Question de M. LOZACH Jean-Jacques (Creuse - SOC) publiée le 02/09/2010
M. Jean-Jacques Lozach attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur la situation financière des départements. Lors de la deuxième conférence sur les finances publiques du 20 mai dernier, le Président de la République a annoncé que les concours de l'État aux collectivités territoriales évolueront en 2011 selon une norme de stabilité en valeur. Cependant, l'état des finances départementales ne permet pas de faire face à une telle rupture. Remis le 26 avril dernier au Premier ministre, le rapport Jamet met en évidence que la situation budgétaire des départements est contrastée, notamment sur les droits de mutation à titre onéreux. Parfois aggravée par le profil démographique, elle fait craindre un désajustement structurel entre les recettes et des prestations sociales dont la montée en puissance perdure. Le rapport confirme que les départements subissent une dégradation très brutale de leurs comptes. Il fait état de 11 départements les plus gravement touchés par l'accroissement des dépenses sociales et la faiblesse des ressources. Parmi ceux-ci, la Creuse, avec en particulier le plus fort taux de personnes âgées de plus de 75 ans et une dépense sociale par habitant de 579 euros. Les effets de la crise sur la baisse des recettes se poursuivent et s'ajoutent à la progression non maîtrisable des dépenses obligatoires liées aux allocations universelles de solidarité : revenu de solidarité active (RSA), allocation personnalisée d'autonomie (APA) et prestation de compensation du handicap (PCH). Les transferts de charges non compensés et l'impact financier de l'évolution des normes complètent un tableau très sombre. Face à ces tensions, les départements, dont l'autonomie fiscale a été réduite, ne disposent plus du levier fiscal pour mettre partiellement en adéquation ressources et dépenses. Enfin, s'agissant des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les finances locales, les engagements du Gouvernement n'ont pas été tenus : la « clause de revoyure » prévue par l'article 76 de la loi de finances pour 2010 et portant sur la mise en œuvre de mécanismes d'ajustement et de péréquation pour les collectivités pénalisées, n'a pas été respectée. Le 1er juin dernier, recevant une délégation de l'Assemblée des départements de France, le Premier ministre a annoncé la mise en place à compter de septembre 2010 d'une mission d'appui aux départements qui pourrait proposer des avances du Trésor. Il a évoqué une réforme de l'APA. Or les départements sont à la veille de subir un effet de ciseau violent. Il lui demande donc si l'État entend prendre pleinement en considération le caractère d'urgence de la situation de péril des départements les plus exposés dès 2011. Il lui demande enfin de préciser les mesures structurelles envisagées pour y répondre durablement.
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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 06/10/2010
Réponse apportée en séance publique le 05/10/2010
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question, qui s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte sur la situation financière des départements.
Lors de la deuxième conférence sur le déficit du 20 mai dernier, le Président de la République a annoncé que les concours de l'État aux collectivités territoriales évolueront en 2011 selon une norme de stabilité en valeur.
Cependant, l'état des finances départementales ne permet pas de faire face à une telle rupture. Remis le 26 avril dernier au Premier ministre, le rapport Jamet met en évidence que la situation budgétaire des départements est contrastée, notamment concernant les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Parfois aggravée par le profil démographique, elle fait craindre un « désajustement » structurel entre les recettes et des prestations sociales dont la montée en puissance perdure.
Le rapport confirme que les départements subissent une dégradation très brutale de leurs comptes. Il dresse la liste des onze départements les plus gravement touchés par l'accroissement des dépenses sociales et la faiblesse des ressources. Parmi ceux-ci, la Creuse possède le taux le plus élevé de personnes âgées de plus de 75 ans et une dépense sociale par habitant de 579 euros.
Les effets de la crise sur la baisse des recettes se poursuivent et se cumulent à la progression non maîtrisable des dépenses obligatoires liées aux allocations universelles de solidarité : revenu de solidarité active, RSA ; allocation personnalisée d'autonomie, APA ; et prestation de compensation du handicap, PCH.
Les transferts de charges non compensés et l'impact financier de l'évolution des normes complètent un tableau très sombre. Face à ces tensions, les départements, dont l'autonomie fiscale a été réduite, ne disposent plus du levier fiscal pour mettre partiellement en adéquation ressources et dépenses.
Enfin, s'agissant des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les finances locales, les engagements du Gouvernement n'ont pas été tenus ; je pense en particulier à la « clause de revoyure » prévue par l'article 76 de la loi de finances pour 2010 et relative à la mise en uvre de mécanismes d'ajustement et de péréquation en faveur des collectivités pénalisées.
Le 1er juin dernier, recevant une délégation de l'Assemblée des départements de France, le Premier ministre a annoncé la mise en place, à compter de septembre 2010, d'une mission d'appui aux départements, qui pourrait proposer des avances du Trésor. Il a également évoqué une réforme de l'APA. Or les départements sont à la veille de subir un effet de ciseau encore plus violent que ce que nous avons connu ces dernières années.
Madame la ministre, l'État entend-il prendre pleinement en considération, et ce dès 2011, le caractère d'urgence de la situation de péril des départements les plus exposés ? Pouvez-vous nous préciser les mesures structurelles envisagées pour y répondre durablement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Lozach, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de François Baroin, qui n'a pu être présent ce matin.
Vous avez évoqué la situation des départements, et, plus généralement, le niveau des dotations de l'État aux collectivités territoriales, ainsi que la clause de revoyure dont le principe avait été retenu au moment de la réforme de la taxe professionnelle.
Sur la stabilité en valeur des concours de l'État aux collectivités locales, je vous répondrai que le Gouvernement a traduit dans le projet de loi de finances les décisions qui avaient été prises lors de la conférence sur les déficits publics présidée par le Président de la République et que l'État s'impose à lui-même cette même règle de stabilité en valeur, hors dette et pensions. Elle est nécessaire pour le redressement des comptes publics.
Toutefois, cette stabilité en valeur doit s'accompagner d'une plus grande péréquation au sein de l'enveloppe, afin de protéger les plus fragiles. Le Gouvernement propose donc de renforcer la péréquation départementale, tout en s'assurant qu'aucun département ne verra sa dotation globale de fonctionnement, baisser.
Concernant la clause de revoyure adoptée lors de la réforme de la taxe professionnelle, vous vous inquiétez, monsieur le sénateur, de ce que le Gouvernement n'aurait pas respecté son engagement à cet égard. Il est vrai que la loi de finances de l'an dernier prévoyait un rendez-vous législatif cet été ; nous avons néanmoins décidé, en accord avec les parlementaires en mission sur la taxe professionnelle, de le reporter au moment de l'examen du prochain projet de loi de finances, afin de pouvoir disposer des dernières simulations et tirer le meilleur parti des rapports des inspections et des parlementaires.
Des dispositions relatives à la péréquation horizontale figurent donc dans le projet de loi de finances pour 2011, notamment à l'échelle départementale, qui vous préoccupe. Le Gouvernement présentera en outre une amélioration du mécanisme de péréquation des DMTO, lequel avait été introduit l'an dernier par vos collègues de l'Assemblée nationale. Les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne nationale c'est le cas de la Creuse pourront dès lors bénéficier de la reprise du marché immobilier, qui, comme chacun sait, n'est pas uniforme sur le territoire. J'en profite pour indiquer que les DMTO, au vu des chiffres disponibles à la fin du mois d'août, progresseraient de 39 % de 2009 à 2010, ce qui est une bonne nouvelle pour les départements.
Vous le savez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est vigilant concernant la situation des départements, comme M. le Premier Ministre a eu l'occasion de l'indiquer à l'Assemblée des départements de France avant l'été. La mission d'appui qui avait été annoncée lors de cette rencontre est désormais opérationnelle. Tout département rencontrant des difficultés financières peut se rapprocher de cette mission, qui pourra proposer le cas échéant un contrat de stabilisation. Celui-ci devra permettre d'accompagner, via un système d'avances, les départements qui connaîtraient des difficultés importantes en 2010. Le Gouvernement présentera en projet de loi de finances rectificative pour 2010 les dispositions permettant de mettre en uvre concrètement ces avances.
De façon plus structurelle, comme l'ont déjà annoncé le Président de la République et le Premier ministre, nous avons décidé d'un moratoire sur les normes, afin de mettre un frein à l'effet inflationniste que celles-ci peuvent avoir sur les dépenses des départements. Enfin, passée la réforme des retraites, le Gouvernement entend mener la réforme de la dépendance, afin de faire face à ce défi démographique, social et financier, qui concerne bien évidemment nos départements
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Vous avez perçu, me semble-t-il, le sens de mon interpellation : le rapport Jamet ne doit pas rester lettre morte mais être véritablement suivi d'effets.
Les difficultés des finances départementales ont été bien pointées. Un certain nombre de départements, notamment les départements ruraux à faible densité de population, traversent de graves difficultés qui relèvent de handicaps structurels.
C'est la raison pour laquelle nous sommes véritablement en attente de mesures pérennes. À cet égard, je doute que le « frémissement » que connaissent aujourd'hui les droits de mutation à titre onéreux soit véritablement suffisant pour faire face aux difficultés sociales et économiques que rencontre le pays. À mon avis, il importe de redonner davantage de liberté d'action et d'efficacité à l'ensemble de nos collectivités.
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