Question de M. DOMEIZEL Claude (Alpes de Haute-Provence - SOC) publiée le 05/11/2010

Question posée en séance publique le 04/11/2010

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Domeizel. Ma question qui s'adresse à vous, madame la ministre de la santé et des sports, concerne la mise en place de la télémédecine, que vous venez d'annoncer à grands renforts médiatiques.

Nous avons été nombreux à être interrogés, notamment par ceux qui, à tort ou à raison, appréhendent une généralisation de ce nouveau type de consultation.

La téléconsultation est particulièrement présentée, par vous-même, madame la ministre, comme étant la solution miracle…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je n'ai jamais dit cela !

M. Claude Domeizel. … pour compenser l'inquiétante progression des déserts médicaux.

Sur le fond, l'utilisation des moyens modernes de communication est susceptible de jouer un rôle précieux pour améliorer les relations entre les patients et les médecins. Cependant, il est nécessaire qu'il soit répondu aux interrogations légitimes quant à son coût, à son partage, à la responsabilité du praticien et à la confidentialité.

Surtout, il ne faudrait pas se tromper d'objectif : la télémédecine pour aider les praticiens, oui. Mille fois oui. La télémédecine pour remplacer les praticiens, ce serait une erreur grave.

À ce sujet, je note avec regret que les observations essentielles de la CNIL, la commission nationale de l'informatique et des libertés, notamment sur la sécurisation des données de santé et toutes les garanties de confidentialité des données personnelles, n'ont pas été prises en compte.

Au sujet du coût, la télémédecine, pour se développer, doit s'accompagner d'une généralisation des moyens modernes de communication sur les territoires. Le Gouvernement compte-t-il prendre des mesures financières pour couvrir tout le territoire par le haut débit ?

La télémédecine, pourquoi pas ? Mais il est illusoire de penser qu'elle puisse remplacer l'examen clinique. En effet, le médecin peut-il être efficace sans voir, toucher, écouter le patient ? En résumé, la consultation médicale ne peut se passer de la relation humaine dans l'intimité du cabinet médical.

M. René-Pierre Signé. Évidemment !

M. Claude Domeizel. Voyons les choses en face. L'officialisation de la télémédecine met finalement en exergue le vrai problème, le réel problème, plus profond et qui devient de plus en plus préoccupant, celui du non-remplacement en milieu rural des médecins partant à la retraite.

Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à mesurer et à appréhender le vide qui est en train de se créer, jour après jour, sur nos territoires. Tout cela va de pair avec la disparition des services publics de proximité.

Malheureusement, on est en droit de craindre que la télémédecine, contrairement à ce que vous avancez, ne constitue qu'un faible moyen pour juguler ce phénomène, ou pire, si cet encouragement est pensé comme un moyen pour remplacer les médecins disparus de nos territoires.

J'en viens donc à ma question. Madame la ministre, disposez-vous d'autres propositions innovantes et efficaces pour pallier le déficit de médecins dans les secteurs démographiquement défavorisés, et pour offrir partout, comme le prévoit la loi, des soins de qualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 05/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2010

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur Claude Domeizel, à part la conclusion quelque peu polémique de votre question, je partage entièrement vos préoccupations.

Le développement de la télémédecine n'a évidemment pas pour objet de remplacer le contact privilégié du médecin et de son malade. Rien ne pourra jamais le remplacer.

Ce que nous constatons, c'est que la télémédecine présente plusieurs modalités : la télé-expertise, comme dans l'échange des données médicales, entre radiologues par exemple, le télé-suivi d'un certain nombre de malades chroniques et la téléconsultation.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'encadrer un certain nombre de pratiques qui sont en train de se développer. En effet, ce n'est pas le décret sur la télémédecine qui instaure la téléconsultation. Cette dernière existe déjà. Il y a un certain nombre de sites payants qui proposent des consultations par internet.

Je veux que ces pratiques soient encadrées, afin que s'y livrent des médecins qui disposent du droit d'exercer la médecine sur le territoire français, et pas sur une plateforme située dans un pays en voie de développement. C'est une garantie absolument indispensable.

Je veux aussi que la télémédecine, qui peut venir en complément de la médecine traditionnelle, de la médecine en face-à-face, soit accessible aux gens modestes. Or, actuellement, c'est un système payant, non-remboursé par la sécurité sociale. Je veux donc faire entrer la téléconsultation dans le champ des activités remboursées par l'assurance maladie.

Vous le voyez, je souhaite encadrer et sécuriser la télémédecine. Bien entendu, les observations de la CNIL sur la sécurisation et la confidentialité des données seront respectées. La télémédecine n'est donc absolument pas destinée à être une solution miracle au problème de la désertification médicale. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Vous avez vu, à travers la loi « hôpital, patients, santé et territoires » et un certain nombre de mesures prises dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, que nous avons mis en place des outils pour tenter de résoudre ce problème. Quels sont-ils ? Il s'agit de tout ce qui concerne la formation des médecins, le développement de la filière de médecine générale, l'augmentation du numerus clausus dans les facultés de médecine situées dans les zones sous-denses, l'ouverture de bourses attribuées par les agences régionales de santé pour fixer les étudiants dans les zones sous-denses, les ARS constituées en guichets uniques.

Avec l'aide de Michel Mercier et du ministre de l'intérieur Brice Hortefeux, nous avons créé des plateformes logistiques pour aider les médecins à s'installer de la meilleure façon et échapper à un cheminement administratif souvent lourd. Nous avons également développé de nouveaux modes d'exercice : les maisons médicales pluridisciplinaires, la coopération de tâches.

Tous ces dispositifs sont en place et je n'aurai garde d'oublier que, dans les zones sous-denses, les médecins bénéficient d'une rémunération supérieure de 20 %, prise en charge par l'assurance maladie.

C'est dans ce cadre que la télémédecine prend sa place, toute sa place, mais rien que sa place. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

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