Question de Mme DURRIEU Josette (Hautes-Pyrénées - SOC) publiée le 23/12/2010

Mme Josette Durrieu attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique sur la question du haut et du très haut débit qui constituent, à l'évidence, l'un des enjeux majeurs de la décennie à venir pour l'ensemble du territoire national. Elle en a fait un enjeu prioritaire dans l'espace rural des Hautes-Pyrénées. Elle rappelle que l'espace rural représente 70 % du territoire, plus de 14 millions d'habitants, plus de 4 millions de foyers et un quart de l'industrie française et des emplois qui lui sont liés. Pourtant l'accès de tous au haut et très haut débit dans l'espace rural est loin d'être assuré : la fracture numérique est une réalité qui pose des problèmes quotidiens et recule les limites de l'équité d'un point à l'autre de l'hexagone. 750 millions d'euros ont été débloqués au titre du grand emprunt pour amorcer le processus. Elle sait qu'ils ne suffiront pas à constituer le déploiement entre les territoires ruraux et les autres territoires. Elle sait aussi que ces crédits sont fléchés pour des projets de desserte de l'usager, et non pour leur préalable pourtant indispensable, les projets de collecte.

Elle souhaiterait savoir d'une part, dans quelle proportion et sous quelle forme - subvention ou prêt - l'État entend prendre en charge la dépense pour la collecte et d'autre part, si l'État interviendra en accompagnement de projets d'infrastructures précurseurs déjà engagés.

De plus, elle souhaite l'informer d'un problème immédiat et parfaitement dommageable, qui touche le déploiement du réseau haut débit dans le département des Hautes-Pyrénées. Dans le cadre du contrat de partenariat avec le département, Hautes-Pyrénées Numérique a prévu de déployer 50 km de réseau fibre optique sur le réseau aérien haute tension existant du syndicat d'électrification des Hautes-Pyrénées. Cette solution, retenue pour irriguer les secteurs les plus ruraux, a l'avantage de rendre économiquement réalisable le déploiement de la fibre optique en zone rurale en évitant la mise en œuvre de génie civil coûteux. Suite à l'accord de principe du syndicat d'électrification des Hautes-Pyrénées, l'entreprise Hautes-Pyrénées Numérique a fait appel à ERDF en tant que concessionnaire de ce réseau pour réaliser les études préalables. ERDF s'appuie sur un outil informatique interne nouveau nommé Camélia. La version de ce nouveau logiciel imposerait désormais le renforcement, à la charge du demandeur, de plus de 50 % des supports, réduisant à néant l'intérêt de ce type de déploiement. Le réseau ERDF n'est théoriquement plus en mesure de supporter même le poids des lignes électriques qu'il gère. Ainsi, la position d'ERDF remet en cause les modèles économiques de déploiement de la fibre optique en secteur rural, avec pour conséquence une difficulté d'application de la récente loi Pintat. Il est donc nécessaire qu'ERDF puisse reconsidérer sa position et offre une possibilité de déploiement après renforcement de seulement 10 % des supports contre 50 % selon les nouveaux calculs.

Elle lui demande quelle action il entend engager afin de normaliser cette situation et elle l'en remercie par avance.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique publiée le 19/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2011

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, je vous remercie d'être présent pour me répondre.

Le haut et le très haut débit constituent, à l'évidence, des enjeux essentiels pour certains territoires, notamment ruraux.

L'espace rural – il est toujours utile de le rappeler – représente 70 % du territoire, plus de 14 millions d'habitants - ce n'est pas rien -, 4 millions de foyers et plus de 40 % de l'industrie française, ce point est important. Le département des Hautes-Pyrénées que je représente et dont je préside le conseil général est au cœur de cet espace. Nous refusons toutes les fatalités qui le menacent.

Le département des Hautes-Pyrénées a lancé un grand chantier, qui sera achevé en décembre 2011, donc cette année. Ce projet est objectivement cohérent et ambitieux. Nous avons d'ailleurs reçu en décembre 2010, monsieur le ministre, le prix national des partenariats public-privé, au titre de l'aménagement du territoire.

Nous avons prévu d'alimenter les 122 500 foyers des Hautes-Pyrénées à hauteur de 91,4 % par le système filaire – fibre optique, pour 360 kilomètres, et fil de cuivre –, ce qui constitue un choix ambitieux, à hauteur de 7,3 % par le réseau hertzien – notamment avec le Wimax – et seulement à hauteur de 1,3 % par le satellite.

J'ajoute que nous avons pris auprès des populations un grand engagement : fournir 2 mégabits à tous les usagers et jusqu'à 100 mégabits dans 126 points déterminés et 26 zones économiques.

Le coût global de ce projet, en 2010, est de 29 millions d'euros.

Or, monsieur le ministre, se pose le problème du financement de ce projet. Nous avons même toutes les raisons de craindre que nous ne recevrons pas un euro.

Il semble que 750 millions d'euros aient été débloqués au titre du grand emprunt – guichet B – pour amorcer le processus. Toutefois, ils ne suffiront pas. En effet, nous le savons, ces crédits sont fléchés vers des projets de desserte de l'usager. Or la réalisation des réseaux de collecte est le préalable indispensable à la mise en place d'une telle desserte. C'est par la collecte qu'il faut commencer, et nous nous sommes attelés à cette tâche.

Par ailleurs, un complément de 250 millions d'euros est prévu - guichet C - pour soutenir les investissements qui privilégieraient des solutions alternatives par rapport à la fibre optique. Pourquoi ? Et lesquelles ?

Je poserai trois questions très précises.

Premièrement, dans quelle proportion et sous quelle forme – subvention ou prêt – l'État entend-il prendre en charge la dépense pour la collecte ?

Deuxièmement, la création et le fibrage de NRAZO et l'installation de pylônes Wimax seront-ils éligibles au titre du guichet C, en tant que solutions alternatives par rapport à la fibre optique ?

Troisièmement, enfin, l'État interviendra-t-il dans les projets d'infrastructures précurseurs, c'est-à-dire qui ont déjà été engagés, au-delà du Fonds d'aménagement numérique du territoire, le FANT, fonds dont vous me parlerez probablement, monsieur le ministre ?

Dans la mesure où nous n'avons pas été éligibles au FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, et où nous ne sommes pas éligibles au FNADT, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, un financement de l'État au titre de la section nationale du FNADT est-il possible pour les projets bénéficiant d'une subvention du FEDER, le Fonds européen de développement régional, que nous n'avons pas encore obtenu, d'ailleurs ?

Par ailleurs, je voudrais évoquer ce que j'appellerai un incident de parcours, un problème rencontré à l'occasion du déploiement du haut débit dans le département des Hautes-Pyrénées.

L'entreprise dédiée à ce chantier, Hautes-Pyrénées Numérique, avait prévu de déployer 50 kilomètres de fibre optique existant sur le réseau aérien haute tension du syndicat départemental d'électricité ; dans cette perspective, elle avait fait appel à ERDF, Électricité réseau distribution France. Or, d'après les calculs permis par la nouvelle version du logiciel CAMELIA d'ERDF, pour supporter un tel poids supplémentaire, tous les pylônes devront être renforcés à 50 %, ces travaux supplémentaires devant naturellement être mis à la charge de l'entreprise, autrement dit du demandeur. Un tel surcoût ôte évidemment à l'opération tout intérêt.

Monsieur le ministre, nous devons prendre acte du fait que l'application de la loi Pintat rencontre au quotidien de nombreux problèmes. Une augmentation du coût du renforcement des supports de 50 % n'aurait pas de sens ; une hausse de 10 % en aurait un. Que pouvons-nous faire, dans ces conditions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, il est effectivement nécessaire de prévenir l'apparition d'une fracture numérique dans le très haut débit.

Le programme national « très haut débit », présenté le 14 juin 2010, a ainsi pour objectif l'accès de tous les foyers à un service très haut débit grâce à la technologie la mieux adaptée à leur territoire. Il vise, notamment, à créer un effet de levier sur l'investissement privé et à soutenir, par un cofinancement de l'État, les projets portés par les collectivités locales : c'est ce que l'on a appelé le « volet B ».

Comme vous l'avez souligné, 2 milliards d'euros des investissements d'avenir sont affectés au déploiement du très haut débit. Le volet B bénéficiera de 750 millions d'euros. L'État pourrait ainsi prendre en charge jusqu'à 33 % du montant total de la participation financière publique aux projets, sous forme de subventions directement versées aux collectivités qui assurent la maîtrise d'ouvrage.

Pour être éligibles au soutien de l'État, les projets déjà engagés devraient, en tout état de cause, s'inscrire dans une démarche concertée et, notamment, être envisagés dans les schémas directeurs et s'inscrire en cohérence avec les intentions de déploiement des opérateurs privés, pour créer l'effet de levier que j'évoquais voilà un instant.

Les soutiens porteront principalement sur les réseaux d'accès, car ceux-ci ont vocation à être mutualisés. Des réseaux de collecte pourraient aussi, éventuellement, être soutenus au cas par cas, en l'absence d'une offre de collecte suffisante par des opérateurs de gros, notamment pour desservir des sites d'émission de réseaux mobiles ou dans le cadre de projets de montée en débit par la modernisation du réseau téléphonique.

Enfin, faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques en aérien était l'un des objectifs du plan France numérique 2012.

ERDF a mis en évidence, après l'introduction d'une nouvelle version de son logiciel de gestion de son réseau, l'impossibilité pour les appuis aériens de supporter l'ajout de fibres optiques. ERDF est en train d'analyser les hypothèses introduites dans ce logiciel au début de 2010, qui ont conduit aux résultats que vous mentionnez.

Par ailleurs, un groupe de travail réunissant les acteurs des secteurs de l'électricité et des télécommunications, piloté par le Centre d'études techniques de l'équipement de l'Ouest, cherche également des solutions à ce problème.

Il convient d'attendre les résultats de ces travaux pour en tirer d'éventuelles conclusions quant aux conditions d'utilisation des appuis du réseau d'ERDF pour le déploiement de la fibre optique.

Je tiens donc à vous rassurer, madame la sénatrice : d'une part, le programme national « très haut débit » avec ses aides au déploiement et, d'autre part, les travaux de mes services sur l'usage du réseau d'ERDF vont nous aider à effectuer le déploiement dans votre territoire.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Je veux remercier M. le ministre qui, sur certains points, m'a rassurée et, sur d'autres, a traduit un engagement de l'État à accompagner localement ce projet. Tant mieux !

À l'évidence, nous ne pouvons qu'adhérer à l'inscription des projets dans les schémas directeurs. Autre élément positif, j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous apprécieriez la nature des dossiers au cas par cas, en fonction sans doute du contexte.

Cependant, le projet sur notre territoire est déjà engagé et devrait être achevé dans un an, c'est-à-dire avant la mise en place de vos mesures. Je ne voudrais pas que le fait d'avoir su les anticiper puisse donner lieu à des sanctions financières. Je serai rassurée quand vous m'aurez dit que ce programme engagé sera pris en compte en l'état et au moment où il sera terminé.

En outre, nous avons prévu tout un volet évolutif essentiel pour les vingt ans à venir. Il doit être également pris en considération, car la fin du chantier ne signifie pas que l'évolution est achevée. C'est là une spécificité qui vient s'ajouter à notre cas particulier.

Enfin, nous avons engagé de nombreuses politiques « d'usage ». Il a été question tout à l'heure des stations thermales. J'aborderai plus largement l'ensemble de l'espace rural des Hautes-Pyrénées dédié au tourisme. Cet espace, qui comprend douze stations thermales et quatorze stations de ski, n'a plus d'avenir s'il n'est pas doté d'un équipement numérique intégral, c'est-à-dire couvrant très loin et très haut !

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