Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 23/12/2010
M. Didier Guillaume attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la recrudescence des attaques de loup sur les troupeaux drômois.
En effet, ce sont chaque semaine des troupeaux de chèvres ou de brebis retrouvées éventrées par des éleveurs désespérés et en colère. Plusieurs maires de la Drôme l'ont par ailleurs alerté sur la présence du loup dans des secteurs où ce prédateur n'était plus présent depuis des décennies.
Sur ces territoires où les acteurs économiques et les élus locaux œuvrent sans relâche à la préservation tant de l'activité touristique qu'à l'articulation des différentes fonctions et différents usages de l'espace rural, ils font le constat partagé de l'incompatibilité entre la présence du loup et les activités d'élevage. Avec ces attaques successives, l'élevage, notamment ovin, peut être remis en cause dans certaines zones.
Aujourd'hui il semblerait que les objectifs fixés par la convention de Berne concernant le seuil de population du loup à préserver soient atteints sur le territoire national. Aussi, il est sans doute l'heure de contenir l'extension du loup sur ces terres de pastoralisme en mettant en œuvre une politique concrète de planification territoriale du loup en tenant compte des incompatibilités liées aux activités économiques et touristiques.
Alors que la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a modifié le code rural en inscrivant dans son volet relatif au maintien du pastoralisme la protection des troupeaux contre les attaques du loup dans les territoires exposés à ce risque, il est temps de prendre des décisions concrètes sur ces dommages.
C'est pourquoi il l'interroge pour savoir s'il envisage de définir des zones dédiées avec des réglementations spécifiques comme cela existe déjà dans d'autres pays européens.
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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement
Réponse du Secrétariat d'État chargé des transports publiée le 19/01/2011
Réponse apportée en séance publique le 18/01/2011
M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, ma question, qui s'adressait à l'origine à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, porte sur la recrudescence des attaques de troupeaux par le loup et sur l'extension de la zone de présence permanente de cet animal dans la Drôme.
Très régulièrement, des troupeaux de chèvres et de brebis sont attaqués dans tout l'Est drômois, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'État. Les attaques ont également lieu du Vercors aux Baronnies, en passant par Dieulefit et le Haut-Diois.
En 2010, on a dénombré pas moins de 56 attaques et 269 victimes. Les trois communes de Boulc, Glandage et Lus- la-Croix-Haute concentrent, à elles seules, 52 % des victimes. Des bêtes sont retrouvées éventrées dans des secteurs où ce prédateur n'était plus présent.
Les éleveurs sont à la fois désespérés et en colère. Les fruits de leur travail, de leur passion, les heures consacrées à leurs bêtes sont détruits. Ils n'en peuvent plus ! Trop, c'est trop !
Il faut reconnaître objectivement et de façon apaisée qu'il y a aujourd'hui incompatibilité entre la présence du loup et le pastoralisme. Il faut mettre en place une véritable gestion de ces populations, une véritable régulation. Je rappelle qu'en 2010 aucun loup n'a été prélevé en France.
Ce choix ne menacera d'aucune façon la présence du loup en France, dont la population progresse d'environ 10 % par an pour dépasser 150 bêtes. Aujourd'hui, les objectifs fixés par la convention de Berne concernant le seuil de population du loup à préserver seraient atteints. Les attaques atteignent une fréquence et une intensité jamais rencontrées. La nature des dommages exceptionnels causés sur les troupeaux affecte directement la situation économique et sociale de l'ensemble des éleveurs de la région.
Les dépenses inscrites dans le dernier budget pour la protection des espèces et l'indemnisation des éleveurs s'élèvent à 5,2 millions d'euros, comme cela figure dans le rapport de notre excellent collègue député de la Drôme, Hervé Mariton.
Ces sommes seraient, à mon avis, plus utiles pour aider l'installation des jeunes agriculteurs que pour indemniser les dégâts causés par le loup.
Lors des débats sur la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, le Sénat a souhaité, sur ma proposition, modifier le code rural pour y inscrire la protection du pastoralisme et des troupeaux contre les attaques du prédateur.
Solidaires de ces éleveurs, les 369 maires drômois ont, lors de leur dernier congrès départemental, unanimement voté une motion sollicitant le Gouvernement et les parlementaires pour que des mesures législatives et réglementaires soient prises.
Il faut donner les moyens de prélever à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, avant que les oppositions ne soient trop fortes, avant que le risque d'actions individuelles d'éleveurs à cran ne soit trop grand.
Monsieur le secrétaire d'État, ne considérez-vous pas qu'il est temps, voire urgent, de prendre des décisions concrètes ? Envisagez-vous notamment de définir des zones dédiées et des réglementations spécifiques, comme cela existe déjà dans d'autres pays européens?
Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est l'avenir de l'élevage dans nos massifs.
M. le président. Monsieur le sénateur, votre question s'adressait certes au ministre de l'agriculture, mais ce dernier l'a transmise au ministre chargé de l'environnement dont dépend la garderie. Le chasseur que je suis regrette beaucoup que la chasse ne soit pas sous l'autorité du ministre de l'agriculture et de la forêt
(Sourires.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports,
ainsi que des migrations lupines. (Sourires.)
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, dès le retour naturel du loup en France, l'État s'est notamment donné pour objectif de réduire autant que possible son impact sur les activités d'élevage. La protection de cette espèce sauvage emblématique, organisée dans les cadres internationaux, communautaires et nationaux, se doit ainsi d'être adaptée et intégrée dans les usages de l'économie pastorale et rurale. Sur ce point, je vous rejoins, ne serait-ce que parce que je connais cette région presque aussi bien que vous.
C'est l'un des objets du plan national loup 2008-2013. Co-élaboré par les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture, il comprend un ensemble de dispositions tant réglementaires que budgétaires, destinées à améliorer la cohabitation de l'élevage et du loup.
Ainsi, les mesures de protection des troupeaux et d'indemnisation des dommages s'élèvent à 6,3 millions d'euros, représentant près de 90 % de l'ensemble des dépenses gouvernementales du plan national loup.
Par ailleurs, des dérogations au statut de protection peuvent être accordées, notamment pour prévenir des dommages importants à l'élevage, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante. Depuis 2009, des évolutions importantes facilitant le recours au tir de défense et au tir de prélèvement ont été mises en place.
Dans ce contexte, il n'est donc pas envisagé de créer une nouvelle catégorie de zones dédiées avec des réglementations spécifiques. Il n'existe pas, en tout état de cause, de consensus scientifique sur la détermination d'un seuil de population minimum viable pour cette espèce en France.
Dans certaines circonstances de persistance de dégâts ou lors d'obstacles pratiques ou techniques à la mise en uvre de tirs de défense, l'arrêté du 7 juin 2010 fixe les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup pour la période 2010-2011. Il permet toutefois au préfet de déclencher une opération de tir de prélèvement sans conditionner sa décision à la mise en uvre préalable de tirs de défense à proximité des troupeaux. Un périmètre d'intervention du tir de prélèvement est alors défini.
Le ministre en charge de l'agriculture et la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ont été informés par le préfet de la Drôme du caractère intense, récurrent et concentré des sinistres ayant affecté le massif de Durbon.
Il a été tenu compte de ces éléments dans la définition du périmètre d'intervention établi en l'espèce par le préfet.
Il importe désormais de réfléchir ensemble à la déclinaison, en 2011, du principe de « gestion différentiée selon les situations », clairement mis en avant par le plan national loup afin de permettre une réactivité optimale pour la défense des troupeaux et d'anticiper l'arrivée du loup dans les nouveaux territoires.
Ce sera l'un des objets de la réunion annuelle de bilan de la campagne loup qui se tiendra ce 19 janvier dans votre département, monsieur le sénateur. J'espère que cette réunion permettra de progresser ensemble pour faire en sorte que nos éleveurs et le pastoralisme soient protégés c'est un aspect sur lequel je vous rejoins , tout en permettant au loup de trouver sa place dans cet espace.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux pas dire que je comprenne la position gênée du Gouvernement, mais elle ne m'étonne pas !
Il faut vraiment éviter d'opposer, d'un côté, la biodiversité, la présence du loup, et, d'un autre côté, l'élevage. Sans cela, on ne s'en sortira pas !
À l'heure actuelle, il n'y a pas de problème de sous-population de loups : le nombre de ces derniers est supérieur à 150, voire plus encore. La situation est grave. J'ai rencontré des éleveurs sur le terrain : ils n'en peuvent plus ! Ce sont des gens désespérés, en larmes.
Lorsque l'activité économique va bien, lorsqu'on vend ses ovins et ses brebis, on peut passer sur quelques attaques. Mais, pour quelques dizaines d'attaques en 2006, on en est maintenant à plus de 200, voire 300. Ce n'est plus possible ! Outre qu'elle fragilise l'économie, cette situation pourrait conduire, si des mesures ne sont pas prises, vers des situations vraiment catastrophiques pour la paix civile.
Le préfet a autorisé un prélèvement, mais cela ne fonctionne pas. Il faut donner à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage les moyens d'arrêter les tirs de défense et les prélèvements, s'il y en a vraiment.
Je regrette de vous entendre dire qu'il n'est pas envisagé de zones dédiées au pastoralisme. Dans nos massifs préalpins, s'il n'y a pas de telles zones dédiées dans lesquelles le loup ne peut pas accéder, alors, les attaques, les désastres et la désespérance iront croissant. Ce serait dramatique pour notre histoire pastorale et agricole, comme pour l'avenir de l'élevage.
En tout cas, le comité loup fonctionne dans la Drôme. Lors de la réunion que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État, nous ferons à nouveau valoir cette position, unanimement partagée par les 369 maires de la Drôme et les 7 parlementaires du département. Il faudrait, à mon avis, que le Gouvernement évolue sur cette question pour aider le préfet à régler le problème.
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