Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 12/01/2011
Question posée en séance publique le 11/01/2011
Concerne le thème : Le trafic des médicaments
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, selon l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, plus de la moitié des médicaments achetés sur des sites internet en 2010 seraient des faux.
Les contrefaçons peuvent représenter, en valeur, jusqu'à 50 % du marché, dans certains pays, notamment africains, où l'on compte de nombreux décès liés à ces « médicaments ».
De son côté, INTERPOL a estimé, l'année dernière, le chiffre d'affaires dégagé par le trafic de faux médicaments à 75 milliards d'euros. Ce commerce serait d'ailleurs en pleine expansion : entre 2007 et 2008, il aurait crû de 300 % au niveau mondial, selon les Douanes.
L'extraordinaire outil commercial que constitue Internet et la récupération croissante de ce trafic par ceux qui se concentraient jusque-là sur le trafic de drogues expliquent cet essor.
En France, nous étions naguère à l'abri de ce phénomène, et ce pour deux raisons : le remboursement des médicaments par la sécurité sociale réduit l'attractivité des prix pratiqués sur Internet et, par ailleurs, le maillage de notre territoire par les médecins et les pharmaciens relativise l'argument tiré de la facilité d'accès offerte par le web.
Ces raisons expliquent pourquoi l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, n'a été saisie, en 2010, que d'une quarantaine de problèmes de pharmacovigilance, portant principalement sur des produits de régime.
Au-delà de la criminalité qu'il importe de combattre, nous sommes aujourd'hui confrontés à un véritable enjeu de santé publique.
Nous savons que les Douanes françaises ont récemment créé un observatoire qui, spécialement consacré aux médicaments contrefaits, est chargé de localiser les lieux de production et de stockage, d'identifier les réseaux criminels et les filières d'approvisionnement, d'analyser les modes opératoires des fraudeurs et de fournir ainsi aux services opérationnels les supports pour l'identification de ces médicaments.
Enfin, au-delà de cet observatoire, le réseau Médifraude coordonne les activités de l'ensemble des services de l'État participant à la lutte contre la circulation et la commercialisation des médicaments illicites.
Aussi ma question sera-t-elle simple, madame la secrétaire d'État : quel bilan peut-on tirer des moyens employés jusqu'ici pour lutter contre les trafics de médicaments ?
Réponse du Secrétariat d'État chargé de la santé publiée le 12/01/2011
Réponse apportée en séance publique le 11/01/2011
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le commerce électronique se développe dans tous les domaines, y compris celui des médicaments, en dépit des réglementations existantes.
Toutefois, en France, l'importance du recours à l'achat de médicaments sur Internet doit être relativisée. Vous avez d'ailleurs évoqué, monsieur le sénateur, l'une des raisons qui expliquent ce moindre engouement, monsieur le sénateur, à savoir le remboursement par l'assurance maladie. En effet, les médicaments sont, pour la grande majorité d'entre eux, pris en charge, ce qui supprime une motivation importante pour les consommateurs.
De plus, il convient de rappeler que la France se situe, en termes de densité, au premier rang mondial pour le nombre de pharmacies par habitant et au deuxième rang pour le nombre de médecins par habitant, ce qui garantit la proximité.
Une veille sur Internet a été mise en place par l'AFSSAPS en juin 2009 : l'Agence recherche et achète, par l'intermédiaire d'un huissier de justice, des produits sur Internet ; elle signale les sites suspects à l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, l'OCLCTIC, qui est chargé de la cyberdélinquance. L'AFSSAPS procède ensuite à des contrôles et analyse en laboratoire ces produits, en vue de détecter une éventuelle falsification. En cas de falsification avérée, l'Agence transmet un dossier à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, l'OCLAESP. Tout signalement de site illicite fait l'objet d'une transmission à la justice et aux services d'enquête que j'ai cités.
On peut d'ailleurs souligner que l'AFSSAPS a participé à l'opération PANGEA III, menée il y a quelques mois.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Pour conclure, les dispositifs légaux de contrôle, de détection et de sanction existent. Parallèlement, il faut aussi sensibiliser le public et développer des outils de communication pour que les usagers puissent se prémunir contre l'achat de produits susceptibles d'entraîner des risques pour leur santé.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour la réplique.
M. Bernard Cazeau. Madame la secrétaire d'État, plus qu'un rappel partiel de mon propos, je vous demandais un bilan. Je constate que vous n'avez pratiquement pas répondu à ma question et je le regrette, car il faut, selon moi, expliquer les raisons de l'essor de ce trafic.
En effet, la poursuite d'une politique de création de franchises, d'augmentation des forfaits et d'aggravation des déremboursements, accentuée depuis 2007, pousse de plus en plus nos concitoyens à se fournir par l'intermédiaire des sites internet, afin d'alléger ce que l'on peut qualifier de « taxation déguisée ».
Ainsi, après avoir « raboté » les taux de remboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant, les pouvoirs publics se sont attaqués, dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, à des médicaments présentant un intérêt thérapeutique ! C'est ainsi qu'un certain nombre de médicaments les médicaments à service médical rendu modéré et à vignette bleue -, qui représentent près de trente millions de boîtes vendues chaque année, ainsi que certains dispositifs médicaux, pansements ou orthèses, seront désormais « déremboursés ».
Voilà au moins l'une des raisons
M. Jacky Le Menn. Mais une très forte raison !
M. Bernard Cazeau.
qui poussent nos concitoyens à recourir à Internet. Je regrette donc que vous n'ayez pu m'indiquer un bilan de vos actions, dont la nature m'est par ailleurs parfaitement connue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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