Question de M. PERCHERON Daniel (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 17/03/2011

M. Daniel Percheron attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur sur le récent choix de l'armée de l'air des États-Unis d'attribuer le marché de ses avions ravitailleurs - portant sur 179 appareils, pour un montant estimé à 35 milliards de dollars (25,4 milliards d'euros) - à l'entreprise Boeing. Ce choix se fait au détriment du consortium formé de l'entreprise européenne EADS et du constructeur étasunien Northrop Grummann.
Il lui demande donc si, à l'avenir, pour remporter un marché industriel dans le secteur de la défense dans un pays européen, les États membres de l'Union européenne exigeront de toute entreprise non communautaire de s'allier avec une entreprise européenne. Il lui demande également si le Gouvernement qu'il représente a l'intention de pratiquer la « préférence communautaire » dans l'attribution des marchés publics des secteurs stratégiques et, le cas échéant, comment il compte concrètement mettre en œuvre cette politique.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 05/01/2012

L'US Air Force a annoncé, le 24 février 2011, la victoire de Boeing face à EADS pour le contrat de livraison de 179 avions ravitailleurs, pour un montant estimé à 35 Md$ environ. Après avoir pris connaissance des éléments ayant conduit à favoriser le groupe américain, EADS a décidé de ne pas faire appel de cette décision. Cette victoire de Boeing met ainsi fin à une compétition qui aura duré près de dix ans. Les principales étapes de cette compétition ont été : la tentative en 2001, dans le cadre du Patriot Act, pour attribuer sans compétition le contrat à Boeing, finalement rejetée suite à une enquête du Congrès révélant des surcoûts ; le positionnement d'EADS sur ce marché fin 2001 ; l'élimination d'EADS en 2002 suite à l'invocation d'un problème technique affectant l'A330 militarisé ; la perte du contrat par Boeing en 2004 suite à une affaire de corruption ; la signature d'un partenariat entre EADS et Northrop Grumman en 2005 ; le lancement d'un nouvel appel d'offres en 2006 ; l'annonce de la victoire d'EADS début 2008 pour un montant de 35 Md$ ; l'annulation du contrat en juin 2008 par la Cour des comptes américaine (l'agence GAO), saisie par Boeing au motif que l'attribution des contrat avait été entachée d'erreurs ; le lancement d'un nouvel appel d'offres en juillet 2008 finalement suspendu dans le contexte électoral américain ; le lancement de l'appel d'offres définitif en septembre 2009, pour lequel EADS s'est présenté seul suite au retrait de son partenaire Northrop Grumman fin 2009, et qui a donc été finalement remporté en février 2011 par Boeing. Les offres étaient jugées selon un processus à trois niveaux. Le premier niveau concernait 372 spécifications que les offres devaient obligatoirement respecter. Le deuxième niveau comparait les offres suivant un critère de prix ajusté selon trois facteurs représentatifs des performances de l'avion par rapport au modèle actuel (KC-135 de Boeing), de la consommation de carburant et des investissements complémentaires en infrastructures nécessaires pour soutenir les avions. Le troisième niveau n'était prévu qu'en cas d'écart inférieur à 1 % entre les offres en prix ajusté. Les deux offres de Boeing et d'EADS ont toutes deux passé le premier stade de la compétition en respectant les 372 critères obligatoires. Le choix a principalement résulté du critère de prix, l'offre de Boeing s'avérant nettement moins chère que celle d'EADS. Dans ces conditions, le groupe américain a été déclaré « clair vainqueur », comme l'a annoncé M. William Lynn, le secrétaire adjoint à la défense. Le troisième niveau de comparaison n'avait ainsi pas lieu d'être pris en compte. Le principe de « préférence communautaire » s'applique, d'ores et déjà, s'agissant des marchés industriels dans le secteur de la défense et de la sécurité. En effet, le commerce des armes et autres matériels destinés à l'approvisionnement des forces armées bénéficie d'une exclusion dans le cadre des accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'accord sur les marchés publics dispose ainsi qu'« aucune disposition du présent accord ne sera interprétée comme empêchant une Partie quelconque de prendre des mesures ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l'estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant aux marchés d'armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux marchés indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale » (art. XXIII). Il en résulte que les membres de l'OMC sont libres de prendre toute mesure relative au commerce des armes, comme de ne pas se soumettre aux règles de mise en concurrence pour les marchés de fournitures militaires ou de fermer l'accès à ces marchés aux opérateurs originaires de pays tiers, sans risquer de devoir répondre d'une éventuelle violation des règles de l'OMC devant l'Organe de règlement des différends. Au niveau de l'Union européenne (UE), cette exclusion implique que, dans le contexte spécifique des marchés de la défense et de la sécurité, les États membres « conservent le pouvoir de décider si oui ou non leurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent autoriser des agents économiques de pays tiers à participer aux procédures de passation des marchés ». En France, les opérateurs économiques issus de pays tiers à l'UE ou à l'Espace économique européen (EEE) sont exclus, par principe, des procédures de passation des marchés de défense ou de sécurité. Ce principe est affirmé à l'article 37-3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, et repris au I de l'article 215 du code des marchés publics. Les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices peuvent toutefois autoriser, au cas par cas, des opérateurs économiques issus de pays tiers à l'UE ou à l'EEE à participer à une consultation relative à un marché de défense ou de sécurité (II de l'article 215 du code des marchés publics). Les articles 218 et 232 du code des marchés publics fixent les modalités d'application de ce dispositif. En l'état actuel du droit de la commande publique, y compris pour les marchés de défense ou de sécurité, il n'est pas possible d'exiger d'une entreprise non communautaire qu'elle s'allie à un opérateur communautaire pour remporter un marché. En revanche, les conditions pouvant être exigées par les pouvoirs adjudicateurs pour autoriser la participation d'entreprises non communautaires à une procédure de passation d'un marché de défense ou de sécurité peuvent, en pratique, conduire ou inciter ces entreprises à se rapprocher d'un opérateur communautaire. En effet, lorsque les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices décident d'ouvrir une procédure de passation d'un marché de défense ou de sécurité à la concurrence extracommunautaire (par exemple, pour des raisons technologiques et financières ou en raison de l'indisponibilité de l'offre au niveau de l'UE), ils indiquent « les critères d'accessibilité sur le fondement desquels l'autorisation de participer à la procédure peut être accordée » (article 215-II du code des marchés publics). Ces critères concernent notamment les impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'État, l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les objectifs de développement durable, l'obtention d'avantages mutuels et les exigences de réciprocité (article 215-II, alinéa 2, du code des marchés publics). Dans cette hypothèse, avant l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice vérifie le droit des opérateurs économiques à participer à la procédure de passation au regard des critères d'accessibilité. Seules les candidatures des opérateurs économiques non communautaires qui, répondant aux critères d'accessibilité, n'ont pas été écartées sont étudiées. Pour remplir certains de ces critères, un opérateur non communautaire pourra être conduit à devoir se grouper avec une entreprise communautaire. Ainsi, au titre du critère de sécurité d'approvisionnement, il pourrait, par exemple, être exigé que les articles ou matériels qui font l'objet d'un marché de défense soient produits sur le territoire communautaire, ce qui obligerait en pratique les entreprises non communautaires dépourvues d'outils de production au sein de l'UE à s'associer à un opérateur communautaire pour pouvoir être admises à participer à la suite de la procédure. Le décret n° 2009-869 du 15 juillet 2009 relatif aux attributions du ministre de la défense, du chef d'état-major des armées et des chefs d'état-major de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air précise que le ministre de la défense prépare et met en œuvre la politique de défense conformément aux directives données par le Premier ministre, en application de l'article L. 1131-1 du code de la défense. Au titre de l'autorité qu'il exerce sur les armées, directions et services, il établit la programmation des effectifs, des équipements et des infrastructures. Il est donc responsable des choix en matière de commandes publiques dans le secteur de la défense.

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