Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC-SPG) publiée le 30/09/2010
M. Guy Fischer attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur l'inquiétude engendrée parmi les généalogistes amateurs par la menace qui pèse sur la gratuité d'accès aux archives publiques.
En effet, suite à la transposition en droit français de la directive européenne n° 2003/98/CE du 17 novembre 2003 qui encourage la réutilisation des informations publiques, les services d'archives départementaux et ceux des grandes villes font l'objet d'une offensive de sociétés commerciales, notamment de généalogie, qui vont jusqu'à les mettre en demeure de leur fournir les fichiers numériques de recensements de population, de registres paroissiaux et d'État civil, aux fins d'en faire un usage payant.
Cette dérive est encouragée par le rapport Ory-Lavollée intitulé « Partager notre patrimoine culturel » qui préconise l'usage de licences payantes dans le cadre de réutilisations d'archives publiques.
La constitution de ces fichiers entre les mains d'opérateurs privés pose bien sûr un problème d'éthique en même temps que d'égalité des citoyens en matière d'accès à l'information. Cette privatisation déguisée des archives publiques, patrimoine commun des citoyens de notre pays, inquiète particulièrement les généalogistes amateurs dont les recherches se fondent précisément sur les notions d'entraide et de partage.
Il lui demande les mesures qu'il entend faire adopter afin de continuer de garantir la consultation gratuite par tous des archives publiques.
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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 28/10/2010
La réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique. Sur le plan juridique, la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public a ouvert, pour chaque État membre, la possibilité de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissements culturels, au nombre desquels figurent les services d'archives publics. L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 transposant cette directive a ouvert ce marché pour notre pays et l'a encadré par les dispositions des articles 10 à 19 de la loi du 17 juillet 1978, qui fixent le droit applicable à la réutilisation des informations publiques. L'article 11 de cette loi prévoit cependant un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, lesquels peuvent fixer des conditions spécifiques de réutilisation. Mais aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité. Les services d'archives publics sont en train de se doter de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales. Ces licences fixent, notamment, les limites de la réutilisation et les redevances qui peuvent, le cas échéant, en constituer la contrepartie. Elles seront déterminées, s'agissant des services territoriaux d'archives, par la collectivité territoriale dont elles dépendent, en application du principe de libre administration. Le service interministériel des archives de France a diffusé auprès de ces services une note visant à harmoniser les pratiques, dans le respect de ce principe. Sur le plan économique, différentes sociétés privées souhaitent procéder à la réutilisation des documentsd'archives publics. L'application d'une redevance à une réutilisation commerciale de ces documents est justifiée et acceptée par la plupart des acteurs économiques souhaitant intervenir sur ce marché. Elle constitue en effet la contrepartie des investissements réalisés par l'État et les collectivités territoriales pour microfilmer ou numériser les documents conservés dans les services d'archives publics. Le montant de cette redevance fait en revanche débat, les acteurs économiques souhaitant que celui-ci soit le moins élevé possible. Le ministère de la culture et de la communication estime néanmoins que le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci. Sur le plan éthique enfin, de nombreux élus et acteurs de la société civile, notamment l'Association des archivistes français, se sont émus de la constitution, par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation, de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur Internet. Le croisement des informations figurant dans ces documents, qui peuvent être extrêmement sensibles, pourrait permettre de constituer de véritables profils individuels, sans que le consentement des personnes concernées n'ait été recueilli. Se pose donc la question de l'exclusion du champ de la réutilisation des documents d'archives publiques comprenant des données personnelles sensibles, tels que les actes d'état civils, les recensements de population, ou encore les fichiers de police, alors que ces documents font fréquemment l'objet de demandes de réutilisation en vue d'une indexation nominative diffusée sur des sites commerciaux payants. Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont il est saisi, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation. Seule une intervention du législateur pourrait poser un cadre plus contraignant pour la réutilisation de données sensibles, au travers d'une modification de l'ordonnance de 2005.
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