Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 25/11/2010

M. François Marc attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur le projet de décret d'application relatif à la contractualisation issu de la mise en œuvre de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Portant sur les contrats de vente du lait de vache, ce décret doit s'appliquer pour une durée de cinq ans à compter du 1er avril 2011.
S'agissant de la formulation de ce projet de décret, les acteurs de terrain signalent un certain nombre de points sensibles, tant du point de vue des structures collectives, des modalités de collecte du lait que du mode de fixation des prix.
Tout d'abord, le projet de décret ne semble pas prendre en compte tous les cas de figure existants. Le décret indique que la contractualisation se fait entre producteurs de lait et acheteurs et la reconduction est tacite pour une période équivalente à celle pour laquelle elle a été conclue. Le cas de figure d'un producteur engagé avec une structure collective propriétaire du lait chargée de sa revente ne semble être pris en compte dans l'actuelle énonciation, ces opérateurs économiques n'étant pas intégrés dans cette formulation dans l'obligation de contrat. Le champ d'application du projet de décret semble de ce point de vue incomplet.
Du point de vue des modalités de collecte, le décret pourrait par ailleurs être plus détaillé. En l'état actuel, il indique que toute modification de collecte ayant un impact sur le stockage du lait doit faire l'objet d'un accord préalable. La formulation ne semble pas intégrer différents filets de sécurité (obligation de collecter le lait dans la limite d'un délai à définir, non-collecte limitée au cas de force majeure). De la même manière, la formulation actuelle ne semble pas intégrer la question de la saisonnalité.
Concernant la formation des prix enfin, le décret peut être enfin être sources d'effets pervers. Dans la formulation actuelle, le décret précise que le contrat fixe les critères et les références pris en compte pour la détermination du prix de base du lait. Le décret ne mentionne pas, par exemple, un possible accord interprofessionnel sur la définition de ces indicateurs. En l'état, le décret pourrait donc conduire à considérer que les modalités de calcul du prix sont indiquées mais pas le montant dans le contrat de vente de lait.
Face à la massification de l'offre et à l'indispensable structuration des producteurs au sein d'organisations collectives disposant d'un mandat de négociation, la refondation des relations contractuelles entre producteurs et transformateurs est aujourd'hui indispensable. Eu égard au besoin de rééquilibrage des négociations commerciales avec les industriels, il lui demande de préciser quel niveau de protection pour les laitiers le décret relatif à la contractualisation entend procurer. Il lui demande également de préciser quelles suites il entend donner aux remarques formulées par les acteurs terrain s'agissant des points sensibles relevés.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire publiée le 24/02/2011

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 a pour objectif de stabiliser le revenu des agriculteurs, notamment grâce à des contrats écrits et de renforcer l'organisation des producteurs et des filières. Comme le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire s'y était engagé, la contractualisation entre les producteurs de lait et leurs acheteurs sera rendue obligatoire au 1er avril 2011. Le décret a été publié le 31 décembre 2010. Cette obligation porte sur la première mise en marché, c'est-à-dire entre les producteurs et leurs acheteurs. Tout acheteur de lait a l'obligation d'adresser aux producteurs auprès desquels il s'approvisionne une proposition de contrat d'une durée minimale de cinq ans. Il s'agit d'une première étape que l'interprofession peut d'ailleurs compléter par une contractualisation de second niveau entre les opérateurs qui vendent leur lait et leurs acheteurs. Il n'est pas exclu, à l'issue du bilan de la première année de contractualisation et après concertation avec les acteurs de la filière, d'introduire une telle disposition par décret. La loi ne permet pas d'introduire par décret des dispositions qui limiteraient trop fortement la liberté contractuelle des parties. Le décret est allé aussi loin que le permettait la loi en imposant la durée maximale autorisée par la loi, c'est-à-dire cinq ans et celle de la durée de préavis d'un an en cas de rupture de contrat, en introduisant pour les modalités de fixation des prix la référence aux indicateurs élaborés par le Centre national interprofessionnel du lait. La saisonnalité est intégrée dans les clauses volume et prix que devront contenir les contrats. Mais c'est la négociation entre producteurs et acheteurs qui devra définir le contenu précis des clauses, notamment les modalités de collecte. Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire a incité l'interprofession laitière, comme d'ailleurs le prévoit la loi, à élaborer un guide de bonnes pratiques contractuelles qui constituera un ensemble de repères partagés pour la conclusion des contrats individuels. Le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face à leurs acheteurs est la priorité du Gouvernement. Aujourd'hui, le regroupement des producteurs en organisations avec mandat de négociation est déjà permis par le droit. Aller plus loin nécessite une modification des règles de la concurrence au niveau européen. La proposition de règlement dit « paquet lait » que la Commission a présenté au conseil des ministres de l'agriculture le 13 décembre 2010 à la demande de la France va dans ce sens. Il s'agit d'une avancée considérable avec l'introduction d'une dérogation au droit des ententes portée par le ministre de l'agriculture dès l'automne 2009 en pleine crise laitière. Ainsi, des organisations de producteurs, propriétaires ou non du lait, regroupant jusqu'à 3,5 % de la production laitière européenne, soit environ 5 millions de tonnes de lait, auront la capacité de négocier collectivement les prix pour leurs producteurs. Pour bénéficier de cette dérogation, les organisations de producteurs devront avoir été reconnues par l'État membre. Un nouveau décret sur les organisations de producteurs sera publié dès l'adoption de ce règlement qui devrait intervenir au cours de l'année 2011.

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