Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 24/02/2011

Mme Nicole Bricq attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la fiscalité applicable aux sociétés de recherche et d'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux.

En effet, le 4 février dernier, Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a annoncé la mise en place d'une mission pour évaluer les enjeux autour des gaz et des huiles de schistes en réponse à la mobilisation populaire qui a accompagné l'octroi des permis d'exploration.

La Seine-et-Marne est particulièrement concernée par cette nouvelle activité. Le permis, dit «Château-Thierry», autorise l'exploration aux alentours de Doue sur une superficie de 830km2, l'ensemble du pays de Meaux, une partie du pays gressois et fertois seront touchés. Il a été accordé le 4 septembre 2009 à la société Toreador, une société française, qui s'est associée avec Hess, une société des États-Unis, pour essayer de trouver et d'exploiter le pétrole présent dans les roches. Les perspectives d'exploitation sont importantes selon ces sociétés, 90 millions de barils sont espérés et les perspectives de profit le sont tout autant. À l'instar des États-Unis, où Exxon espère que les ressources de schistes puissent représenter la moitié de la demande d'ici 2030, les réserves subodorées aiguisent les appétits, de nombreuses sociétés ont donc demandé des permis d'exploration en France, c'est pourquoi de nombreuses autres zones sont également concernées telles que les bassins aquitain ou champenois.

Le souci de la préservation de nos espaces naturels et des risques environnementaux induits par cette technique particulière d'exploitation est légitime. Mais il convient de connaître quelle est la position exacte du Gouvernement quant à l'exploration. En effet, la loi de finances pour 2011 a modifié le dispositif relatif à la détermination des bénéfices imposables des sociétés de recherche et d'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux prévu à l'article 39 ter du CGI. L'Assemblée nationale avait supprimé l'article 39 ter du CGI et l'avantage fiscal qu'il prévoyait. Le ministre du budget avait émis un avis favorable à cette suppression. Mais au Sénat, un amendement visant à rétablir l'article 39 ter du CGI a été défendu par quelques collègues de la majorité de départements concernés par les activités d'exploitation, et le Gouvernement s'y est déclaré favorable ! Finalement, à l'issue de la CMP, l'article 39 ter a été maintenu mais en excluant le bénéfice de son dispositif aux exercices clos à compter du 31 décembre 2010. Dès lors rien interdit qu'une prochaine loi de finances rétablisse le dispositif.

Le changement d'attitude du Gouvernement d'une chambre à l'autre, la position de la ministre de l'environnement face à la montée des protestations ne sont pas de nature à lever l'ambiguité de la position du Gouvernement. Si le bénéfice du dispositif fiscal était prolongé par le Gouvernement lors de l'exercice budgétaire de 2011, le moratoire instauré par Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement n'aurait été qu'un leurre.

Qu'en est-il réellement de la position du Gouvernement, est-il favorable à la suppression définitive de la disposition fiscale destinée à favoriser le développement d'exploitations aujourd'hui contestées ?

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la fonction publique publiée le 06/04/2011

Réponse apportée en séance publique le 05/04/2011

Mme Nicole Bricq. En réponse à la vive émotion suscitée par l'octroi des permis de recherche d'hydrocarbures de schiste, Mme la ministre de l'écologie a annoncé, le 4 février dernier, la mise en place d'une mission pour évaluer les enjeux environnementaux et sanitaires liés aux gaz et huiles de schiste. Le rapport d'étape devrait être connu dans quelques jours.

Mon département, la Seine-et-Marne, est particulièrement concerné par cette nouvelle activité. De nombreux permis – plus de trente – ont été déposés, notamment le « permis de Château-Thierry », qui autorise l'exploration aux alentours de Doue et de Jouarre sur une superficie de 779 kilomètres carrés. Ce permis a été accordé le 4 septembre 2009 à la société Toreador, une société française cotée au New York Stock Exchange. Elle s'est associée avec Hess, une société nord-américaine, pour explorer et exploiter l'huile présente dans les roches.

Cette société annonce et espère des perspectives d'exploitation de l'ordre de 90 millions de barils, avec de substantiels profits à la clé, comme c'est le cas aux États-Unis, où Exxon espère que, d'ici à 2030, la moitié de la demande portera sur les ressources en schiste.

On comprend donc que les réserves subodorées en Île-de-France notamment aiguisent les appétits.

La prévention des risques environnementaux induits par cette technique particulière d'exploitation, le souci de préservation de nos espaces naturels ainsi que de l'agriculture et du tourisme, qui sont deux leviers économiques essentiels dans le département de la Seine-et-Marne, sont légitimes. Ils soulèvent la question du soutien fourni à l'activité de forage, notamment les incitations fiscales.

Il convient donc de connaître la position exacte du Gouvernement. En effet, la loi de finances pour 2011 a modifié le dispositif relatif à la détermination des bénéfices imposables de ces sociétés de recherche et d'exploitation prévu à l'article 39 ter du code général des impôts. L'Assemblée nationale avait supprimé cet article, avec l'avis favorable du ministre du budget. Or, au Sénat, nos collègues de la majorité ont défendu son rétablissement. Finalement, la commission mixte paritaire a décidé de maintenir l'article 39 ter, mais en excluant de son bénéfice les exercices clos à compter du 31 décembre 2010.

À l'époque, alors même que la chasse aux niches fiscales était déclarée, cette gymnastique parlementaire n'avait pas manqué de m'étonner.

La position de la ministre de l'environnement face à la montée des protestations, le changement d'attitude, d'une chambre à l'autre, du Gouvernement, tout cela n'est pas de nature à lever l'ambiguïté sur les intentions réelles de celui-ci. Si le bénéfice du dispositif fiscal était prolongé par le Gouvernement lors d'un prochain exercice budgétaire, la mission diligentée par Mme la ministre de l'écologie n'aurait été qu'un leurre.

Monsieur le secrétaire d'État, qu'en est-il réellement de la position du Gouvernement ? Est-il favorable à la suppression définitive de la disposition fiscale destinée à favoriser le développement d'exploitations aujourd'hui contestées ? Prendra-t-il l'initiative, lors d'une prochaine loi de finances, d'abroger cet article 39 ter du code général des impôts ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur l'exploration et l'exploitation de pétrole et de gaz de schiste en France.

La France étant importatrice d'hydrocarbures malgré ses lourds investissements dans les énergies renouvelables, gaz et huiles de schiste présentent un potentiel économique important et une opportunité de réduire notre dépendance énergétique.

Toutefois, compte tenu des préoccupations environnementales importantes que suscite ce sujet complexe, la ministre de l'écologie et du développement durable et le ministre de l'industrie et de l'énergie ont décidé de confier une mission, d'une part, au Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies, le CGIET, d'autre part, au Conseil général de l'environnement et du développement durable, le CGEDD, afin d'éclairer le Gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des gaz et huiles de schiste.

Un rapport d'étape doit être remis le 15 avril 2011, tandis que le rapport final le sera le 31 mai 2011. Les rapports seront rendus publics et les conclusions en seront tirées avant la fin du mois de juin 2011.

Sur le plan fiscal, les dispositions de l'article 39 ter du code général des impôts dont bénéficiaient les entreprises, sociétés et organismes de toute nature qui effectuaient la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures liquides ou gazeux en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer ont été supprimées, pour l'avenir, par l'article 18 de la loi de finances pour 2011, c'est-à-dire pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2010.

Madame la sénatrice, je vous rappelle que ce dispositif permettait aux entreprises concernées de déduire de leur bénéfice net d'exploitation une provision pour reconstitution des gisements d'hydrocarbures dans la limite de certains plafonds.

Le Gouvernement, après s'être montré favorable à cette suppression lors des débats devant l'Assemblée nationale, s'en est effectivement remis par la suite à la sagesse de la Haute Assemblée. En effet, tout en estimant que le dispositif présentait un coût non négligeable pour un intérêt très limité, il ne souhaitait pas non plus qu'une telle suppression aboutisse à fragiliser les quelques entreprises de taille modeste du secteur.

Il faut en effet comprendre que la première version du texte consistait à abroger purement et simplement la provision.

Mme Nicole Bricq. C'était la bonne version !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Toutefois, cette abrogation créait un flou juridique dès lors que le texte ne prévoyait pas le sort des provisions antérieurement dotées et non encore reprises à la date de l'abrogation. Ces provisions devaient-elles être utilisées et reprises dans les conditions prévues par le dispositif antérieur ou bien, au contraire, devaient-elles être intégralement reprises à la date de l'abrogation du dispositif ? C'est ce qui explique ce revirement de position.

C'est la raison pour laquelle le Sénat a choisi de rétablir l'article 39 ter précité, laissant expressément à la commission mixte paritaire le soin de trouver, comme l'a dit le président de la commission des finances au cours de la séance du 19 novembre 2010, un « mécanisme de transition ».

Ainsi, en commission mixte paritaire, la provision pour reconstitution de gisements d'hydrocarbures a été définitivement supprimée pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2010. Cette rédaction vise simplement à maintenir les règles jusqu'alors applicables pour les entreprises ayant constitué une telle provision au cours d'un exercice clos avant le 31 décembre 2010.

Cette rédaction garantit la sécurité juridique des entreprises ayant bénéficié de la mesure, sans pour autant la maintenir.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Pour ma part, je n'ai pas été « sage » au cours de cette séance de nuit du 19 novembre, séance à laquelle vous étiez d'ailleurs présent, monsieur le secrétaire d'État. (M. le secrétaire d'État acquiesce.)

En ce qui me concerne, je suis favorable à l'abrogation définitive de l'article 39 ter du code général des impôts. Je note d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez repris en partie les arguments qui sont généralement avancés pour justifier son maintien.

Premièrement, c'est certes une niche, mais elle est peu coûteuse, environ 15 millions d'euros par an. Une société en bénéficiait, en l'occurrence Vermilion.

Je répondrai que cette niche fiscale étant assise sur le volume des ventes des produits d'exploitation, son importance ne fera que croître à l'avenir puisque les modèles économiques prévoient une explosion de leurs ventes.

Deuxièmement, monsieur le secrétaire d'État, vous avez avancé un argument juridique.

Toujours est-il qu'il est parfaitement possible de disposer dans la seconde partie d'une loi de finances que telle ou telle disposition ne prendra effet qu'à compter d'une certaine date, en l'occurrence en 2012 ou en 2013.

Le Gouvernement n'a pas choisi cette voie et argué du fait qu'il ne fallait pas fragiliser une entreprise de taille modeste, en l'occurrence la société Vermilion. Je vous signale tout de même que l'entreprise Toreador, après avoir rapatrié tous les actifs qu'elle détenait en Turquie et en Hongrie, a vu sa capitalisation boursière multipliée par dix !

Il y a donc bien un modèle économique et financier dont il faut tenir compte : voilà pourquoi le lobbying ne s'est pas arrêté à 2010 ou à 2011 et reprendra par la suite. On verra bien ce que décidera le Gouvernement, mais sachez que la mobilisation ne faiblira pas. Au-delà des problèmes environnementaux et sanitaires, pour lesquels on attend les conclusions de la mission, n'oublions donc pas le poids du modèle économique, et surtout financier.

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