Question de M. MIRASSOU Jean-Jacques (Haute-Garonne - SOC) publiée le 28/10/2010
M. Jean-Jacques Mirassou attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur la mise en place des comités stratégiques de filières industrielles, information qui appelle de sa part certaines réflexions.
Tout d'abord, il croit à la nécessité de structurer rapidement l'industrie française autour de véritables filières, notamment dans le secteur aéronautique, dont 80 % de l'activité se situe en Midi-Pyrénées. Il y aurait l'opportunité, à travers la mise en place d'une filière aéronautique, de « muscler » le secteur de la sous-traitance en initiant des clusters qui pourraient, dans le même temps, favoriser l'intégration entre la recherche et l'industrie. C'est donc avec satisfaction qu'il a pris note de la décision du ministre de mettre en place un comité stratégique de la filière aéronautique, même s'il regrette le fait que ce comité ne soit pas symboliquement basé à Toulouse.
Il espère cependant que, passé l'effet d'annonce, cette structure sera, sur le moyen terme, opérationnelle et efficace.
Par ailleurs, et dans un autre domaine, il est indispensable de favoriser, dans le périmètre d'EADS, mais également au-delà, l'émergence d'un puissant acteur français dans le domaine des aérostructures. Il est clair que SOGERMA, DAHER-SOCATA et surtout LATECOERE représentent des entités pouvant concourir à l'émergence de cet acteur.
Or, tout récemment, la presse a évoqué l'éventualité pour la société américaine SPIRIT (géant mondial dans le domaine des aérostructures) d'acquérir la société LATECOERE basée à Toulouse. Dans ce cas de figure, les chances de voir émerger un ensemble industriel national d'aérostructures, qui pourrait bénéficier du concours du FSI, seraient pratiquement réduites à néant. Il y a donc un véritable enjeu sur le plan de la stratégie industrielle qui justifie lui-même un affichage politique auprès de tous les acteurs concernés, et ce, dans un délai très rapide.
C'est la raison pour laquelle il s'adresse à lui, en espérant que ses éléments de réponse lui permettront de rassurer tous ceux qui s'inquiètent, à juste titre, du devenir du secteur aéronautique en MidiPyrénées. Le Gouvernement ne peut rester indifférent face à cette situation et a donc le devoir, à travers les compétences du ministère de l'industrie, de parler et d'agir.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 12/01/2011
Réponse apportée en séance publique le 11/01/2011
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette question était initialement destinée à M. Estrosi. Toutefois, les aléas de la vie parlementaire et gouvernementale me conduisent aujourd'hui à l'adresser à M. Frédéric Lefebvre, qui représente ce matin M. Besson, successeur de M. Estrosi.
Voilà quelques mois, M. Estrosi avait annoncé la mise en place des comités stratégiques de filières industrielles.
Cette mise en place appelle plusieurs réflexions de ma part, étant précisé au préalable que M. Besson, j'imagine, s'inscrit dans la démarche engagée par son prédécesseur, M. Estrosi.
Je crois très fortement en la nécessité de structurer rapidement l'industrie française autour de véritables filières, notamment dans le secteur aéronautique, dont vous savez tous que 80 % de l'activité se situe dans la région Midi-Pyrénées. À travers la mise en place d'une filière aéronautique, apparaîtrait l'opportunité de « muscler » le secteur de la sous-traitance en favorisant le développement de clusters qui, pour leur part, pourraient favoriser l'intégration de la recherche et de l'industrie.
C'est donc avec satisfaction que j'ai pris note de la décision du ministre de l'époque de mettre en place un comité stratégique de la filière aéronautique. Pour des raisons évidentes, je déplore toutefois le fait que ce comité ne soit pas symboliquement basé à Toulouse. Vous savez du reste que Toulouse recevra jeudi prochain, sur le site d'EADS, la visite du Président de la République. Cette visite soulignera une double évidence : d'une part, la place occupée par Toulouse dans le secteur aéronautique ; d'autre part, la place de l'aéronautique dans le tissu industriel national. Peut-être des annonces seront-elles faites à cette occasion.
J'espère cependant que, passé l'effet d'annonce de la création de ce comité stratégique, cette structure sera à moyen terme véritablement opérationnelle et efficace. Je le crois d'autant plus que les travaux actuellement menés par la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires, à laquelle j'appartiens, confortent largement ce point de vue.
Dans un autre registre, mais sans trop m'éloigner du cur du sujet, je voudrais souligner qu'il est indispensable de favoriser, dans le périmètre d'EADS et au-delà, l'émergence d'un puissant acteur français dans le domaine des aérostructures. Il est évident que Sogerma, Daher-Socata et, surtout, Latécoère représentent des entités pouvant concourir à l'émergence d'un tel acteur, déjà concurrencé par certaines initiatives allemandes ou américaines.
En ce sens, la presse a évoqué voilà quelque temps l'éventualité pour la société américaine Spirit cette société, appendice de la firme Boeing, est déjà implantée sur le sol français et est spécialisée dans les éléments composites d'acquérir la société Latécoère basée à Toulouse et dans une commune du Gers proche de cette dernière ville. Une telle opération, si elle se réalisait, réduirait pratiquement à néant les chances de voir émerger un ensemble industriel national d'aérostructures, qui pourrait bénéficier du concours du Fonds stratégique d'investissement, le FSI. Il existe donc un véritable enjeu sur le plan de la stratégie industrielle, enjeu qui justifie un affichage politique auprès de tous les acteurs concernés, et ce dans un délai relativement rapide. Lorsque j'évoque l'affichage politique et la stratégie industrielle, vous pensez bien, monsieur le secrétaire d'État, que j'interpelle l'État.
J'espère que vos éléments de réponse me permettront de rassurer tous ceux qui, dans la région Midi-Pyrénées et au-delà, sont préoccupés par cette situation. En effet, le Gouvernement ne peut rester indifférent et muet face à cette question, et a donc le devoir, à travers les compétences du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de parler et surtout d'agir.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Mirassou, vous avez parfaitement rappelé que Christian Estrosi avait annoncé, dans le cadre des états généraux de l'industrie, un certain nombre de mesures destinées à renforcer la compétitivité et la solidité des entreprises. Le Président de la République s'est d'ailleurs lui-même engagé dans cette voie à plusieurs reprises, et notamment à l'occasion de ces états généraux de l'industrie.
Parmi les mesures prévues figure la structuration en filières de l'industrie française. Les objectifs fixés à l'époque restent évidemment ceux du Gouvernement. Aujourd'hui, comme hier, ces enjeux constituent une priorité.
Vous avez cité un certain nombre d'entreprises, et je n'y reviendrai pas. Au regard du nombre d'emplois concernés, de l'innovation dans ce secteur et du caractère structurant pour le tissu industriel de cette activité, l'aéronautique figure parmi les onze filières stratégiques identifiées lors des états généraux de l'industrie. C'est une bonne nouvelle pour Toulouse.
Lors de l'installation du comité stratégique de la filière aéronautique, le 16 septembre 2010, plusieurs chantiers prioritaires ont été identifiés, dont celui de la supply chain, comme disent les Anglo-Saxons. Il s'agit, dans le cadre de la filière aéronautique, des aérostructures, que vous avez parfaitement présentées tout à l'heure. Ce secteur des aérostructures emploie directement 9 000 salariés en France, auxquels s'ajoutent de 10 000 à 20 000 emplois dans la sous-traitance. Aerolia, Latécoère, Sogerma et Daher-Socata, que vous avez cités, sont les acteurs principaux de ce secteur.
Il s'agit là d'un secteur performant qui, comme vous l'avez dit, est cependant fragmenté.
Il existe donc un enjeu stratégique majeur à faire émerger un grand champion de taille mondiale dans le secteur des aérostructures, et le Gouvernement est décidé à « être au rendez-vous ». Chacune des entreprises françaises que vous et moi avons citées Aérolia, Latécoère, Sogerma, Daher-Socata peut être en mesure d'assumer un rôle fédérateur dans le secteur des aérostructures, à condition qu'elle en ait la volonté stratégique et les capacités financières.
L'État n'a pas vocation à dicter aux entreprises leur stratégie. En revanche, il a mis en place des outils, tel le Fonds stratégique d'investissement, ou FSI, aptes à accompagner des opérations ambitieuses de création de valeur industrielle nationale.
Dans le respect des règles de gouvernance de ces dispositifs, le Gouvernement sera attentif à leur mobilisation pour accompagner la concentration du secteur, dès lors que les industriels auront élaboré un projet ambitieux concordant avec les enjeux nationaux de développement industriel.
Dès lors que ce projet ambitieux sera « sur la table », le Gouvernement aura pour priorité d'être aux côtés de cet acteur que nous souhaitons voir émerger en France. Le FSI est également dans l'attente de ce projet que les entreprises doivent définir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d'État, je partage les bonnes intentions que vous avez affichées, même si j'attends leur concrétisation par des actes.
Il y a toutefois un point de divergence entre votre diagnostic et le mien. Je suis en effet convaincu du fait que, dès que l'on évoque la stratégie industrielle, l'État a alors toute légitimité pour intervenir, voire pour interférer, dans les choix faits par les industries concernées.
Cela est tellement vrai que, dans d'autres pays concurrents de la France je pense notamment à nos amis allemands , les gouvernements, faisant preuve de moins de scrupules, interviennent de manière très importante dans ce type de situation ; un membre du Gouvernement est d'ailleurs généralement chargé de la problématique aéronautique. Je ne peux pour ma part que vous souhaitez d'être un jour chargé de ce dossier, monsieur le secrétaire d'État, car il est éminemment important en termes non seulement de stratégie industrielle, qui engage l'ensemble de la nation, mais également d'emploi et de recherche et développement.
Par conséquent, dès l'instant que des comités stratégiques consacrés à ces filières sont créés, il ne faut pas rester au milieu du gué : il faut « pousser les feux » pour que le Gouvernement joue pleinement son rôle. Sinon, les industriels que vous avez cités pourraient être tentés de « jouer petits bras » et préférer, en l'absence d'une volonté politique affirmée à l'échelon gouvernemental, ne pas se lancer dans un effort d'une telle ampleur.
Il faut donner aux énergies existantes la possibilité de tirer le maximum de leur potentiel et confirmer par des actes la volonté politique que vous avez affichée à l'instant, monsieur le secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Mirassou, mon collègue Éric Besson, en charge de ces dossiers, est particulièrement déterminé à ce que, dès lors que les entreprises se mobiliseront, des mesures soient prises. La balle est dans le camp des entreprises. Il ne s'agit pas d'avoir des scrupules ou de ne pas faire comme nos amis allemands. Au contraire ! Il n'est toutefois pas possible de définir la stratégie des entreprises à leur place.
Une fois qu'une stratégie et un projet ambitieux seront sur la table, l'État sera aux côtés du secteur des aérostructures.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il pourrait d'ores et déjà le stimuler !
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