Question de M. DASSAULT Serge (Essonne - UMP) publiée le 05/11/2010
Question posée en séance publique le 04/11/2010
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Il parle tous les matins dans Le Figaro !
M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Les dispositions générales de l'ordonnance du 2 février 1945 disposent que : « Les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d'assises des mineurs. »
Or l'évolution récente de la délinquance juvénile est marquée, malheureusement, par une augmentation considérable du nombre des mineurs ayant commis des crimes et délits. Selon les dernières statistiques de la Direction centrale de la police judiciaire, 207 821 mineurs ont été mis en cause pour crimes et délits en 2008.
M. David Assouline. Que fait la police ?
M. Serge Dassault. Alors que, en 1990, 7,2 % des crimes et délits contre des personnes étaient commis par des mineurs, ce taux atteignait, en 2008, près de 16,2 %. En outre, 26 % des viols et 17 % des délits avec coups et blessures volontaires sont perpétrés par des jeunes mineurs.
M. David Assouline. Il y a aussi de vieux voyous !
M. Serge Dassault. Le visage de la délinquance des mineurs a ainsi fortement changé depuis 65 ans, malheureusement. Notre appareil judiciaire devrait adapter ses méthodes et ses règles à cette évolution d'une délinquance dont le caractère est d'autant plus violent que l'impunité est, pour le moment, pratiquement assurée à ses auteurs.
Cette situation est d'autant plus grave que les policiers sont démotivés de façon croissante, à force de voir des mineurs les agresser avec des projectiles de plus en plus dangereux
M. David Assouline. Tant que ce ne sont pas des Rafales !
M. Serge Dassault.
et ressortir du tribunal libres et sans aucune condamnation.
Les mineurs de 16 à 18 ans, grâce à cette ordonnance, sont manipulés par des majeurs pour effectuer des opérations pour lesquelles ils savent qu'ils ne risquent rien. Cela doit cesser. La sécurité de nos quartiers en dépend.
En outre, plutôt que de les incarcérer dans des centres pénitentiaires, il vaudrait mieux obliger ces jeunes à suivre une formation professionnelle ou les intégrer dans une école de la deuxième chance, afin qu'ils puissent trouver un emploi...
M. Didier Boulaud. Il n'y en a pas !
M. Serge Dassault. ... et vivre normalement.
Si nos jeunes étaient mieux formés à une activité professionnelle dès le collège, dès 14 ans, ils ne sortiraient plus du système scolaire à 16 ans sans aucune formation et ne deviendraient pas des délinquants par inactivité. De fait, l'insécurité diminuerait.
M. Didier Boulaud. Il faut les détecter dès trois ans !
M. Serge Dassault. Ainsi cette proposition sauverait-elle un grand nombre de nouveaux délinquants en leur permettant d'acquérir une formation professionnelle au lieu qu'ils soient abandonnés à leur sort.
Madame la ministre d'État, que pensez-vous de cette proposition ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Claude Biwer applaudit également.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/11/2010
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2010
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, tous les pays européens ont fixé l'âge de la majorité pénale à dix-huit ans, voire plus tard. C'est également ce que préconise la Convention internationale des droits de l'enfant.
Pour autant, le droit français contient un certain nombre de dispositions concernant les jeunes âgés de 16 ans à 18 ans, car il convient de prendre en compte le fait que, psychologiquement, ils ont une plus grande maturité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Didier Boulaud. Même pour parler de la retraite !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Par conséquent, des conditions spécifiques peuvent leur être réservées.
C'est ainsi que, aujourd'hui déjà, pour les jeunes appartenant à cette tranche d'âge, des règles plus sévères ont été fixées en matière de détention provisoire. Des mesures existent également afin de déroger aux dispositions législatives relatives aux peines minimales et à l'atténuation des peines applicables aux mineurs. La possibilité de les soumettre à des règles de procédure plus rigoureuses, notamment la comparution immédiate, est aussi prévue.
Monsieur le sénateur, vous avez également soulevé le problème de la formation. Nous avons créé des centres éducatifs fermés afin d'accueillir ces jeunes, qu'il s'agisse de jeunes mineurs ou de jeunes majeurs.
Les jeunes mineurs sont soumis à une obligation de suivi scolaire. Grâce au concours du ministère de l'éducation nationale, cette formation est assurée par des enseignants.
M. Robert Hue. Ils sont de moins en moins nombreux !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Les jeunes majeurs ont, quant à eux, accès à la formation professionnelle. Cela leur offre un contact avec le monde extérieur : ils réintègrent le centre éducatif fermé à la fin de la journée.
Tel est le dispositif en vigueur qui permet des sanctions plus sévères à l'égard des jeunes de 16 ans à 18 ans.
Pour autant, monsieur le sénateur, je partage votre opinion sur l'ordonnance du 2 février 1945 : notre société a évolué et les mineurs ont changé.
C'est pourquoi, avec des professionnels mais également des parlementaires de la majorité comme de l'opposition, je travaille actuellement à une réforme permettant de rédiger un code pénal des mineurs qui sera discuté devant le Parlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On commencera à la maternelle !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Les dispositions qui sont pour l'instant à l'étude permettraient notamment de réduire le laps de temps entre l'acte de délinquance commis et le jugement. C'est très important, car nous savons tous que les jeunes oublient très vite et que, pour eux, le temps n'a pas la même valeur.
En outre, cette nouvelle procédure pénale applicable aux mineurs prendra en compte la récidive. Il s'agit là d'une préoccupation majeure.
Cette réforme fera l'objet d'un vaste débat. Il va de soi que ce sujet concerne directement le ministère de la justice, mais la chaîne de la sécurité, la chaîne de la prévention et la chaîne de l'action vis-à-vis des mineurs commence avec la famille et engage aussi l'éducation, la police et la gendarmerie, la justice et les collectivités locales. C'est sur tous ces maillons qu'il faut travailler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
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