Question de M. RIES Roland (Bas-Rhin - SOC) publiée le 28/10/2010

M. Roland Ries appelle l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur la situation des frontaliers français ayant travaillé en Allemagne.

Suite à l'adoption de la loi du 1er janvier 2005 relative aux pensions et retraites par le Parlement allemand, une grande partie des frontaliers français voient désormais leurs pensions de retraites soumises au régime fiscal. La procédure, non appliquée jusqu'alors, est désormais mise en place. Les retraités frontaliers français sont dès lors confrontés à plusieurs difficultés : classés dans la catégorie fiscale de « non résident », ils ne peuvent pas bénéficier des abattements en vigueur ; d'autant que l'Allemagne entend que les déclarations au fisc allemand soient faites rétroactivement depuis 2005. En outre, le document étant incompréhensible pour une personne ne maîtrisant pas parfaitement la langue allemande, les frontaliers se voient dans l'obligation de faire appel à un conseiller fiscal allemand, ce qui entraîne un coût supplémentaire non négligeable. Enfin, la France demande désormais aux frontaliers de fournir un justificatif du paiement de l'impôt en Allemagne pour pouvoir bénéficier du crédit d'impôt. Mais le délai pour obtenir un justificatif fiscal étant très important, le risque de double imposition est grand.

Par conséquent, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin qu'une solution soit trouvée pour ces travailleurs frontaliers. Il lui demande notamment de l'informer de l'état des négociations bilatérales sur ce dossier.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale publiée le 22/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 21/12/2010

M. Roland Ries. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des retraités vivant en France et ayant travaillé en Allemagne.

Alors que l'Union européenne entend promouvoir la libre circulation des travailleurs, les frontaliers sont aujourd'hui confrontés à des difficultés administratives et fiscales considérables. Ils subissent en effet, d'une part, les dommages collatéraux de la réforme fiscale allemande, et, d'autre part, le durcissement du système de contrôle de l'administration française.

En 2005, le Parlement allemand, souhaitant rééquilibrer ses finances publiques, a adopté une loi réformant les retraites. Ce texte a abaissé le seuil de ressources à partir duquel les personnes sont imposables. Les frontaliers, auparavant épargnés, ont vu alors leurs pensions soumises au régime fiscal allemand.

Ainsi, le Trésor public allemand est chargé, depuis le deuxième semestre 2009, d'organiser la collecte de l'impôt. À partir de ce moment, les retraités frontaliers ont connu plusieurs difficultés.

Tout d'abord, la déclaration fiscale obligatoire est incompréhensible pour une personne ne maîtrisant pas parfaitement la langue allemande – il est vrai que certains documents fiscaux de notre pays ne sont pas non plus très clairs, même pour ceux qui parlent parfaitement le français ! (Sourires.) Les retraités sont donc très souvent dans l'obligation de faire appel à un conseiller fiscal allemand, ce qui entraine un coût non négligeable, de 100 à 130 euros par an, qui est non déductible.

En outre, étant « non-résidents », ils sont imposés plus lourdement sans pouvoir bénéficier des abattements en vigueur pour les travailleurs allemands dits « résidents ».

Enfin, l'État allemand exige des frontaliers qu'ils déclarent rétroactivement les pensions perçues depuis 2005. La politique fiscale actuelle de l'Allemagne est, vous le concéderez, madame la secrétaire d'État, manifestement défavorable aux travailleurs frontaliers français.

Je suis d'autant plus inquiet que les frontaliers rencontrent également des difficultés avec l'administration française. En effet, jusqu'à présent, conformément aux instructions des services fiscaux français, les retraités déclaraient leurs pensions de retraite allemandes et bénéficiaient en retour d'un crédit d'impôt sur celles-ci, pour éviter la double imposition. Aucun justificatif d'acquittement de l'impôt en Allemagne ne leur était alors demandé. Dorénavant, l'État français impose aux retraités de le fournir rétroactivement, sur plusieurs années.

Or nombre de retraités sont dans l'incapacité de présenter ce document, puisque leurs revenus n'atteignaient pas le seuil requis pour être soumis à l'impôt allemand. S'il est opportun que l'Allemagne et la France rééquilibrent leurs finances publiques, il est en revanche tout à fait regrettable que les retraités frontaliers en subissent les conséquences, à la fois en France et en Allemagne.

Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier aux difficultés rencontrées par les retraités frontaliers, d'une part, à l'échelon national, et, d'autre part, dans les négociations bilatérales franco-allemandes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, comme vous, plusieurs députés et sénateurs ont appelé l'attention du Gouvernement sur le problème que connaissent aujourd'hui un certain nombre de frontaliers français ayant travaillé en Allemagne, à la suite de la modification par le Parlement allemand, en janvier 2005, du régime d'imposition des pensions et retraites.

Tout d'abord, François Baroin tient à vous préciser que les modalités d'imposition des pensions de source allemande perçues par des personnes résidant en France relèvent de la souveraineté de l'État allemand, dès lors qu'elles respectent les stipulations de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959.

Cela étant, à la demande du Gouvernement, les autorités fiscales françaises se sont rapprochées de leurs homologues allemandes afin de leur demander d'assurer aux bénéficiaires de pensions qui résident en France un traitement équitable, en renonçant notamment à l'application de pénalités pour tenir compte de la bonne foi des intéressés, qui paraissent ne pas avoir été bien informés du changement opéré dans la législation fiscale allemande, du fait des difficultés linguistiques qu'ils ont pu rencontrer et que vous avez évoquées.

Dans l'immédiat, l'Allemagne a désigné un point d'entrée unique pour gérer les dossiers – le Finanzamt de Neubrandenburg – qui tient à la disposition des retraités frontaliers certains formulaires en français.

Par ailleurs, des consignes ont été adressées aux services fiscaux locaux en vue de régler certaines situations de double imposition : celle-ci sera ainsi éliminée par le remboursement de l'impôt payé en France depuis 2005 au titre de ces pensions, sans opposer les délais de prescription, dès lors que les personnes concernées pourront justifier par tout moyen de l'imposition de ces pensions en Allemagne. De plus, il leur a été demandé d'accorder le paiement d'intérêts moratoires sur ces remboursements.

Ces éléments témoignent de la mobilisation des services de l'État pour venir en assistance à ces frontaliers en difficulté, dans le respect de la souveraineté fiscale de l'Allemagne.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions.

En l'occurrence, je dirai, pour reprendre une formule de la philosophie stoïcienne, qu'« il y a des choses qui dépendent de nous et d'autres qui n'en dépendent pas ».

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. C'est un peu cela !

M. Roland Ries. Ce qui dépend de nous, c'est l'administration française. Essayons de faire en sorte que ceux de nos compatriotes qui ont effectué tout ou partie de leur carrière professionnelle de l'autre côté de la frontière ne soient pas en difficulté de notre propre fait. Il y a là une action à mener.

Pour la partie allemande, vous l'avez souligné et je partage votre point de vue, nos moyens sont plus limités. Toutefois, cette question pourrait être abordée dans le cadre des relations bilatérales franco-allemandes, me semble-t-il. En outre, je viens de découvrir le texte de cette communication de la Commission de Bruxelles, en date du 20 décembre dernier :

« La Commission souhaite promouvoir un vaste dialogue entre les autorités nationales et les parties prenantes, afin de déterminer quelles sont les autres mesures envisageables pour simplifier les règles fiscales, au bénéfice des citoyens et du marché intérieur. Il pourrait s'agir, par exemple, d'établir, à l'échelle de l'Union, des formulaires types pour les déclarations et créances fiscales, de créer des points de contact uniques – vous avez parlé du Finanzamt à l'instant, madame la secrétaire d'État –, où les travailleurs et les investisseurs pourraient obtenir des informations fiscales claires et fiables, et de mettre en place, au niveau national, des régimes fiscaux spéciaux destinés à prendre en compte les besoins des travailleurs mobiles et frontaliers. »

La Commission s'est visiblement saisie de ce problème. Il sera donc sans doute possible de simplifier la vie de nos retraités, qui sont nombreux à présenter aujourd'hui leurs doléances aux parlementaires.

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