national, même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et que son incapacité de travail a perduré jusqu'à la fin de sa relation de travail, raison pour laquelle il n'a pas pu exercer son droit au congé annuel payé ». Pour mémoire, l'article 7 de cette directive reprend lui-même l'article 7 d'une précédente directive de 1993 (93/104CE du Conseil), entrée en vigueur quant à elle en 1996, faute de mesure de transposition expresse.
Prenant appui sur le droit communautaire, la Cour de cassation a consacré, pour les salariés de droit privé, le droit au report des congés payés en cas d'impossibilité de les prendre pour cause de maladie professionnelle dans un arrêt du 27 septembre 2007 (n°05-42.293), puis de maladie non professionnelle dans un arrêt du 24 février 2009 (pourvoi n°04-44488).
Dans un récent arrêt du 11 janvier 2011 (n°09-65514), la Cour a précisé que des dispositions statutaires (en l'occurrence, l'article 5 du décret n°84-972 du 26 octobre 1984 concernant les congés annuels des fonctionnaires de l'État) ne pouvaient s'opposer à un tel report.
En l'absence de mesures de transposition de la directive sur ce point et en l'absence de jurisprudence récente des juridictions administratives, les collectivités territoriales sont confrontées à l'obligation qui leur est faite d'appliquer le droit communautaire sans que des modalités précises ne leur soient données pour ce faire.
Par conséquent, il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir, en premier lieu, sur quelle durée l'agent en maladie peut conserver ses droits à congés annuels. Par exemple, le fonctionnaire qui est apte à reprendre le travail après cinq années de congé maladie pourra-t-il exercer son droit à prendre ses congés annuels qu'il aura accumulés et selon quelles modalités ? Faut-il par ailleurs qu'il établisse la preuve que son congé maladie l'a empêché de prendre son congé annuel ? Convient-il également de régulariser la situation de tous les agents (y compris ceux qui entre-temps ont quitté la fonction publique territoriale) se trouvant dans des cas similaires depuis l'entrée en vigueur en 1996 de la Directive 93/104CE ou depuis l'entrée en vigueur en 2004 de la Directive 2003/88/CE ou bien encore depuis l'arrêt du 20 janvier 2009 de la Cour de Justice de l'Union européenne ? Il souhaite enfin savoir si le Gouvernement entend, et dans quels délais, modifier le décret n°85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux (notamment son article 5) qui proscrit, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'autorité territoriale, le report sur l'année suivante du congé dû pour une année de service accompli.

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Transmise au Ministère de la fonction publique


Réponse du Ministère de la fonction publique publiée le 05/01/2012

Dans deux affaires jointes du 20 janvier 2009 (C-350/06 et C-520/06) et dans un arrêt du 10 septembre 2009 (Francisco Vicente Pereda, C-277/08), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a considéré que le droit national peut prévoir la perte du droit au congé annuel payé à la fin d'une période de référence ou d'une période de report à condition, toutefois, que le travailleur ait effectivement eu la possibilité d'exercer ce droit. Pour tenir compte de cette jurisprudence, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a élaboré la circulaire COTB1117639C en date du 8 juillet 2011. Celle-ci mentionne qu'il appartient à l'autorité territoriale d'accorder automatiquement le report du congé annuel restant dû au titre de l'année écoulée à l'agent qui, du fait d'un congé de maladie, n'a pas pu prendre tout ou partie dudit congé au terme de la période de référence. Dans un arrêt en date du 22 novembre 2011 (C-214/10, KHS AG contre Winfried Schulte), la CJUE est venue préciser sur quelle durée l'agent peut conserver ses droits à congé annuel lorsqu'il a été dans l'incapacité d'exercer ce droit pendant plusieurs années consécutives. Elle a ainsi jugé qu'un travailleur en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives, empêché de prendre son congé annuel payé durant ladite période, ne saurait avoir le droit de cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel. La Cour considère donc que des dispositions nationales peuvent prévoir une période maximale de report du droit au congé annuel, à l'expiration de laquelle ce droit sera perdu. À cet égard, la CJUE a précisé que toute période de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée. En l'espèce, elle a considéré qu'une période de report de quinze mois est conforme à la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Cette jurisprudence récente a un impact sur les trois versants de la fonction publique. Aussi, une analyse interministérielle est nécessaire afin de faire évoluer la réglementation nationale, notamment le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux.

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