Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 16/09/2010
M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le problème posé par la possible ou probable réintroduction des farines de viande dans l'alimentation animale, ainsi que la Commission européenne vient de l'envisager dans les prochains mois pour les non-ruminants (porcs, volailles, poissons d'aquaculture). L'objectif affiché consiste, semble-t-il, à permettre à l'Union européenne de diminuer sa dépendance en protéines (soja) vis-à-vis de l'extérieur, de réduire les effets négatifs de l'interdiction sur les plans économiques et environnementaux et, enfin, d'accroître la compétitivité de l'élevage et de l'industrie de la viande.
Il convient cependant de s'inquiéter de la révision des règles de contrôle en place dans l'Union européenne pour combattre la maladie de la vache folle (encéphalopathie spongiforme bovine) et la tremblante du mouton. A ce jour, plus de 190 000 cas d'ESB ont été répertoriés dans le monde, dont 1016 en France, ce qui constitua, dans les années 1990, un traumatisme qui marqua à jamais les consommateurs. Dans une période de baisse régulière de la consommation de viande, une telle mesure ne peut que jeter le doute et aggraver la situation des éleveurs. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle est la position du Gouvernement à ce sujet.
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Réponse du Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire publiée le 03/11/2010
Réponse apportée en séance publique le 02/11/2010
M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, ma question porte sur l'inquiétude causée par la réapparition du spectre des farines animales dans l'agriculture française et, plus particulièrement, dans l'élevage. Ces farines animales n'étaient plus qu'un lointain souvenir ; elles refont surface, tout à coup, sans crier gare.
En effet, selon les informations dont je dispose, il semblerait que la Commission européenne, au mois de juillet dernier, ait clairement envisagé de soumettre au Parlement européen, dans les prochains mois, la réintroduction des farines animales à destination des non-ruminants, c'est-à-dire les porcs, les volailles et les poissons d'aquaculture. Ce serait revenir sur l'interdiction, formulée en juillet 1994, de nourrir les bovins, les ovins et les caprins avec des farines de viande et d'os de mammifères.
Comme on l'imagine sans peine, cette nouvelle, certes assortie d'un certain nombre de précautions scientifiques, a provoqué une réelle émotion un peu partout et de sérieuses interrogations chez tous ceux qui n'ont pas oublié la crise des années quatre-vingt-dix, avec ses chiffres terribles : 190 000 cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, des milliers de troupeaux sacrifiés, plus de 200 victimes humaines de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Ce traumatisme collectif marqua autant les producteurs que les consommateurs. Certes, ce régime ne s'adresse pas aux mêmes animaux que dans le passé, mais tout de même : qui nous assure que les porcs, les volailles et les poissons ingéreront sans risque ces produits ? Les experts ? On sait combien ils peuvent se tromper, parfois sur une grande échelle !
Ce projet vise, nous dit-on, à permettre à l'Union européenne de diminuer sa dépendance en protéines vis-à-vis de l'extérieur, en particulier en ce qui concerne l'importation de soja, de réduire les effets négatifs de l'interdiction des farines sur les plans économiques et environnementaux et, enfin, d'accroître la compétitivité de l'élevage et de l'industrie de la viande.
Je veux bien, pour ma part, comprendre ces raisons et accepter le principe de mise en place d'un « plan protéines » ambitieux, auquel, à titre d'exemple, la région Midi-Pyrénées, dont je suis l'élu, travaille sérieusement sous l'impulsion du conseil régional. Pour autant, faut-il soigner le mal par le mal ?
Dans une période marquée par la baisse régulière de la consommation de viande, une telle mesure ne pourrait, à mon avis, que semer le doute et aggraver la situation des éleveurs. Ceux-ci se demandent avec effroi si l'application d'une telle mesure ne sera pas la boîte de Pandore d'une nouvelle catastrophe épidémiologique.
Les consommateurs, déjà échaudés par les expériences passées, ont besoin de signes positifs qui les rassurent. Cette inquiétude, je la partage d'autant plus que je reste persuadé que deux solutions s'offrent à l'Europe.
La première est la remise en cause des accords de Blair House, signés en 1992, par lesquels l'Europe a accepté de limiter son soutien aux cultures de protéine végétale et s'est engagée à importer du soja américain sans droit de douane. Avec une meilleure utilisation du colza et une reconversion de seulement 7 % des surfaces de céréales, il serait possible de réduire les importations de protéines animales de 41 %.
La seconde solution réside dans la qualité des filières. Elle seule pourra assurer l'avenir de l'élevage : les cogitations de tous les docteurs Folamour, elles, ne pourront à la longue que conduire au désastre !
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je serais particulièrement heureux de connaître la position du Gouvernement sur une application du principe de précaution qui intéresse au plus haut point nos compatriotes, les producteurs comme les consommateurs. J'y insiste : ce matin, toute la filière de l'élevage est à votre écoute.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie également de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, qui est retenu ailleurs. Vous l'avez interrogé sur la position du Gouvernement quant à une éventuelle réintroduction des farines animales dans l'alimentation des animaux de rente.
Le 16 juillet dernier, la Commission européenne a adopté une feuille de route faisant état d'un nouveau programme d'actions pour les cinq années à venir en matière de lutte contre les encéphalopathies spongiformes transmissibles, ou EST. Parmi les mesures envisagées figure le réexamen de certains aspects de l'interdiction totale de l'usage des protéines animales transformées dans l'alimentation des animaux producteurs de denrées alimentaires.
Pourraient ainsi être revues certaines des dispositions qui interdisent, à ce jour, le recours à des protéines animales transformées dans l'alimentation des animaux non ruminants, tels que les porcins, les volailles ou les poissons. Cette révision n'irait cependant pas jusqu'à remettre en cause le principe fondamental du non-recyclage des protéines au sein de la même espèce, ou règle du « non-cannibalisme », ni celui selon lequel est interdit l'emploi de protéines animales transformées issues de mammifères dans l'alimentation des ruminants.
La ré-autorisation des protéines animales transformées dans l'alimentation des espèces autres que les ruminants soulève de légitimes questions d'ordre sanitaire, économique ou éthique.
C'est la raison pour laquelle, avant même l'examen des modifications que pourrait proposer la Commission européenne, Bruno Le Maire a décidé, en juillet dernier, de saisir l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. L'avis de cet organisme n'a pas encore été rendu à ce jour.
L'Autorité européenne de sécurité des aliments, quant à elle, devrait se prononcer, d'ici à la fin de l'année 2010, sur les risques liés à la présence de petites quantités résiduelles de protéines animales dans les aliments pour animaux.
Par ailleurs, le Conseil national de l'alimentation s'est également saisi du sujet : il s'est proposé d'étudier l'acceptabilité sociétale de la réintroduction de farines animales dans l'alimentation de certaines espèces dont les produits sont destinés à la consommation humaine. Un avis définitif est attendu pour la fin du mois de juin 2011.
Enfin, les techniques d'analyse permettant de déterminer l'espèce animale dont sont issues les protéines transformées devront avoir été validées préalablement à l'examen de toute proposition de modification réglementaire. La validation de ces techniques par la Commission et les États membres pourrait intervenir à l'automne de cette année.
C'est à la lumière de ces éléments et des avis attendus que le Gouvernement examinera les propositions de modification de la réglementation communautaire visant à assouplir l'interdiction d'emploi des protéines animales transformées en alimentation animale.
Monsieur le sénateur, aucune décision n'est prise. Nous attendons d'avoir tous les avis avant de prendre quelque mesure que ce soit, et nous avons d'ailleurs pleinement conscience de tous les problèmes qui se posent.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, je prends acte des précautions que vous venez d'énumérer.
Je fais bien entendu confiance au ministère de l'agriculture, qui a entrepris cette démarche. Toutefois, je le rappelle, nous avons connu la crise de l'ESB et nous savons combien elle a été dure : en quelques jours, la consommation de viande s'est effondrée de façon absolument apocalyptique dans nos régions, même pour les productions sous signe officiel de qualité.
Je ne suis pas certain que les consommateurs fassent aujourd'hui la différence entre ruminants et non-ruminants : ils mélangent sans doute les porcs, les bovins, etc. Par conséquent, dès l'instant où surgira le spectre des farines animales, je crains que la baisse de la consommation de viande, qui est actuellement comprise entre 4 % et 5 % chaque année, ne s'accentue encore davantage. Ce serait dramatique.
Je le répète : l'une des propositions fortes émises par l'ensemble de la profession, c'est la mise en place d'un grand « plan protéines ». Il faut absolument que notre pays engage un projet ambitieux afin de permettre à la filière d'acquérir une autonomie en matière de protéines végétales. Ce serait une réponse à la décision de la Communauté européenne. J'attends un signe fort en direction des agriculteurs pour les encourager à s'orienter vers ces productions qui leur garantira cette indépendance.
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