Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 08/10/2010

Question posée en séance publique le 07/10/2010

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, ma question s'adressait à M. le ministre de la culture et de la communication.

Il y a un mal bien français dans le monde de la communication, je veux parler des liens étroits – intimes, devrais-je dire – entre le pouvoir politique et les groupes industriels possédant des médias et vivant des commandes de l'État, sans égard pour les conflits d'intérêts qui en résultent inéluctablement.

Après avoir réussi à mettre la main sur les nominations dans l'audiovisuel public, le président Sarkozy a tenté d'intervenir dans les négociations concernant le journal Le Monde.

Dans ce contexte, la possible concentration de deux des principaux organes de presse français, Le Figaro et Le Parisien-Aujourd'hui en France, entre les mains d'un même groupe, le groupe Dassault, qui vit largement de la commande d'État, sonne comme une alerte supplémentaire et devrait interpeller le Gouvernement sur sa propre responsabilité en matière de pluralisme et d'indépendance des médias.

Il faudrait être bien naïf pour ne pas voir dans ces manœuvres capitalistiques la tentative d'orienter au mieux l'information à la veille d'un long processus électoral.

« Fantasmes ! », direz-vous sans doute. Faut-il rappeler que la droite n'a eu de cesse depuis des années d'affaiblir les dispositifs qui visaient à limiter les concentrations ? Mais, plus perverse encore que les concentrations des capitaux, il y a cette anomalie spécifiquement française qui consiste à livrer les médias à de grands groupes industriels vivant des commandes de l'État, ce qui crée une inévitable collusion avec le pouvoir en place.

Ce qui est en cause, ce n'est donc pas seulement le sort du Parisien, c'est le droit des Français à être informés le mieux possible, ce qui exige la diversité des médias.

À l'évidence, nous ne pouvons plus nous en tenir au droit existant. Le professionnalisme des journalistes ne suffit pas face aux dérives résultant de la concentration et des conflits d'intérêts. Seule la loi peut y répondre et assurer efficacement le pluralisme effectif de la presse.

C'est ce qui a été fait pour l'audiovisuel, sans que cela empêche l'émergence de grands groupes. Je rappelle aussi que l'article 34 de la Constitution prévoit que le législateur doit fixer « les règles concernant […] la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».

Alors, monsieur le ministre, que pensez-vous du sort du Parisien ? Qu'attendez-vous pour prendre l'initiative, étendre à la presse écrite les règles anti-concentration et mettre fin à ce qui est un conflit d'intérêt scandaleux ? S'il n'agissait pas, votre gouvernement se rendrait complice de ces atteintes répétées au pluralisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 08/10/2010

Réponse apportée en séance publique le 07/10/2010

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Permettez-moi tout d'abord, madame la sénatrice, de vous présenter les excuses de mon collègue Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, qui actuellement, comme vous le savez, retenu à Francfort par le salon du Livre.

Ensuite, je ne résiste pas à l'envie de vous dire que, lorsque je lis la presse aujourd'hui, lorsque j'écoute la radio ou lorsque je regarde la télévision, il ne me semble pas que le pluralisme soit réellement menacé… (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) J'ai même le sentiment que nous assistons aujourd'hui, bien souvent avec des mots particulièrement déplacés, d'une violence rarement atteinte, à une véritable entreprise de déstabilisation et de destruction, qui menace la démocratie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Quant à la question que vous posez au Gouvernement, madame la sénatrice, nous y avons répondu en organisant les états généraux de la presse écrite. Permettez-moi de vous rappeler les quatre points principaux – vous les connaissez évidemment – qui ont résulté de ces discussions.

Mme Catherine Tasca. Et Dassault ?

M. Henri de Raincourt, ministre. J'y viens, madame la sénatrice.

Il a été décidé, premièrement, d'apporter un soutien massif à la modernisation de la presse et à son réseau de distribution ; deuxièmement, d'adapter le code de la propriété intellectuelle au nouvel environnement numérique ; troisièmement, d'adopter une loi sur la protection des sources et, quatrièmement, d'améliorer les conditions d'attribution des aides pour plus de transparence et d'efficacité.

Ces dispositifs, qui ont été plutôt bien reçus, sont de nature à permettre à la presse de continuer à remplir la mission qui est la sienne, mission, vous le savez, tout à fait essentielle dans une démocratie.

Vous le savez également, madame la sénatrice, en France, le marché des quotidiens est moins concentré que dans un certain nombre d'autres pays, tels que la Grande-Bretagne, notamment.

M. René-Pierre Signé. Comparaison n'est pas raison !

M. Henri de Raincourt, ministre. Dans ce contexte, le fait que trois entreprises issues du secteur des médias s'intéressent à la cession du Parisien ne peut que nous rassurer, alors même qu'une financiarisation du secteur se généralise dans la plupart des pays.

J'ai le sentiment, madame la sénatrice, que vous avez l'indignation sélective. En effet, quand M. Bergé rachète Le Monde, …

M. Didier Boulaud. Vous avez fait ce qu'il fallait pour l'en empêcher, mais vous n'y êtes pas parvenus !

M. Henri de Raincourt, ministre. … cela ne suscite pas chez vous de questions aussi véhémentes, en tout cas publiquement (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste),…

M. Jean-Louis Carrère. Mais enfin, il ne fabrique pas de Rafale !

M. Henri de Raincourt, ministre. … pas beaucoup plus que lorsque M. de Rothschild investit des milliards et des milliards d'euros dans Libération !

M. Didier Boulaud. Quand Bergé vendra des Rafale, faites-nous signe !

M. Henri de Raincourt, ministre. Madame la sénatrice, vous qui avez exercé la belle mission de ministre de la culture, vous savez mieux que moi qu'une seule conclusion s'impose : faisons confiance aux journalistes pour préserver et conserver leur indépendance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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