Question de Mme NICOUX Renée (Creuse - SOC) publiée le 10/02/2011
Mme Renée Nicoux attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur les très fortes inquiétudes suscitées par la présentation de la carte scolaire 2011-2012 dans la région Limousin.
Le 20 janvier dernier, à Limoges, le conseil académique de l'éducation nationale a présenté sa carte scolaire 2011-2012 pour la région Limousin. A cette occasion, le recteur et le préfet ont annoncé la suppression de neuf filières dans sept lycées de la région. Ces décisions ont toutes été motivées par des raisons budgétaires. Après de très vives protestations des syndicats, l'académie a décidé de revenir sur certaines suppressions.
Cependant, de nombreuses fermetures ont été maintenues. Ainsi, pour le département de la Creuse : le lycée Loewy de La Souterraine voit sa classe de première littéraire supprimée, et par conséquent sa classe de terminale l'année suivante, et le lycée Jamot à Aubusson voit disparaître une option de spécialisation de son BTS.
En Haute-Vienne, la première SI du lycée Paul-Eluard de Saint-Junien est supprimée ainsi que le baccalauréat professionnel comptabilité secrétariat du lycée professionnel Darnet.
En Corrèze, le lycée Edmond-Perrier de Tulle voit sa filière BTS comptabilité et gestion disparaître et le lycée Ventadour d'USSEL, sa classe de première SI.
A ces annonces de fermetures de classe, vient s'ajouter une réduction dans l'académie de 95 postes dans le second degré. Ce catalogue à la Prévert ne s'arrête pas là étant donné que le 15 décembre dernier, le rectorat de l'académie de Limoges a aussi annoncé la réduction de la moitié de la capacité d'accueil des classes préparatoires PCSI du lycée Gay-Lussac de Limoges. Cette décision a été confirmée le 24 janvier dernier.
Toutes ces décisions se basent sur des critères purement économiques et statistiques, qui ne prennent pas en compte les caractéristiques propres à certains territoires, comme le Limousin. En effet, les problématiques liées aux transports, au temps de trajet et aux frais engagés par les étudiants et les familles pour les effectuer, sont totalement occultées.
De plus, elle déplore que la tendance actuelle soit systématiquement à la concentration de l'offre de formation dans les grands centres urbains. Ces décisions se font inévitablement au détriment de l'étudiant, et notamment de son orientation. En effet, si celui-ci ne désire pas s'installer en centre ville, ou n'en a pas les moyens, il sera contraint d'accepter les formations offertes à proximité. De plus, en s'arrêtant sur une politique du chiffre, à savoir le nombre d'élèves par classe, le Gouvernement met en concurrence les établissements scolaires et les territoires, au détriment de l'aménagement et de la cohésion territoriale. Elle tient à rappeler que ces établissements ont pourtant fait la preuve de leur qualité, avec des taux de réussite très importants.
Elle souhaiterait donc savoir comment Monsieur le ministre justifie ces fermetures massives et comment, demain, offrir des perspectives d'avenir aux jeunes dans la région du Limousin si le Gouvernement continue de s'attaquer ainsi aux établissements de proximité.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative publiée le 09/03/2011
Réponse apportée en séance publique le 08/03/2011
Mme Renée Nicoux. Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur les vives inquiétudes suscitées par la présentation de la carte scolaire pour l'année scolaire 2011-2012 dans la région du Limousin, carte qui acte la suppression de nombreuses classes, options ou filières dans les lycées et de nombreux postes dans les enseignements primaire et secondaire.
En prenant une telle direction, on est en train de créer un véritable désert éducatif dans certains territoires, à l'instar des déserts médicaux. Depuis plusieurs semaines, les syndicats, les parents d'élèves, les élus et les citoyens du Limousin se sont donc mobilisés pour protester contre ces décisions.
Je tiens en effet à rappeler l'ampleur des suppressions envisagées.
Dans le département de la Creuse, le lycée Raymond-Loewy de La Souterraine voit sa classe de première littéraire supprimée. En conséquence, sa classe de terminale le sera également l'année suivante.
Le lycée Eugène-Jamot d'Aubusson voit disparaître une option de spécialisation de son brevet de technicien supérieur, ou BTS, en informatique, alors même que la réforme de ce BTS instaure la nécessité de deux options dans cette formation.
Le lycée des métiers du bâtiment de Felletin, commune dont je suis maire, est un établissement à recrutement national. Son baccalauréat professionnel dans la filière de l'art de la pierre a pourtant été fermé, sans tenir compte des besoins exprimés par la profession. L'avenir de cet établissement se voit menacé par le refus d'ouverture de nouvelles classes de baccalauréat professionnel « Technicien constructeur bois » et « Interventions sur le patrimoine bâti » pouvant pallier la réforme du baccalauréat en sciences et technologies industrielles, dit bac STI.
Au lycée Jean-Favard de Guéret, la dotation pour le fonctionnement du BTS en domotique est de 40 heures en première comme en deuxième année, alors que 51 heures et 53 heures sont nécessaires. Cela pose évidemment la question de l'organisation des travaux pratiques obligatoires.
Au lycée Pierre-Bourdan de Guéret, la dotation horaire est en baisse de 5 %, alors que le nombre d'élèves est stable, avec pour résultat la suppression de trois postes d'enseignants et des classes de 35 élèves.
Je ne parlerai pas des établissements des autres départements qui ont exactement les mêmes problèmes, qu'il s'agisse du lycée Edmond-Perrier à Tulle, du lycée Bernart-de-Ventadour à Ussel, des lycées professionnels Jean-Baptiste-Darnet à Saint-Yrieix-la-Perche, Paul-Éluard à Saint-Junien, et bien d'autres encore...
À ces réductions de dotations horaires et ces fermetures de classes, vient s'ajouter l'annonce de la suppression de 95 postes dans le second degré, et ce sans parler des postes de professeur des écoles : il y en aura 13 de moins dans le seul département de la Creuse !
Monsieur le ministre, toutes ces décisions reposent sur des critères purement budgétaires et statistiques, qui ne prennent en compte ni les caractéristiques propres à certains territoires comme le Limousin, ni les problématiques liées aux transports, aux temps de trajet et aux frais engendrés, ni les conditions d'enseignement créées par les regroupements à 35 élèves par classe.
Je souhaiterais donc savoir comment, avec cette politique de désertification éducative, nous pouvons offrir des perspectives d'avenir aux jeunes dans les territoires ruraux sans établissements de proximité et comment, avec des classes pléthoriques, il sera possible de mieux prendre en compte la diversité des élèves.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. J'ai bien compris le sens de votre question, madame le sénateur. Néanmoins permettez-moi de vous le dire , l'on ne peut écarter d'un revers de main la donne budgétaire dans un pays qui, avec un emprunt de 180 milliards d'euros cette année, est le deuxième emprunteur mondial et consacre à l'éducation nationale 60 milliards d'euros, soit 21 % du budget de la nation, adopté par le Parlement à l'automne dernier.
L'éducation nationale participe donc à l'effort collectif, et le fait avec beaucoup de discernement. Certes, nous ne remplaçons pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, mais nous réaffectons la moitié des économies à l'amélioration de la rémunération des fonctionnaires et, surtout, nous continuons à moderniser le service public de l'éducation nationale.
C'est pour aller dans cette direction que j'ai voulu, cette année, que la répartition des postes et des budgets par établissement se fasse sur la base d'un dialogue avec les académies et avec les établissements. Il s'agissait ainsi de mieux tenir compte de la réalité locale, notamment dans votre région du Limousin.
Quelle est la situation de l'académie de Limoges ?
Après une croissance continue depuis le début des années 2000, le nombre d'écoliers devrait se stabiliser à la prochaine rentrée de septembre. Dans le second degré, les effectifs des collégiens devraient légèrement repartir à la hausse, mais le nombre de lycéens continuera à décroître.
S'agissant des moyens d'enseignement, l'académie de Limoges continuera à appartenir au groupe des académies les mieux dotées, précisément pour tenir compte de sa spécificité rurale.
Nous mettrons en uvre à la rentrée prochaine toutes les nouveautés existantes, en lycée général et technologique, mais aussi dans la voie professionnelle.
Ainsi, nous mettrons en place, dans le cadre de la réforme du lycée, quatorze enseignements d'exploration en classe de seconde. Ce n'est pas vraiment la désertification à laquelle vous faites référence, madame le sénateur !
Nous poursuivrons la rénovation de la voie professionnelle, avec notamment l'ouverture, au lycée professionnel Delphine-Gay de Bourganeuf, du nouveau baccalauréat professionnel en trois ans « Métiers de la santé et des services à la personne », qui répond à un besoin exprimé localement.
La nouvelle série « Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable », ou STI2D, qui succède à la filière STI, permettra d'adapter l'offre de formation aux besoins des entreprises locales, notamment industrielles, qui sont implantées dans ce milieu rural.
Par ailleurs, des réflexions sont en cours pour relancer les formations aux métiers d'art sur Aubusson, ou encore pour créer un internat d'excellence à La Souterraine.
Dans le premier degré, les spécificités rurales de votre département sont respectées, puisque le tissu scolaire du territoire sera préservé : maintien du maillage des écoles rurales, continuité des projets pédagogiques en cours, renforcement de l'accueil des élèves en situation de handicap. Je pense, par exemple, à un projet d'accueil et de scolarisation adaptée d'élèves malentendants et sourds qui sera mis en uvre, dès la rentrée prochaine, à Tulle, dans le département de la Corrèze.
Vous le voyez, madame le sénateur, la rentrée de 2011 dans l'académie de Limoges se fera dans des conditions satisfaisantes. Elle s'inscrira dans le processus de modernisation et de rénovation du système éducatif, celui-ci étant bien évidemment vital pour la région du Limousin et pour sa jeunesse.
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos explications tendant à nous démontrer que la situation sera satisfaisante à la rentrée. Je n'ai pas le sentiment qu'elle soit perçue ainsi par les enseignants ou par les parents d'élèves, compte tenu des manifestations auxquelles nous assistons actuellement
à moins qu'il ne s'agisse d'un problème de communication, auquel cas de nombreux progrès seraient à faire dans ce domaine !
Je ne crois pas que la réforme du bac STI, dans sa conception actuelle, et la réforme du baccalauréat professionnel donnent entière satisfaction sur le terrain, dans la mesure où elles entraînent la suppression de certaines filières et, du fait de la réduction du nombre d'années de formation, la diminution des effectifs dans certains établissements.
Vous nous dites qu'il y a une prise en compte de la ruralité ; on peut en douter lorsque l'on regarde ce qui se passe sur le terrain. Nous n'avons toujours pas de réponse quant à la classe de première littéraire de La Souterraine ; nous sommes en attente de l'ouverture au sein du lycée des métiers du bâtiment de Felletin de deux baccalauréats professionnels qui permettraient à cet établissement de se développer. Je rappelle que ce dernier répond à une demande en formation des professionnels du bâtiment et, plus largement, aux besoins locaux. Cet établissement a un recrutement national et, à ce titre je le souligne , il a été l'établissement référent pour la création des lycées des métiers. Il serait donc juste qu'il puisse continuer à bénéficier de cette primeur et de la notoriété qui est jusqu'à maintenant la sienne.
Pour conclure sur cette prise en compte de la ruralité, je crains à l'inverse que ne soient pas suffisamment prises en considération, dans les réflexions menées au niveau du rectorat et de la région Limousin dans son ensemble, les problématiques de transport, de temps de trajet et de coûts induits par l'obligation faite aux élèves d'étudier dans des établissements où seront proposées les filières de leur choix.
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